L’Académie africaine des langues ouvrira courant 2005


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Près de quatre ans après sa genèse, l’Académie africaine des langues devrait officiellement voir le jour au second semestre 2005. Elle a pour vocation de redonner aux langues du continent toute leur importance et leur dimension. Interview d’Adama Samassékou, ancien ministre malien de l’Education, actuellement président de l’Académie.

Par Sandrine Desroses

Les langues africaines retrouveront bientôt toutes leurs lettres de noblesse. L’Académie africaine des langues (Acalan) ouvrira officiellement ses portes courant 2005. Si la création de l’institution a été décidée par différents chefs d’Etat africains et l’Union africaine (UA) en octobre 2001 en Zambie, elle devrait cette année devenir une réalité. Appuyée par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, les sciences et la culture (Unesco), elle aura fort à faire en 2006, déclarée « Année des langues africaines ». Interview d’Adama Samassékou, président de la structure.

Afrik.com : Quel est l’esprit de l’Acalan ?

Adama Samassékou : Notre ambition est d’apporter une contribution permettant la valorisation des langues africaines, et ce par leur usage dans la vie publique régionale et sous-régionale des Etats d’Afrique. Il est temps que les langues africaines soient valorisées dans leur statut pour devenir des langues de travail et des outils de développement. A commencer par l’éducation, qui forme la base de demain. Cette valorisation doit se faire sur la base d’un partenariat entre les langues africaines et les langues officielles européennes.

Afrik.com : Que pensez-vous du fait que les enfants africains doivent bien souvent suivre leur scolarité exclusivement dans une langue officielle (le français, l’anglais, l’arabe, le portugais ou l’espagnol) qu’ils ne parlent pas ou presque dans la vie de tous les jours ?

Adama Samassékou : L’éducation, dans la majorité des Etats africains, pose problème. Quand un enfant va à l’école, son apprentissage se fait, par principe et dans un souci de performance, dans la langue officielle du pays. Et pour un enfant, c’est comme si on lui parlait en chinois. La démarche constitue une agression. Or l’éducation a besoin de conditions favorables pour être efficace. Il faut qu’il y ait une continuité entre le milieu d’origine de l’enfant et l’école. La langue d’enseignement est un point essentiel dans le processus d’éducation.

Afrik.com : Et que préconisez-vous concrètement ?

Adama Samassékou : Nous souhaitons créer un partenariat entre les langues africaines et les langues officielles sur la base de la complémentarité, et pas celle du conflit. Car les conflits entre les langues sont à l’origine des conflits entre les hommes. La question linguistique du continent passe par la prise en compte de la langue héritée de la colonisation. C’est pourquoi nous sommes l’Académie africaine des langues et pas l’académie des langues africaines.

Afrik.com : Faut-il considérer l’Acalan comme un sursaut identitaire de l’Afrique ?

Adama Samassékou : La balle est plus que jamais dans notre camp, et nous allons la jouer correctement. A l’heure où l’on parle du pluralisme de l’Europe, nous souhaitons mettre en avant la diversité culturelle du continent. Il faut que l’Afrique cesse d’être ce continent qui consomme ce qu’il ne produit pas et produit ce qu’il ne consomme pas. Nous sommes en faveur d’une pensée autonome. La décolonisation doit être une réalité, je le dis sans agressivité. Les Africains sont debout pour dire qui ils sont, car l’Histoire africaine a trop souvent été niée. Les Africains et la diaspora pourront ainsi réaliser la renaissance du continent.

Afrik.com : Sur quels langues allez-vous travailler plus particulièrement ?

Adama Samassékou : L’académie va avoir, entre autres, une commission organisée autour des langues transfrontalières telles que le kiswahili, le foulfoulde ou foulani, ou encore le mandingue. Partout sur le continent, il y a des langues transfrontalières avec des frontières artificielles qui existent depuis des siècles, et qui font l’objet de nombreux conflits et guerres intestines. C’est pourquoi nous souhaitons travailler sur ce qui unit ces Etats, pour contribuer à la paix et à l’unité.

Afrik.com : Pourquoi un si long parcours depuis le lancement de l’initiative jusqu’à aujourd’hui ?

Adama Samassékou : Le destin africain est singulier. Il résulte de la volonté politique du continent. Si le projet a été entériné en 2001, il faut savoir que la logique de maîtrise de notre patrimoine culturel remonte à 1976 avec la charte culturelle de l’Afrique, un texte fondateur déclarant le caractère sacré et la nécessité de valoriser la culture africaine. La maturation a été lente, mais 2006 est l’Année des langues africaines.

Afrik.com : Comment est financée l’Acalan ?

Adama Samassékou : L’Unesco appuie beaucoup notre initiative. Dans les statuts de l’académie, une subvention intergouvernementale est prévue. La Francophonie et différents Etats tel que le Mali sont des partenaires qui participent au financement de l’activité en cours. En somme, nous avons là un projet fort soutenu.

Afrik.com : Quels sont vos projets en cours actuellement ?

Adama Samassékou : Nous préparons avec l’Unesco une conférence internationale qui aura lieu les 6 et 7 mai prochains à Bamako (Mali) sur le thème du « Multilinguisme dans le cyberespace». En marge de cette conférence, l’Acalan envisage de proposer un séminaire la veille de l’événement.

Visiter le site de l’Académie africaine des langues

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