Egypte : « L’armée n’hésitera pas à tirer sur les manifestants »


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Suite à l’appel des islamistes à manifester ce vendredi et après l’assassinat d’un soldat égyptien dans le Sinaï deux jours après la chute de Mohamed Morsi, ex-président égyptien, les tensions montent. Les récents heurts entre pro et anti-Morsi font déjà craindre un retour de la violence en Egypte. Joint par Afrik.com, Marc Lavergne, chercheur et spécialiste de l’Egypte au CNRS, analyse la situation.

Afrik.com : Les islamistes égyptiens ont attaqué ce vendredi matin un poste de l’armée dans le Sinaï. Assistons-nous à une radicalisation de l’Egypte ?

Marc Lavergne : Il ne faut surtout pas confondre ce qui se passe au Sinaï et la situation actuelle de l’Egypte. Le Sinaï c’est un autre cas. Il échappe au contrôle du pouvoir égyptien. Les habitants sont des bédouins. Ils ont leur propre langue. Ils ont été chassés par les autorités égyptiennes de leurs terres pour construire une série d’hôtels. Les bédouins sont furieux de cela et ils sont en rébellion. En plus, il faut noter que l’armée égyptienne dans le Sinaï est très faible, en raison de l’accord signé avec l’Israël. Les Egyptiens n’ont que peu de militaires dans cette zone. Les Bédouins se livrent au trafic de drogue, d’armes et se réjouissent même de la situation en Egypte. Ils sont contre l’Egypte et ne sont ni avec la population, ni avec l’armée.

Afrik.com : Les islamistes et les partisans de Mohamed Morsi appellent à manifester ce vendredi. Peut-on s’attendre à une manifestation pacifique ?

Marc Lavergne : Dans des foules incontrôlées comme cela, il peut y avoir des initiatives violentes. Mais les militaires n’hésiteront pas à tirer sur les manifestants. Ils tirent contre tous ceux qui mettent du désordre. Il peut bien y avoir des morts. Cependant, il ne faut pas dramatiser. On est dans un processus, pas au début de l’histoire.

Afrik.com : A la suite de cet affrontement tendu entre pro et anti-Morsi, le scénario d’une guerre civile en Egypte est-il envisageable ?

Marc Lavergne : Oui, c’est bien possible. Mais les Frères musulmans sont des gens pacifistes. Ils ne sont pas des révolutionnaires. Ils sont une force de stabilité. Ils contrôlent l’ensemble de la population et jouent depuis longtemps le rôle de l’Etat en distribuant des vivres dans les mosquées…

Afrik.com : Donc si on vous comprend bien, un retour des Frères musulmans au pouvoir est bien possible ?

Marc Lavergne : Oui, un retour des Frères musulmans est possible. C’est une force très proche du peuple et qui existe en Egypte depuis très longtemps.

Afrik.com : Mais alors pourquoi sont-ils évincés du pouvoir ?

Marc Lavergne : C’est en raison d’une situation économique difficile. Il faut reconnaître qu’il y a eu du pillage.

Afrik.com : En 2012, les partis islamistes algériens avaient dénoncé des fraudes lors des élections législatives. Cette fois-ci, en Egypte, le parti islamiste est déposé par l’armée. Cette exclusion des islamistes du pouvoir ne risque-t-elle pas de radicaliser les groupes islamistes au Maghreb ?

Marc Lavergne : La situation des deux pays est totalement différente. En Algérie, c’est une guerre de l’armée contre le peuple. La sécurité militaire algérienne joue un double jeu. Tandis qu’en Egypte, les militaires sont pour leurs propres intérêts.

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