Drame de Karma : des rescapés racontent les faits, accusent formellement l’armée et exigent justice


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Les forces armées du Burkina Faso
L'armée burkinabé

Au Burkina Faso, le massacre de Karma continue de défrayer la chronique. Et, entre les autorités et les populations rescapées, la guerre des chiffres s’est installée. Les Forces de défense et de sécurité (FDS) du Burkina Faso sont formellement accusées par les populations.

Ce samedi, les populations de Karma, rescapées du massacre du 20 avril 2023, ont tenu une conférence de presse, à Ouahigouya. À l’occasion de cette conférence, ces habitants ont donné des détails sur ce qui s’est réellement produit en cette matinée du jeudi 20 avril 2023. « Le village a été encerclé, tôt le matin, par des hommes en tenues militaires burkinabè, lourdement armés et à bord de motos, de pick-up et de véhicules blindés. Les villageois se sont d’abord réjouis de leur arrivée, mais leur joie a été rapidement brisée par des coups de feu », lit-on dans la déclaration.

Ayant perçu l’intention des hommes, les habitants ont opté pour la fuite. Mais, ils « ont été rattrapés par les hommes armés et mis en groupe. Plusieurs groupes ont été exécutés sur place, y compris des blessés laissés pour morts qui tentaient de fuir. Certains groupes ont été ligotés et copieusement bastonnés avant d’être exécutés ».

Les exécutions ont eu lieu dans plusieurs quartiers du village, dont Moiga Yiri où personne n’a été épargné. Même pas des vieillards, des femmes enceintes ou des bébés morts au dos de leurs mères exécutées. Les villages de Dinguiri, Kerga et Ramdola ont également enregistré des morts.

Au moins 6 heures de carnage

Le massacre, qui a duré au moins six heures, a fait 136 morts et 9 blessés, selon les rescapés. Loin de la soixantaine de victimes annoncées par le procureur près le Tribunal de grande instance de Ouahigouya. De même, des greniers ont été incendiés, des animaux tués, d’autres emportés. Des téléphones portables ainsi que de fortes sommes d’argent ont été également emportés. Pour les rescapés, il n’y a pas de doute que la tuerie a été perpétrée par les FDS. « Nous, populations et rescapés des évènements de Karma et environnants, n’avons aucun doute qu’il s’agit des FDS qui ont été auteurs de ce carnage. Nous ne sommes pas dupes, nous connaissons bien nos FDS », peut-on lire dans la déclaration.

Pourquoi les populations accusent-elles l’armée ?

En dehors de l’uniforme de l’armée portée par les assaillants, l’accusation portée par les rescapés contre l’armée repose sur un autre fait qu’ils ont relaté : « Par ailleurs, dans la matinée du 24 avril 2023, nous avons entrepris courageusement de nous rendre à Karma pour enterrer nos parents, malgré tous les risques encourus. Cependant, l’armée avait barré la route au niveau de l’axe Ouahigouya-Youba empêchant ainsi les villageois de rejoindre leur village. Il est important de noter que les téléphones portables de ceux qui venaient dans le sens inverse (ceux qui se dirigeaient vers Ouahigouya) ont été confisqués, les photos supprimées avant restitution ».

Au regard de la façon dont les faits se sont déroulés, il y a lieu de se poser des questions. Même si les assaillants sont des terroristes déguisés dans des uniformes de l’armée, comment expliquer que des populations se fassent massacrer durant six heures sans que l’armée n’intervienne ? N’y a-t-il aucune base de l’armée à proximité ? L’armée n’a-t-elle pas reçu la moindre alerte pendant tout ce temps ?

Dans tous les cas, les rescapés, parents des victimes exigent que toute la lumière soit faite sur cette affaire. Afin que les auteurs, commanditaires et complices soient démasqués et châtiés.

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Historien, Journaliste, spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne
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