« La personne que je considérais comme ma mère a vendu ma virginité »


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Mon combat contre la prostitution, couverture du livre
Mon combat contre la prostitution, couverture du livre

Poupy est une jeune femme d’origine ivoirienne de 36 ans. Une carrière de vingt-deux ans dans la prostitution en Europe, dont sa propre tante est à l’origine, lui a laissé bien évidemment de nombreuses séquelles corporelles et morales.

La prostitution chez les femmes africaines prend de plus en plus d’ampleur en Europe et plus particulièrement en France. Diplômée d’une école de commerce, Amely-James Koh Bela a une longue expérience dans le milieu associatif et dans l’humanitaire. Elle se bat depuis plusieurs années contre le trafic des femmes et des enfants, notamment dans la prostitution. Elle est l’auteur du livre La prostitution africaine en Occident . Afrik a décidé à sa manière de tirer la sonnette d’alarme. Ainsi nous vous proposerons dans les semaines à venir des témoignages récoltés par la Camerounaise entre 1995 et 2000 ainsi qu’une série d’articles de la rédaction sur la prostitution des femmes, des enfants mais aussi celle des hommes africains.

Propos receuillis par Amely-James Koh Bela

« C’est à partir de 12 ans que ma vie devient compliquée. Tout le monde me trouve belle et intelligente et c’est un défilé permanent chez mes parents pour des réserves en mariage (on demande d’avance la main de la jeune fille, ndlr). C’est un honneur d’avoir une fille aussi sollicitée. Je suis trop jeune encore et mon père veut que je fasse des études, donc il dit non à tous. C’est vers 14 ans que la soeur de ma mère qui vit en Hollande et qui semble y avoir réussi, demande à ma mère de me laisser avec elle. Non seulement, je vais faire de belles études, mais aussi, elle se chargera de me trouver un mari riche car elle en a trouvé plusieurs pour les filles des autres. Si seulement j’avais su ce qui m’attendait chez les Blancs, je serais restée bien au chaud chez mes parents. Mais à 14 ans, comment savoir, comment se méfier de ma tante si gentille, si généreuse, une personne au dessus de tout soupçon ? C’est ainsi que je me suis retrouvée à Amsterdam.

Ma tante, mon proxénète

Elle a pris mes papiers pour s’occuper de ma régularisation et je ne les ai plus revus. Elle m’a dit que le système scolaire hollandais était différent et que j’allais intégrer l’école au second trimestre. C’est alors qu’à la maison, un défilé bizarre d’hommes d’un certain âge qui me regardaient sous toutes les coutures comme une bête curieuse, a commencé. Ma tante m’avait habillée et maquillée comme une pin-up. Je faisais cinq ans de plus, ces hommes me touchaient et me tâtaient de partout. En fait, elle avait mis en vente ma virginité et pendant tout ce temps, elle cherchait le plus offrant. Cette femme que je respectais, que j’adulais, que l’idolâtrais, était devenue une inconnue pour moi, une étrangère, une vendeuse d’enfant, une trafiquante d’être humain…

C’était difficile de la regarder, je la détestais. Un jour elle est venue à la maison et m’a demandé de rassembler mes maigres affaires, car un Monsieur allait venir me chercher pour quelques jours. Elle m’a demandé d’être gentille avec lui et de faire tout ce qu’il allait me demander car c’était un mari potentiel, un homme riche et influent qui s’occuperait de mes études et de nos parents en les faisant venir en Hollande. Ce qui serait magique pour maman… Je me suis mise à crier et à pleurer tellement fort qu’elle m’a attrapée et m’a giflée pour que j’arrête. Elle m’a dit de ne pas gâter (compromettre, ndlr) ses affaires. C’est tremblante et terrorisée que je suis entrée dans la luxueuse voiture du Monsieur et que je suis partie dans la nuit avec un inconnu pour une destination que je ne connaissais pas…

Séquestrée par un vieux pédophile

Après un long voyage en voiture pendant lequel le Monsieur a été un peu gentil avec moi – mais cette gentillesse va disparaître dès notre arrivée – nous arrivons dans sa luxueuse villa. Il donne des instructions à une domestique pour moi. On m’installe dans une chambre, la femme me prépare un bain et c’est Monsieur qui me le donne, je tremble et je ne sais ni où je suis, ni ce qui va m’arriver. Mais je l’ai su rapidement. Il m’a sauvagement violée toute la nuit – je n’avais pas tout à fait quinze ans – en me demandant des choses sales que je ne connaissais pas. Cela va durer des mois et plusieurs fois par jour, sans que personne ne vienne à mon secours. Seule la femme de service m’aidait pour la toilette et me surveillait pour que je ne m’échappe pas. Ainsi qu’un vieux médecin de famille qui passait souvent soigner mes blessures et soulager les douleurs des longues et douloureuses sodomies sauvages dont j’étais victime. J’étais sa chose, son esclave, il m’avait achetée très cher, je lui appartenais, vendue par celle que je considérais comme ma mère…

