La face cachée de la prostitution au Maroc


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Les résultats d’une enquête réalisée en janvier 2008 auprès de 500 prostituées viennent de paraître au Maroc. Précocité de l’âge du premier rapport sexuel rémunéré, complicité de la famille, niveau d’études élevé, cette étude infirme de nombreuses idées reçues sur la prostitution et met en lumière une réalité du royaume chérifien souvent tue.

« Les travailleuses du sexe ne forment pas une catégorie homogène », c’est ce que l’enquête de l’Organisation Panafricaine de Lutte contre le Sida au Maroc (OPALS-Maroc) vient de dévoiler. Réalisée en janvier 2008 auprès de 500 prostituées marocaines, dans sept villes du pays, Azrou, Khénifra, Béni Mellal, Meknès, Fès, Agadir et Rabat, cette enquête met en lumière un phénomène peu évoqué au Maroc. Une partie des résultats est tristement prévisible mais beaucoup sont très surprenants.

La pauvreté est le premier facteur qui pousse certaines femmes à vendre leur corps mais le poids de l’analphabétisme- lié aux revenus- est également très lourd. C’est un facteur d’exclusion sociale et professionnelle. 31,5% des prostituées interrogées dans cette étude ne sont jamais allées à l’école.

Pourtant un résultat détonne: 21,1% d’entre elles sont arrivées jusqu’à l’enseignement supérieur et possèdent parfois même un diplôme. Comment expliquer cela ? Le chômage des jeunes diplômées et le temps d’inemploi avant le premier travail semblent être les raisons les plus pertinentes. Alors qu’on pensait que la prostitution était réservée aux plus illettrées, il semble que la faiblesse des bourses universitaires pousse certaines étudiantes à trouver dans la prostitution une alternative financière.

13% des prostituées sont des « célibataires vierges »

D’autres chiffres surprennent. 13% des prostituées interrogées sont des « célibataires vierges » qui ont toujours leur hymen. Ce chiffre met en lumière le problème de la sacro-sainte virginité demandée avant le mariage et les pratiques exercées par certaines femmes pour avoir malgré tout une activité sexuelle. Les fondements de la société marocaine sont à nouveau ébranlés dans cette étude lorsqu’on apprend que 59,4% de ces femmes ont eu leur premier rapport sexuel rémunéré entre 9 et 15 ans. Une femme interrogée avoue même avoir eu son premier rapport à 9 ans.

Par ailleurs 32,6% des femmes ont pratiqué ou subi un acte sexuel entre 6 et 15 ans. La faible probabilité que l’enfant de 6 ans soit consentant renvoie encore une fois aux problèmes de la pédophilie et aux violences sexuelles infligées aux jeunes filles, dans un pays où la sexualité est taboue. Les mariages forcés malgré l’interdiction récente de se marier avant 18ans sont encore monnaie courante.

La situation familiale des prostituées marocaines interrogées est assez révélatrice. 39,5% d’entre elles sont divorcées. Outre les problèmes économiques, la difficulté sociale à retrouver un mari est grande. De nombreuses femmes divorcées sont rejetées par leur famille ou leur entourage, accusées d’avoir causé le divorce. Sur le panel de femmes questionnées, 4% sont mariées. Ce chiffre est faible mais pourtant éloquent.

Elles se prostituent généralement en cachette pour subvenir aux besoins de la famille quand le mari est pauvre ou absent. Cependant certaines ont reconnu être poussées par leur conjoint ou leur famille dans cette voie-là. Le cliché de la femme qui vend son corps sous le regard honteux et accusateur de sa famille est égratigné. La prostitution est parfois encouragée par une famille complice voire coupable.

43,5% des prostituées n’utilisent pas de préservatifs

L’OPALS s’est également penchée sur l’exposition au SIDA des prostituées. Bien que la prévalence du VIH au Maroc soit seulement de 1%, la maladie est surreprésentée chez les prostituées. 2,59% des péripatéticiennes sont séropositives. L’étude met en cause le manque de campagnes de sensibilisation mais aussi le refus courant d’utiliser le préservatif chez les prostituées et leurs clients. 43,5% des prostituées ne se protègent pas.

Coût trop élevé des préservatifs, difficulté à s’en procurer, manque d’informations sur les risques et les symptômes de la maladie, le chemin à parcourir est encore long. La peur d’être arrêtée par la police est également importante. Lors des campagnes de ratissage de la police, « un préservatif dans le sac à main d’une fille est une preuve (suffisante pour estimer) que celle-ci se livre à la prostitution », indique l’étude.

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