Franc CFA et Françafrique : après les billets, par ici la monnaie !


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Mille francs CFA
Mille francs CFA

Ce lundi 19 septembre à Bercy, le ministre français des Finances préside la réunion des ministres des Finances et des gouverneurs des banques centrales de la zone Franc, en présence du ministre de la coopération Henri de Raincourt. Tout un symbole : en pleine crise de la dette et de la monnaie européenne, ceux qui prétendent que la Françafrique n’existe plus ne trouvent rien à redire au maintien d’un de ses principaux mécanismes institutionnels, le contrôle monétaire par le franc CFA.

La semaine dernière, les développements médiatiques autour des « révélations » de Robert Bourgi sont venus une fois de plus étayer les soupçons de corruption de nombreuses personnalités politiques françaises de premier plan, dont l’actuel Président de la République. Mais l’association Survie rappelle que la nébuleuse criminelle de la Françafrique ne se limite pas à des transferts de mallettes de billets, complétés depuis longtemps par des montages sophistiqués dans les paradis fiscaux.

Celle-ci repose surtout sur des mécanismes institutionnels tels que le maintien du franc CFA, seul système monétaire colonial ayant survécu à la décolonisation. Les pays de la zone franc n’ont aucune marge de manœuvre en termes de politique monétaire : depuis plus de 50 ans, ces décisions-là nécessitent l’accord de l’ancien colonisateur.

Cette quinzaine de pays monétairement vassalisés sont tenus de déposer la moitié de leurs réserves de changes sur un compte d’opérations au Trésor public français, et le gouvernement français possède toujours la capacité statutaire de contrôler, par son droit de vote et de véto, toutes les instances des banques centrales (BCEAO en Afrique de l’Ouest[2], BEAC en Afrique centrale et BCC pour les Comores). Il peut donc imposer les grandes orientations monétaires de ces pays, comme cela avait été le cas sous le gouvernement Balladur lors de la dévaluation de 1994, dont les économies africaines ne se sont jamais relevées.

Cette ingérence française est justifiée par l’assurance qu’elle prétend offrir aux marchés financiers, transposition sur le plan monétaire du dogme de la « stabilité politique » qui permet à la France de soutenir les pires despotes du continent, en sous-entendant que ce serait pire sinon… Elle est aussi présentée comme la garantie d’une prétendue « bonne gouvernance » de ces institutions monétaires ; cela n’a pourtant jamais empêché les dictateurs de se servir dans la caisse, et un câble diplomatique révélé par Wikileaks (09PARIS608) cite un responsable de la BEAC selon lequel l’argent détourné était en partie canalisé « vers les partis politiques français. […] Des deux côtés, mais surtout à droite, spécialement Chirac et y compris Sarkozy ».

Alors que la crise budgétaire des Etats européens repose la question de la souveraineté monétaire face aux marchés financiers, pratiquement personne ne s’étonne que les pays de la zone franc n’aient jamais eu ce droit souverain face à l’ancienne puissance coloniale : il est pourtant urgent que la France se désengage du système du Franc CFA. L’association Survie appelle donc celles et ceux qui s’offusquent des livraisons de mallettes de billets de Robert Bourgi à ne pas seulement demander une enquête sur ces faits, mais à exiger un véritable examen de la politique française en Afrique, sur ses volets occultes comme sur ses mécanismes institutionnels, sans hypocrisie ni tabou.

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