Iyad ag Ghaly, un poète devenu djihadiste


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Le fondateur et chef d’Ansar dine, le Touareg Yyad ag Ghaly n’a pas toujours prôné l’islamisme radical. Avant d’épouser cette idéologie, il était bon vivant, aimait les femmes, et écrivait de la poésie. Portrait.

« Iyad était un bon vivant !», disent unanimement ceux qui l’ont fréquenté. La poésie était son dada. Il écrivait régulièrement des textes de chansons pour de célèbres chanteurs, Il aimait aussi beaucoup les femmes, fumait des cigarettes, et buvait même de l’alcool.

Lorsque vous étiez en sa compagnie, il pouvait discuter avec vous durant des heures de la vie autour d’un thé. Mais cet Iyad ag Ghaly là est mort et enterré. « Ce n’est plus le même homme que j’ai connu », selon certains occidentaux, qui ont eu des contacts avec lui, tels que l’historien français spécialiste du Sahara, Pierre Boiley.

La métamorphose radicale du Touareg, fils d’un éleveur nomade, issu des Kel Afella, tribu noble de la confédération des Ifoghas, établie dans la région de Kidal, dans le nord-Mali, est connue de tous. Alors qu’auparavant il ne portait qu’une simple petite moustache, désormais, l’un des hommes les plus recherchés dans le monde, arbore une barbe longue et épaisse.

Guerrier charismatique

Le guerrier d’élite aguerri, qui a très jeune appris à manier les armes, lors de son séjour en Libye, au début des années 80, en s’engageant dans la légion islamique du colonel Mouammar Kadhafi, connait tout le monde dans le Sahel. Le chef d’Ansar Dine, l’un des groupes islamistes qui contrôlait le nord avant d’en être chassé par les soldats français, n’est en effet autre que celui qui a pris la tête de la rébellion touareg en 1990.

Son attrait pour le pouvoir ne date donc pas d’aujourd’hui. L’homme coiffé toujours d’un turban blanc, réclamant avec vergogne l’indépendance de l’Azawad, connu de tous, est alors adulée, respecté au sein de sa communauté. Charismatique. Il marque les esprits, tissant tout une légende d’un guerrier au grand courage, qui ne craint rien.

Depuis, sa légende s’est effrité auprès de nombreux touaregs, qui lui reprochent notamment ses liens avec la présidence du Mali, dont il devient le conseiller, après avoir signé les accords de paix en 1992. L’euphorie autour de lui est bel et bien retombée, même s’il compte toujours ses adeptes puisque son mouvement est aussi composé de nombreux jeunes Touaregs.

Caméléon

Pour certains rebelles du Mouvement national de l’Azawad (MNLA), il a trahi leur cause en tombant dans l’islamisme radical. D’ailleurs fin 2011, il tente de reprendre la direction du groupe. Sans succès. Boudé par les membres du mouvement, il fonde Ansar Dine, qui signifie littéralement « défenseurs de l’islam », et a pour but de faire appliquer la charia dans tout le Mali.

Nina Walet, l’une des seules femmes au sein du MNLA, est parmi ceux qui ne veulent plus entendre parler de lui, avouant ressentir une grande haine à son encontre. Même son de cloche pour ce responsable de la rébellion, qui vivait dans le même quartier que lui lorsqu’il était enfant. « Je ne sais pas pourquoi il a changé. Je ne veux plus parler de lui », a-t-il confié à Afrik.com.

Le fondateur d’Ansar Dine n’est pas un personnage commun. C’est aussi le genre d’homme, tel un caméléon, capable de s’adapter à n’importe quelle situation. Avant de devenir un chef de guerre charismatique, il a aussi été médiateur (ceux qui sont chargés de négocier la libération des otages) ainsi que diplomate. Le président malien déchu Amadou Toumani Touré le nomme en effet consul, à Djeddah, en Arabie Saoudite, en 2007. Il y est chassé trois ans plus tard pour ses liens étroits avec les islamistes radicaux.

Comment l’homme au turban blanc, élégamment coiffé, s’est-il métamorphosé en l’espace de quelques années, passant d’un amoureux des lettres au djihadisme ? Son long séjour en Arabie Saoudite serait à l’origine de sa transformation, selon certains observateurs.

« Iyad est un homme très intelligent ! »

« Son intérêt pour le djihadisme a été progressif. Cela ne s’est pas fait du jour au lendemain », affirme Maurice Freund, fin connaisseur du Sahel, fondateur de la compagnie aérienne Point Afrique, qui l’a fréquenté durant plusieurs années. « Le Iyad que je connaissais à partir des années 2000 n’était plus le même. Il était déjà en contact avec les islamistes radicaux bien avant son voyage en Arabie Saoudite. Il a aussi effectué des séjours au Pakistan. Je l’ai perdu de vue en 2010 ». C’est en « 1999-2000 qu’il a versé dans le salafisme, au contact de prédicateurs pakistanais installés à Kidal », affirme pour sa part l’historien Pierre Boiley.

Entre 2003 et 2005, assure Maurice Freund, « c’est celui qui a eu le plus de contacts avec les islamistes ». Le fondateur d’Ansar Dine était en effet médiateur, chargé de libérer les otages occidentaux. D’ailleurs c’est lui-même en personne qui a négocié la libération de l’humanitaire Pierre Camatte, premier français enlevé au Mali, à Ménaka le 26 novembre 2009, avant d’être relâché le 23 février 2010, par Al Qaida au Maghreb islamique (Aqmi). Selon les médias suisses, il a aussi été la clé de la libération de nombreux otages helvétiques en 2003, 2009 et 2012.

« Contrairement à ce qui est dit sur lui, il n’a pas adopté le djihadisme par opportunité, c’est faux !», clame Maurice Freund. « Il l’a fait, car il allait de plus en plus à la Mosquée et qu’il a été séduit par le discours wahhabite. Je pense qu’il croit vraiment à son idéologie ».

Le leader d’Ansar Dine sait que actuellement il est activement recherché. « Il ne dort pas deux nuits au même endroit, c’est un homme très intelligent, ça c’est sûr ! assure Maurice Freund. Les services de renseignements français savent à peu près où il se trouve. Mais ils ne le retrouveront pas. Il est trop malin Iyad ».

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