Kenya : David contre ses vieux démons


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Ce qui ce passe au Kenya suite à l’invalidation des résultats du scrutin présidentiel du 08 août 2017 par le président de la cour suprême Monsieur David MARAGA, résulte d’une ambivalence qui fait malheureusement encore, le yoyo dans nombre de capitales africaines.

Mais avant de « déplaire » par l’étrangeté de mon propos, je dois avouer que lorsque j’ai vu à travers le petit écran la pile écrasante de documents sensée répertoriée point par point les irrégularités épinglées par les braves équipes du camp Raïla Odinga et qui devait être transmise séance tenante au service compétent de la cour suprême kenyane pour examen et observation, c’est d’un fou rire que je suis fendu pour accompagner leur lourd espoir d’avoir gain de cause. Et pourtant, contre toute attente, parce que les actes mal rendus ont été inconsciemment introjectés dans nos subconscients, de sorte que les réclamations venant de l’opposition, sont condamnées fatalement au déboutement, la cour suprême sans ambages, a reconnu les faiblesses contenues dans le rapport de la commission électorale.

L’africanisation vermoulue de la démocratie ressemble à s’y méprendre, aux affres inhérents au mariage forcé dans nos contrées. Celui de nos états notamment ceux de l’espace francophone, a été scellé en 1991 à « la mairie de la Baule par l’officier civil », François Mitterrand. Forcés de convoler en justes noces avec la démocratie, les états africains vu que c’est la majorité qui est concernée, vivent mal cette « conjugalité » pour laquelle ils n’étaient pas ouvertement demandeurs. De sorte que lorsqu’ils sont dans la grande salle de l’opposition, ils s’érigent en grands prêtres de ce mode de régulation de la cité. Lorsque par extraordinaire leur tour de marcher sur le sentier fait de tapis rouge arrive enfin, ils usent de mille et un moyens pour ne plus avoir à souiller leurs pieds sur des pistes vulgaires et impies. D’où le double sentiment et le ressenti de l’ambivalence. De toutes les façons dans un mariage ou les sentiments ont été forcés fort heureusement, nul n’est tenu dirons-nous ! Il est un fait, ouverte aux nationaux, généralement la commission électorale est composée de personnalités du clergé, de la politique et de la société civile. Les critères de sélection sont fonction des résultats recherchés par les groupements politiques. Souvent au détriment de la stabilité et du progrès du Pays qui est l’objet de leur légitime convoitise. Sur cette base, une telle commission ne peut pas donner les résultats escomptés aux électeurs. Car le fait d’être formaté à des valeurs profondément différentes, contribue à instaurer un climat de suspicion.

Cette vigilance à outrance que les uns et les autres exercent à l’égard des voisins en lesquels ils n’ont aucune confiance, commence de la première à la dernière mission de la commission. A savoir : la définition de la pédagogie à mettre en place, de l’approche technico-logistique et du maximum d’objectivité dont ils devront faire preuve, lors de leur délibération. Le seul fait que la commission électorale est perçue par tous les protagonistes comme un outil politique, assortie par des sources multiples avec pour consignes de tirer le pouvoir vers soi, est de nature à disqualifier cette instance saisonnière. Le caractère conjoncturel de la commission électorale impose à ses animateurs, une fonction de grands électeurs, sans « l’action » desquels, le pouvoir est imprenable. Maintenant. Comme l’indique son nom et pour faire court, la cour suprême en sa qualité administrative de dernier recours, a seule les moyens de corriger les « erreurs » de bonne ou de mauvaise foi rendues par celle qui fait office à la fois de : première instance et d’un jugement en appel. Il n’y a pas de doute que les observateurs étrangers qui sont venus manifester leur solidarité au peuple Kenyan, ont dû constater les irrégularités qui ont contribué à asseoir définitivement la notoriété administrative de la cour suprême.

Cependant pour préserver la noblesse de l’œuvre qui est la leur, comme au Gabon et ailleurs, ils ont usé de figures de mots : « les irrégularités constatés ici et là, ne remettent pas en cause la régularité du vote ». Sans être suicidaire comme peuvent le penser certains, la cour suprême dans un élan hautement patriotique, a pris devant l’histoire nationale et internationale, ses responsabilités. Celles qui consiste à dire : quelques soient les enjeux de l’enjeu, restons justes. Cette quête d’équité que promeut les membres de cette cour suprême, est susceptible diront certains, de mettre le feu à l’objet de leur professionnalisme. A ceux-là nous répondons sans imprudence aucune que, se résoudre aujourd’hui à faire une palabre salvatrice pour l’avenir, permet de faire l’économie de plusieurs palabres et d’instaurer une nouvelle culture de la démocratie. C’est surtout pour ça qu’il faut louer le courage héroïque des animateurs de cette cour suprême, qui visiblement n’avait d’autre objectif que celui de la stabilité du pays et la saine compétition entre groupements à vocation politique. Comme les observateurs étrangers qui ont couvert tout le pays à l’occasion de cette élection présidentielle, ils ont la conscience tranquille avec en prime, le devoir accompli selon la déontologie de leur noble profession.

La leçon Kenyane est simple, en plus de voler la vedette à ceux qui se targuent d’être des politiciens professionnels, car la démocratie est un prétexte à la politique et non une fin. Toute entité à vocation politique qui tord le cou aux principes de la démocratie qui consiste à reconnaitre ses limites et à tirer avantage de la réussite de son adversaire, constitue un pôle potentiel de souffrances pour son peuple. Vous avez dit ambivalence ? Si oui, demandons aux prescripteurs traditionnels des valeurs occidentales telle que la démocratie, que notre Afrique en a marre des pseudo-démocraties inspirés par des régimes dynastiques et autres hybridités qui déshonorent tout le monde et infantilisent chacun !

Vive le Kenya !

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