
À 24 ans, l’Ivoirien Ibrahim Coulibaly, alias El Sabio, a remporté le Championnat mondial de poésie en espagnol à Madrid. Une victoire inédite qui célèbre la puissance des mots africains au-delà des langues coloniales, et consacre une jeunesse littéraire plurilingue, engagée et audacieuse.
L’Afrique vient d’écrire une nouvelle page de son histoire littéraire. Le 6 juillet 2025, à Madrid, l’Ivoirien Ibrahim Coulibaly, plus connu sous le nom d’El Sabio, a été sacré Champion mondial de poésie au prestigieux concours international Consignas. Une première historique pour le continent, dans une compétition réunissant des plumes du monde entier… et tenue entièrement en espagnol. À 24 ans, ce jeune auteur autodidacte devient la voix d’une Afrique littéraire plurilingue et profondément humaine.
Une victoire qui dépasse les frontières
C’est au terme d’une compétition de haut niveau, organisée en ligne puis conclue à Madrid, qu’Ibrahim Coulibaly a été désigné lauréat du Championnat mondial de poésie-Consignas 2025. Il devient ainsi le tout premier Africain à inscrire son nom au palmarès de cette rencontre littéraire d’envergure. Son poème « Cuando vi al celaje llorar » (« Quand j’ai vu les lueurs du ciel pleurer ») a profondément ému le jury, par sa sincérité, son intensité émotionnelle et sa portée universelle.
Dans ses vers, le poète rend hommage à son père disparu, tout en interrogeant la douleur et l’espoir d’un monde en quête de justice. « Ce poème était pour moi un cri du cœur, une manière de dire que même la perte peut devenir lumière », a confié El Sabio.
L’espagnol, un choix audacieux et politique
Écrire et concourir en espagnol, langue ni maternelle ni nationale en Côte d’Ivoire, n’a rien d’anodin. Pour Ibrahim Coulibaly, ce choix relève d’un acte militant. Diplômé en espagnol de l’université Alassane-Ouattara de Bouaké, il voit dans la maîtrise de cette langue un levier de rayonnement pour la jeunesse africaine. « L’Afrique ne doit pas seulement consommer les langues du monde, elle peut aussi s’en emparer et créer à travers elles », affirme-t-il avec conviction.
En remportant un concours hispanophone à portée mondiale, El Sabio brise les barrières linguistiques et affirme la place de l’Afrique dans les espaces culturels internationaux souvent dominés par l’Occident.
Une voix ivoirienne pour les invisibles
Derrière le pseudonyme El Sabio – “le sage” en espagnol – se cache un jeune homme nourri de lectures, de luttes intimes et d’un engagement farouche pour la dignité humaine. Dans son discours de victoire, il a dédié son prix à son père, aux écrivains de l’ombre, aux rêveurs invisibles. Cette sensibilité, nourrie de douleur et de résistance, imprègne toute sa poésie.
Déjà auteur d’un premier recueil en français intitulé Les vers d’un fou, El Sabio incarne cette jeunesse ivoirienne qui refuse de choisir entre langue maternelle, langue coloniale et langue mondiale. Son sacre n’est pas seulement une consécration individuelle, mais un signal fort : la littérature africaine est prête à s’imposer dans toutes les langues du monde.