Love Leaticia Sounda : « L’Afrique est la solution au Coronavirus »


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Love Leaticia Sounda, Docteure en Sociologie, Gabonaise et spécialiste de la santé en Afrique, est également analyste des systèmes de santé et de gestion de crise sanitaire. Elle travaille sur la santé en Afrique, depuis plus d’une dizaine d’années maintenant, et a soutenu sa thèse de doctorat, en mai 2018, à l’Université de Lorraine (France). Depuis le 20 mars 2020, elle est devenue YouTubeuse, impliquée, chaque jour, dans la lutte contre la pandémie du Covid-19 en Afrique et dans le monde. Love Leaticia Sounda a ouvert une chaîne de publication sur YouTube et sur Facebook appelé LETY CHANNEL afin d’analyser les contours et les impacts de cette pandémie en Afrique et dans le monde.

Aujourd’hui, la Youtubeuse en est à sa 18ème publication. Dès sa première intervention, elle a pris position en tant que spécialiste de la question en soutenant l’hypothèse suivante : l’Afrique est la solution au Coronavirus. Pour cela, elle s’est appuyée sur trois éléments qui lui donnent raison aujourd’hui au vu des statistiques. Il y a les infrastructures de recherche africaine (le capital humain aussi), le rôle de l’Union Africaine et surtout l’expérience de l’Afrique en matière de gestion des crises épidémiques.

Depuis lors, la spécialiste de la santé en Afrique a mené plusieurs analyses où elle fait des propositions concrètes de gestion de crises. De l’isolement des populations des villes infectées à la préconisation de développement du secteur agricole.

La Sociologue a expliqué lorsqu’Antonio Guterres disait qu’il s’attendait à des millions de morts en Afrique que cette déclaration était fondée sur des prévisions qui, elles, dépendent fortement du niveau de médicalisation faible de l’Afrique. « Face à de telles estimations, il m’a semblé nécessaire de souligner que, malgré tout, la situation est entre les mains des Africains eux-mêmes. C’est à l’Afrique de gérer cette crise sanitaire en ayant recours à la médecine moderne tout en tenant compte aussi des ressources naturelles à savoir la médecine traditionnelle », soutient la spécialiste de la santé en Afrique.

Dans sa première série de publications réalisées, elle a mis un accent particulier sur l’analyse de la situation, évoquant les décisions qui vont dans le sens de limiter les mouvements des populations. « Pour cela, l’Afrique est confrontée à un dilemme important entre besoins primaires et besoins sanitaires. Comment peut-on observer le confinement si la population n’a rien à manger, n’a pas d’électricité, ni de l’eau pour se laver les mains régulièrement ? » Voici autant d’interrogations qui remettent en cause l’application des mesures de confinement, souligne la Docteure en Sociologie.

Love Leaticia Sounda parle également de la santé punitive en Afrique, « en ce sens que trop souvent, les autorités viennent sur les médias pour juste faire des annonces de restrictions sans prendre le temps nécessaire à la communication autour de la crise du Covid-19 en elle-même. On a une communication insuffisante et des mesures de restrictions incomprises par les populations, d’où le sentiment d’une santé punitive ».

La Sociologue estime que « pour arriver à coordonner toutes ces mesures (couvre-feu, confinement, isolement des populations), il faut que l’Afrique tienne compte du facteur développement dans le plan de la lutte contre le coronavirus » et « au regard des sommes importantes annoncées et des emprunts effectués auprès du FMI, il serait intéressant que cela serve au développement de l’accès aux soins mais aussi, à développer un secteur indispensable qui est celui de l’agriculture, important pour couvrir une partie des besoins primaires à savoir, celui de la nourriture ».

Dans sa deuxième série de publications, l’analyste des systèmes de santé et de gestion de crise sanitaire a puisé dans l’histoire de la santé en Afrique pour analyser la gestion de la crise du Covid-19. Au cours de cette série, elle explique que la médecine traditionnelle fait partie de la société africaine. « Avant que les Occidentaux n’arrivent, les populations africaines avaient recours à la médecine traditionnelle pour se soigner. Ils avaient recours aux éléments de la nature (feuilles, racines, écorces, graines…) et invoquaient des entités surnaturelles pour se soigner. Lorsque les Occidentaux sont arrivés, cette médecine traditionnelle a été combattue et marginalisée au profit de la médecine occidentale. Il y a eu tout un ensemble d’actions menées pour éloigner les Africains de leur médecine au travers de sa diabolisation. A cet effet, l’église a participé à ce déracinement pour emmener les Africains sur le chemin de la Bible. Après les indépendances, les premiers gouvernants n’ont pas pris le temps de s’approprier cette médecine importée de l’Occident. Ils se sont contentés de maintenir des liens de dépendances avec leurs colonisateurs. Cette dépendance qui s’expriment aujourd’hui sous forme de coopérations bilatérales avec pour conséquence dans la gestion de la crise du coronavirus, l’incompréhension soulignée dans les décisions qui s’apparentent à celles des Occidentaux, c’est-à-dire à du copié-collé », regrette la Gabonaise.

Lorsque l’OMS arrive en Afrique à la suite de la charte des Nation Unis, elle a, selon la Sociologue, « la mission de jouer le rôle d’arbitre et de conseiller stratégique sur les questions de santé auprès des gouvernements africains ». Force est de constater que « soixante ans plus tard, l’Afrique demeure le continent le plus en retard sur l’accès aux soins. Les inégalités de départ subsistent parce que les problèmes de fonds n’ont jamais été traités, à savoir, celui du développement de la recherche, celui de rendre le continent africain indépendant sur le plan sanitaire ».

L’analyste des systèmes de santé et de gestion de crise sanitaire fait remarquer que « durant des décennies, les dirigeants africains ce sont contentés des coopérations et de la couverture internationale par le canal de l’OMS pour soigner leur population. Tout ceci en négligeant la médecine traditionnelle qui est le reflet de son identité pour se consacrer à la médecine occidentale appelée aujourd’hui médecine moderne ». Elle met un accent particulier sur la médecine traditionnelle africaine. Une médecine qui a tout et qui ne demande qu’à être développée d’un point de vue scientifique.

« En résumé, l’Afrique doit se positionner clairement au sorti de cette crise sanitaire mondiale pour prôner justement l’adoption d’une nouvelle configuration de son système de santé. Celui-ci doit tenir compte aussi bien de la médecine moderne que de la médecine traditionnelle africaine. C’est à partir de là que l’Afrique sera crédible aux yeux de tous, au niveau continentale et mondial. Aujourd’hui, je me positionne dans ce cadre de pensée, celle d’une Afrique alliant médecine traditionnelle et médecine moderne. Ceci, en vue d’entamer la restructuration du système de santé en Afrique. Ainsi, les populations africaines pourront accéder à des soins de qualité, à des soins à base de produits locaux et surtout pour sortir de la précarité sanitaire », conclut la Sociologue et spécialiste de la santé en Afrique.

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