France : une femme d’origine haïtienne remporte son procès pour discrimination à l’embauche


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La patronne d’un salon de coiffure a été condamnée, lundi en France, pour « discrimination à l’embauche en raison d’une appartenance ethnique ou raciale ». En novembre dernier, elle avait en effet refusé d’embaucher une Française d’origine haïtienne en raison de sa couleur de peau. La décision de justice est saluée par SOS Racisme, partie civile dans cette affaire.

Clairmise Valton vengée. Cette Française d’origine haïtienne vient de remporter le procès pour discrimination à l’embauche qu’elle avait intenté à la patronne d’un salon de coiffure de Chateaubriand (département français de la Loire-Atlantique). Huguette Rivaud n’avait, en effet, pas voulu lui donner une place vacante en raison de sa couleur de peau. La femme de 55 ans a été condamnée par le tribunal correctionnel de Nantes à 3 000 euros d’amende, dont 1 500 avec sursis, à 1 500 euros de dommages et intérêts à la victime, à 1 000 euros pour SOS racisme (500 pour le siège et 500 pour la section Loire-Atlantique de l’association, tous deux parties civiles) et enfin 800 euros pour les frais d’avocat des parties civiles. La procureur, qui avait déclaré avoir « presque honte » en constatant que « le citoyen lambda est toujours raciste », avait requis 3 000 euros d’amende, dont mille avec sursis, et un stage de citoyenneté.

« Une très gentille dame, mais c’est une dame raciste »

Genèse de l’affaire. Le 22 novembre 2005, Clairmise Valton se présente à Actuelle coiffure pour déposer son CV. Huguette Rivaud lui indique qu’elle ne cherche personne et la postulante s’en retourne. Mais, le lendemain, l’ANPE (Agence nationale pour l’emploi) lui apprend que, suite à un congé maladie prolongé, le salon où elle s’était rendue cherche quelqu’un pour une durée d’un mois. La jeune femme de 27 ans, mariée à un Français, rappelle donc Huguette Rivaud, en précisant qu’elle est la candidate qui est spontanément passée la veille. Réponse : elle a déjà reçu trop de candidatures.

Envisageant la discrimination raciale, Clairmise Valton opte pour le testing (ou « test de discrimination »), une méthode légalisée par le Premier ministre Dominique de Villepin fin 2005 et qui est destinée à prouver la discrimination basée sur l’origine, le sexe ou le handicap. Elle demande à une amie blanche de se faire passer pour une coiffeuse et de proposer son CV, que la gérante accepte… La détentrice d’un CAP coiffure contacte donc l’ANPE, qui avertit l’inspection du travail et suspend l’offre. S’en suit un dépôt de plainte.

Face aux enquêteurs, le 14 février, Huguette Rivaud a fini par expliquer, selon plusieurs médias : « J’ai refusé d’embaucher cette personne parce que cela aurait posé des problèmes pour ma clientèle rurale ». La gérante a ajouté : « Je me sens mieux avec des gens de ma couleur ». Des propos qu’elle refusera de commenter lors de l’audience du 21 juin. Audience lors de laquelle son avocat, Maître Stéphane Fouéré, a estimé que sa cliente n’était « pas une personne raciste ou xénophobe » mais que, « à CV égal, elle portera plus facilement son choix vers une personne du cru ». Pour l’avocate de la défense, Me Marie-Emmanuelle Beloncle, a pour sa part répondu : « C’est peut-être une très gentille dame, mais c’est une dame raciste ».

Belle victoire, mais…

Finalement, la justice a tranché en faveur de Clairmise Valton. Un soulagement pour celle qui s’est battue pour sa fille, mais qui avait déclaré vouloir quitter la France et son métier à cause de cette affaire. S’exprimant à l’issue du verdict, Me Stéphane Fouéré a souligné : « Je ne pense pas que l’on puisse faire reposer sur ma cliente les problèmes d’embauche et d’emploi des personnes d’origine étrangère ». De là à faire appel ? « Mme Rivaud a été très déstabilisée par cette procédure; elle n’envisage pas de la faire perdurer. (…) Elle a toujours voulu faire preuve d’humanité et elle a été en partie dépassée par toute l’ampleur que cette affaire a pu prendre et toute la publicité qui a été faite à cette affaire », a confié l’avocat à l’agence d’information Associated Press.

Sa consoeur victorieuse se félicite, pour sa part, de la décision. Tout comme sa cliente. Elle est « très satisfaite qu’il y ait une déclaration de culpabilité », rapporte-elle. SOS racisme dresse pour sa part un bilan plus mitigé. Samuel Thomas, vice-président de SOS racisme, a déclaré à Associated Press être « satisfait » de la décision de justice, considérant qu’elle « consolide notre jurisprudence sur le testing » et « encourage les victimes à l’organiser elles-mêmes ». En revanche, saluant le « comportement exemplaire dans tous les services de l’Etat », il a toutefois regretté que les dommages et intérêts ne soient « pas significatifs ». D’autant que, selon lui, Clairmise Valton a perdu « au moins un mois de salaire » et a dû se reconvertir professionnellement. Reste que cette victoire s’ajoute aux autres remportées contre la discrimination à l’embauche.

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