
J’ai suivi avec amusement, mais aussi avec tristesse, le faux débat autour d’une image montrant le Président de la République concentré sur un jeu de Scrabble. Il est de notoriété publique que je ne fais pas partie du fan-club de Pastef-Les Patriotes, pour plusieurs raisons, en démocrate, citoyen et patriote libre de mes opinions et mouvements dans le « Sénégal Bi Nu Bokk », nom du mouvement politique de Dias fils, où je ne milite pas et ne compte pas m’y investir. Certains commentaires, à ce sujet, m’indignent, m’étonnent, me choquent et en disent long sur la mentalité de mon peuple. Sur les comportements qui nous retardent, à tous points de vue. Sur le temps qui file à grandes enjambées pendant que la jeunesse de mon pays se leurre devant le miroir de la pseudo-importance et de la pseudo-liberté offerte par les réseaux sociaux, ces redoutables et rusés agents de l’inaction, de la réflexion conditionnée et orientée, du retard et de la bêtise, de la xénophobie et du racisme.
Ailleurs, la science défie la nature pour s’aligner au rythme de l’évolution humaine, la médecine enchaîne les avancées, l’économie jongle avec des chiffres à vous faire tourner la tête, la démocratie et la coutume s’enlacent et s’entrelacent, la jeune génération innove et dessine son avenir. Pendant ce temps, mon pays et mes gens s’agrippent au détail, s’acoquinent avec des choses qui ne grandissent en rien l’humain, ne développent pas la nation, ne nourrissent ni l’esprit ni les ventres. Le monde fait face à des défis et enjeux qui demandent de l’énergie, du courage et de la créativité. L’insécurité et la saleté campent aisément dans nos grandes villes. Pendant ce temps, des compatriotes s’attardent sur une simple image pour débiter ou défendre des âneries, des deux côtés. Deux Sénégalais qui se regardent en chiens de faïence, sous un même toit.
Oui, il faut s’opposer et on doit s’opposer. C’est la norme en démocratie. Mais s’opposer avec élégance, vérité et grandeur. S’opposer dans la dignité et pour bâtir. S’opposer en donnant l’exemple et en servant de modèle. S’opposer avec des idées fortes et solides. S’opposer pour encourager et valoriser le bien, pas la bêtise ni la méchanceté. S’opposer sur des valeurs et non pour avilir l’autre, nier ses efforts et flatter notre égo de héros.
Franchement, cette image, un petit moment de pause et de détente, ne montre aucun manque de concentration et de sérieux de la part du Président. Rien de scandaleux, de condamnable. Juste un homme, même s’il est Chef de l’État, qui se pose et respire. Comme tout le monde. C’est ainsi qu’on se recharge pour la suite. La République est une montagne instable à porter au quotidien. Sous d’autres cieux, nul ne s’offusque d’une partie de golf, de football, de basketball, de jeux d’échecs ou de dames. Mais au Sénégal, si. Le bavardage stérile est un sport national. Le retard dans le progrès et les besoins essentiels passent toujours après. Le Sénégalais est contradictoire dans son attitude et dans ses attentes.
Notre vrai problème, nous Sénégalais, se trouve ailleurs. Pas sur une photo. Ouvrons les yeux sur l’essentiel. Évitons la distraction. Soyons plus exigeants envers nous-mêmes pour vraiment compter parmi les génies et les simples de l’humanité, parmi les nations qui font avancer le monde, à notre échelle.
Alain SAMBOU, Citoyen sénégalais et militant du monde.