Foi du chant, chant de la foi


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Le groupe religieux congolais Makoma s’impose comme l’un de ténors de la musique africaine actuelle. Précurseur d’un gospel moderne, il mène aujourd’hui une trépidante carrière internationale. En dépit des médisances et des aléas du star system, l’envie de chanter reste intacte. Interview.

Show de la foi, Makoma enflamme l’Afrique et le monde. Le groupe religieux, Kora du meilleur groupe africain 2002, s’est taillé une place parmi les grands artistes du continent. Vivant à Rotterdam (Pays Bas), les cinq frères et sœurs et leur ami Patrick sont tous congolais (RDC) et déchaînent les foules à chacun de leur concert en Afrique ou ailleurs. Rencontrée au Festival panafricain de musique 2003 à Brazzaville, Nathalie, l’une des principales solistes du groupe, nous confie ses sentiments sur leur statut de stars. Malgré les contraintes inhérentes au leur médiatisation, elle garde toujours le même plaisir de chanter.

Afrik : Est-ce que la pression médiatique n’est pas difficile à supporter ?

Natalie : Non ce n’est pas difficile, seulement parfois c’est trop. Surtout quand on est fatigué. Il nous est arrivé de donner plus de vingt interviews par jour au Fespam. Mais que faire ? Cela fait partie du travail. Donc il faut jouer le jeu et y aller jusqu’au bout.

Afrik : Chacune de vos sorties en Afrique est un événement. Il y a malheureusement eu des victimes lors de votre concert à Goma (RDC). La fièvre Makoma ne vous fait-elle pas un peu peur ?

Nathalie : Oui ça fait peur. L’engouement du public peut lui faire perdre la tête. J’ai déjà eu peur pour moi. Il peut se passer plein de choses quand vous êtes au milieu d’une foule de fans. La foule est incontrôlable. Et ce partout où l’on passe. Je dois reconnaître qu’ici, pour le Fespam, il y avait une bonne sécurité pour nous encadrer. Surtout après les concerts.

Afrik : Vous avez été les précurseurs de la musique religieuse moderne, gospel soul, R’n B ou rap. Vous avez fait beaucoup d’émules à Kinshasa. Comment se passe la concurrence ?

Nathalie : Il y a des gens qui pensent que nous voulons monopoliser la scène musicale religieuse. Mais la musique est à tout le monde. Nous ne sommes pas des égoïstes. Chacun est libre de faire ce qu’il veut. Même copier d’autres artistes. Mais nous restons conscients que tout est éphémère. La fièvre des Makoma passera, plus personne ne parlera de nous, nous serons remplacés par d’autres personnes. Alors nous voulons juste nous concentrer sur notre travail.

Afrik : Est-ce qu’on observe, comme dans la musique congolaise, des règlements de compte plus ou moins violents entre les groupes. Quand bien même se sont des groupes religieux ?

Nathalie : Certaines personnes se sentent frustrées par notre succès. Je ne sais pas s’il s’agissait d’un groupe (religieux) concurrent mais Patrick a fini avec un couteau sous la gorge, ici même au Fespam. On lui a dit : « Vous croyez que vous êtes les meilleurs mais vous allez voir… ».

Afrik : Votre deuxième tournée à Kinshasa a un peu moins marché que la première. Certaines personnes vous reprochent l’inadéquation de votre message avec votre look trop agressif. Qu’en pensez-vous ?

Nathalie : Les gens ont tort de nous juger sur les apparences. La seule personne qui a le droit de nous juger c’est Dieu. Il n’est pas écrit que l’on doit s’habiller d’une certaine manière pour croire en lui. C’est le fond de ton cœur qui compte. Etre chrétien ça veut dire accepter tout le monde, d’aimer ton ennemie.

Afrik : Vous êtes très sollicités de part et d’autre, il y a une grosse pression autour du groupe. Est-ce que l’envie de chanter ne s’émousse pas à la longue

Nathalie : Il n’y a rien qui puisse me séparer de la musique. C’est mon premier amour. Quand je suis triste, c’est la musique qui est là pour moi. Quand j’ai un problème, c’est encore la musique qui est là pour moi. A travers la musique je peux exprimer tous mes sentiments.

Afrik : Le show de Makoma est très tonique. Est-ce que vous suivez un entraînement particulier ?

Nathalie : Je fais juste quatre heures de vélo pour garder la forme et travailler le souffle. Et je fais attention à ne pas trop manger. Parce que si tu prends du poids, tu te fatigues très vite sur scène.

Afrik : Y a-t-il un souvenir qui vous ait particulièrement marqué jusqu’ici dans votre vie d’artiste ?

Nathalie : Une femme malade est morte en directe à la télévision congolaise à Pointe Noire, pendant qu’on l’interviewvait. Juste avant de mourir, elle a dit « Avant de mourir, je voudrais juste que Dieu bénisse les Makoma parce que c’est grâce à leurs chansons que j’ai retrouvé la paix et la foi en mon Seigneur ». Elle s’est mis a fredonner une de nos chansons puis elle s’est éteinte…Un souvenir qui m’a vraiment marqué. Je ne peux pas trouver les mots pour exprimer ce que j’ai ressenti à ce moment là.

Afrik : Vous avez accompli beaucoup de choses jusque là dans votre carrière. Avez-vous encore des rêves artistiques ?

Nathalie : On rêve de chanter une chanson de paix avec tous les artistes. Ou une chanson avec un message fort où l’on soit tous unis. Sinon, je rêve évidement de chanter avec pleins d’artistes, tels que Whitney Houston, Michael Jackson, Youssou n’Dour ou encore Marie Missambo, une chanteuse chrétienne congolaise.

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