Je suis restée deux ans dans cette villa et je suis devenue, à 17 ans environ, trop vieille pour cet amateur d’adolescentes, il a acheté une autre fille d’origine congolaise. Et il m’a vendue à un photographe suisse pour magazines pornographiques à qui il m’a chaudement recommandée pour mes formes. Je n’étais pas la première fille dans cette villa, il en achète en moyenne tous les deux ans, et les revend avant 18 ans car à cet âge elles sont trop vieilles pour lui. A 17 ans à peine, je commençais une carrière de mannequin de charme comme il disait. Ce Monsieur va changer ma vie, il m’achète des vêtements, m’emmène chez le coiffeur, me donne de l’argent, beaucoup d’argent, mais en contrepartie, me fait travailler comme une esclave et me fait faire des choses tellement dangereuses qu’elles mettent ma vie en danger. Il héberge deux autres filles dont une Gabonaise et une Bulgare.

Mes entrailles dévastées

Notre travail consiste à faire des photos de fist fucking. Ce sont des scènes où nous sommes pénétrées par toutes sortes d’objets (carottes, aubergines, concombres, bananes ou d’autres fruits, des bouteilles ou encore des mains entières ou des pieds ou les deux. Ou même plusieurs fruits ou légumes dans tous les orifices possibles. Ce sont nos organes spectaculairement dilatés, au bord de l’explosion et de la déchirure, qui sont photographiés. C’est très douloureux. Mais les amateurs de ces photos sont très demandeurs et le marché explose. Pendant que le photographe fait son travail, il y a un caméraman qui filme et ils feront des cassettes qui vont rejoindre les sex-shop du monde entier. Pour soutenir la douleur qui nous déchire les entrailles, nous sommes droguées et pour des scènes comme celles de bouteilles ou de poings, il est arrivé qu’un médecin nous fasse des petites anesthésies locales; car les premiers films montraient nos larmes et notre douleur. Sur les photos, en filmant juste l’essentiel, on ne montrait pas nos visages figés et tétanisés par la douleur…

Je suis incapable de décrire cette douleur qui vous arrache les tripes. Imaginez le poing d’un homme entièrement enfoui dans votre corps et que ce poing soit en mouvement. Plusieurs fois, je me suis évanouie de douleur, et plusieurs fois déchirée et recousue. Des gens paient des sommes folles pour visionner les cassettes de ces actes barbares chez eux. Une fois le petit effet anesthésiant parti, on a l’impression que l’intérieur du corps est en train de brûler. C’est à ce moment là, que Rolf a commencé à nous droguer et à nous donner de l’alcool et d’autres comprimés qui nous faisaient parfois oublier ce qu’on avait fait la veille. C’est la douleur dans la zone génitale qui nous rappelait la vérité. On dormait la journée et on travaillait la nuit. Ce calvaire a duré des années, nous changions souvent de pays : Italie, Espagne, Allemagne, France, surtout le Sud en été, il y a de gros clients.

Si tu savais ma vie…

Aujourd’hui, à 36 ans, mon corps est détruit : prostituée, battue et violée. Aujourd’hui, la drogue, le sexe et les choses que j’ai laissées mettre dans mon corps m’ont détruite. Mes muscles ont tous lâché et je suis sujette à des fuites au niveau de tous les orifices. Je traîne et porte en permanence de grosses protections que je dois changer toutes les deux heures à cause des fuites et des mauvaises odeurs. Je n’ai plus de vie de femme, aucun homme n’a envie de moi dès qu’il voit l’étendue des dégâts, surtout le long traitement de mes multiples infections. Je ne vis que pour la drogue et pour ma famille que je gâte mais qui ignore tout. Dieu seul sait comment tout cela finira. On m’a mis dans la merde et aujourd’hui, je me bats seule, je ne peux plus rentrer. Je ne saurais expliquer les marques sur mon corps et je risque de manquer de drogue. Ici, j’ai mes habitudes et mes clients. Je suis là parce que la personne que je considérais comme ma mère a vendu ma virginité.»

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