La Tunisie veut « doubler » sa production cinématographique


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L’année 2010 est placée sous le sceau du cinéma en Tunisie. Présente au festival de Cannes, elle y présente cinq longs métrages, gage d’une production qui s’étoffe et qui compte maintenir ce rythme de croisière, selon le vice-président de la Chambre nationale des producteurs de films. Rencontre sous le pavillon tunisien avec Lotfi Layouni.

De Cannes

Depuis 4 ans, le pavillon de la Tunisie prend ses quartiers sur la Croisette pendant le Festival de Cannes. Lotfi Layouni dirige la société Amilcar Films et est vice-président de la Chambre nationale des producteurs de films (CNPF). A l’aune d’une expérience de 42 ans, il
parle de l’industrie cinématographique dans son pays.

Afrik.com : Quel est aujourd’hui le volume de la production cinématographique en Tunisie ?

Lotfi Layouni :
Chaque année, une moyenne de quatre longs métrages et une vingtaine de courts métrages sont produits. L’année 2010 a été proclamée  « Année du cinéma » par le président de la République. Dans ce cadre, le ministère de la Culture a soutenu neuf projets de long métrage, doublant ainsi la production par rapport à 2009.

Afrik.com : L’une des difficultés du cinéma tunisien, comme bien d’autres, reste de trouver des financements ?

Lotfi Layouni :
Il y a un manque de moyens financiers. Nous avons formé trop de cinéastes. Les demandes annuelles d’aide à la production sont donc nombreuses : nous en avons une quarantaine rien que pour les longs métrages, alors que nous ne pouvons répondre qu’à 10% de la demande.

Afrik.com : Les capitaux publics restent fondamentaux pour le développement de la production cinématographique ?

Lotfi Layouni :
Si l’Etat n’intervient pas pour soutenir la production et le secteur – la distribution et l’exploitation -, il sera extrêmement difficile de produire des films. La Tunisie est partie prenante du Fonds panafricain d’aide au cinéma, lancé en partenariat avec l’Organisation internationale de la Francophonie (Son lancement a été annoncé ce jeudi 20 mai au pavillon « Les cinémas du monde », ndlr). Nous essayons de sensibiliser les autorités de notre pays afin qu’elles puissent en être le relais à l’Union africaine. Car les Etats africains sont invités à alimenter ce fonds.

Afrik.com : Comment sont organisés les producteurs privés tunisiens ?

Lotfi Layouni :
Depuis la naissance du cinéma tunisien, les cinéastes se sont réunis dans le cadre d’une association qui militait déjà pour développer le secteur. C’était une bataille rangée. Après cela, quand la production est devenue libre, les producteurs privés ont créé la Chambre nationale des producteurs de films. Elle milite, elle aussi, pour le développement de l’industrie, en conseillant notamment l’Etat dans la conduite des réformes nécessaires et en l’incitant à venir en aide à un secteur qui est en train de s’effondrer dans le monde entier, et surtout dans nos pays. Par exemple, les salles de cinéma ferment partout sur le continent africain…

Afrik.com : Combien de salles de cinéma compte la Tunisie ?

Lotfi Layouni :
Il y en a une quinzaine aujourd’hui. En dix ans, nous en avons perdu une cinquantaine.

Afrik.com : Votre pavillon à Cannes a aussi pour mission de promouvoir la Tunisie comme destination de tournage ?

Lotfi Layouni :
Le pavillon tunisien a une double action de promotion. La première est de faire connaître les derniers films produits, leur créer les meilleures conditions de visibilité pour attirer aussi bien les distributeurs que les acheteurs ou les producteurs qui aimeraient bien se mettre en relation avec des producteurs tunisiens pour coproduire un projet. Car la plupart de nos films sont coproduits, on travaille beaucoup avec l’Europe. Le second volet de notre action est de promouvoir la Tunisie comme lieu de tournage. C’est un pays qui a une grande tradition de tournage de films étrangers. Nous avons de très beaux sites et des paysages fantastiques. Par ailleurs, c’est un petit pays, donc circuler y est facile. Nous bénéficions également de techniciens compétents qui travaillent partout dans le monde, de bons comédiens, le coût de la vie n’y est pas encore trop élevé. Nous avons toujours été dans le monde oriental, parce que nous sommes rattachés à cette culture-là, une terre convoitée. Amener des producteurs étrangers en Tunisie, c’est non seulement créer des relations futures pour coproduire et distribuer chez eux, mais aussi contribuer à faire tourner l’économie.

Afrik.com : Que vous a apporté depuis quatre années maintenant votre présence cannoise ?

Lotfi Layouni :
Nous sentons un intérêt grandissant pour nos produits, une présence plus massive sur notre pavillon et nous avons permis à la cinématographie tunisienne d’avoir une certaine visibilité au sein de ce village international qui abrite notre pavillon.

Afrik.com : Vous présentez cinq films à Cannes…

Lotfi Layouni :
Il y a trois films qui sont de la fiction pure : Les Secrets (Il est déjà sorti en France, ndlr) de Raja Amari, Fin décembre de Moez Kammoun et Palmiers blessés d’Abdellatif Ben Ammar. Nous présentons également un docu-fiction, Vivre ici de Mohamed Zran, et un long métrage documentaire, E viva le cinema de Mokhtar Ladjimi.

Afrik.com : On parle beaucoup de censure en Tunisie. Est-ce que vous en souffrez dans le cinéma ?

Lotfi Layouni :
Cela arrive, mais rarement. Je ne dis pas que tout va bien. La censure existe puisque nous avons une commission de censure. Elle censure généralement un plan. Mais ce n’est pas une souffrance parce qu’il y a une liberté dans le traitement des scénarios qui ne donnent pas matière à censure.

Afrik.com : Vous êtes dans le métier depuis plus de 40 ans. Est-il plus difficile de produire un film aujourd’hui en Tunisie comparé aux années précédentes ?

Lotfi Layouni :
Dans les années 60-70, c’était plus facile de tourner. Nous avions alors tous les services : les laboratoires, les caméras, tous les équipements de tournage. On tournait 100% tunisien. Ce n’est plus le cas aujourd’hui parce qu’il n’y a pas eu un développement du secteur. Les équipements de tournage ont été perdus suite à la faillite de la société publique qui les détenait. Les laboratoires ont fermé leurs portes. Si les compétences demeurent parce qu’elles continuent d’être employées en Tunisie ou ailleurs, il nous faut néanmoins faire des travaux en France ou ramener des caméras de l’étranger.

Afrik.com : Une telle structure ne peut être restaurée ?

Lotfi Layouni :
Nous sommes dans une phase de transformation du système : nous allons passer de l’analogique au numérique. Les prestataires de services investissent donc aujourd’hui en priorité dans le numérique. Avec ce changement, nous espérons revenir au 100% tunisien.

Afrik.com : Votre principale ambition pour le cinéma tunisien ?

Lotfi Layouni :
Produire mieux en quantité et en qualité. Doubler au moins la production.

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