Dernier jour du procès Simbikangwa : « Je demande seulement à être traité comme un être humain »


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Pour le dernier jour du procès du rwandais Pascal Simbikangwa, poursuivi pour crimes contre l’humanité et crimes de génocide, ce vendredi, la parole était à l’accusé. Il a clamé son innocence devant la Cour d’assises de Paris et dénoncé le manque de preuves à son encontre. Les associations parties civiles sont restées inflexibles. Voici venu l’heure de l’épilogue au terme de six semaines de procès.

« Personne ne peut se réjouir de la perpétuité, quand on ferme les yeux et qu’on y réfléchit, c’est compliqué » déclare Madame Dafroza Gauthier, co-fondatrice du Comité des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), ce vendredi matin avant le début de l’audience. Le CPCR est une association, partie civile dans le procès, qui chasse les responsables du génocide rwandais en France. Aux six jurés et aux trois magistrats de cette cour d’assise de Paris qui ont le destin de Pascal Simbikangwa entre leurs mains, l’accusé déclare, « la tâche vous sera aisée ».

Il est aux alentours de 9h40, ce vendredi, quand, dans la Cour d’assise de Paris, la sonnerie retentit. L’assemblée se lève. Entre alors le président de la Cour, ses deux assesseurs, six jurés et deux remplaçants, ainsi qu’un magistrat remplaçant. « L’audience est reprise, veuillez vous asseoir », lance solennellement le président Olivier Leurent pour la dernière fois avant d’annoncer le verdict.

Simbikangwa demande à une « vraie justice »

La salle est pleine à craquer pour cette audience. Seuls les lève-tôt sont là pour écouter les dernières paroles de Pascal Simbikangwa, perçu par de nombreuses personnes dans la salle comme un génocidaire. Il a été défendu avec acharnement par ses deux avocats, Maître Bourgeot et Maître Epstein, qui ont voulu démontrer la complexité de cette affaire. « Je leur rends hommage pour leur maîtrise de leur science et leur dévouement, ils ont tout dit », commente l’accusé.

Simbikangwa a accusé le parquet de l’attaquer sans preuve. Il a incité à la manifestation de « la vraie justice qui poursuit le vrai coupable sans vouloir en fabriquer », il cite notamment Montesquieu. « Je demande seulement à être traité comme un être humain, pas plus », indique l’accusé avant de rappeler qu’ « il s’agit d’un génocide des Tutsis, suivis aussi par le génocide des Hutus, comme l’a qualifié certains experts ». Ses arguments, il les répète depuis le début du procès, lui qui a perdu nombre de personnes de sa famille à l’époque du génocide, notamment ses parents et un frère à qui il a tenu à rendre hommage.

« Dites au monde qu’au nom de la France, vous n’allez pas vous laissez rouler »

Simbikangwa a tenu à revenir sur l’affirmation qu’il a faite pendant tout le procès et qui a constitué une ligne d’attaque pour l’accusation : « comment un homme ratatiné sur lui-même, dans un pays où il y a un génocide, n’a pas vu un seul mort ». Il s’est défendu : « je ne vois pas que cela puisse considérer comme une participation quelconque dans ce génocide ». Et pour la première fois, il prononce le mot pardon « à toutes les victimes Tutsis, je pense à elles ». Il demande également « pardon pour la faiblesse de ma condition, qui ne m’ont permis de sauver des Tutsis ». Pascal Simbikangwa, âgé de 54 ans, est paraplégique depuis un accident de voiture en 1986.

Il a par ailleurs interpellé les journalistes par rapport à leur couverture du procès favorable à l’accusation, à l’instar de l’avocat Fabrice Epstein qui a déclaré : « vous (les journalistes) qui avez suivis le procès depuis le début, vous en avez suivis aussi les lacunes ». « Dites au monde qu’au nom de la France, vous n’allez pas vous laissez rouler », a-t-il ajouté en direction des jurés.

Un « discours savamment préparé »

« Ca a été à l’inverse de ce qu’il a fait pendant toute l’audience, explique Maître Philippart, avocat du CPCR. Mais sur le fond c’est la même chose ». Maître Baudoin, avocat de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), association elle-aussi partie civile, a qualifié l’intervention de l’accusé de « discours savamment préparé ». « Ce que j’ai retenu, c’est qu’il ne répond pas aux accusations », a-t-il poursuivi.

De son côté, l’avocat de la défense, Maître Epstein, a déclaré à la sortie de l’audience : « on attend des jurés qu’il ne rende pas une décision politique », qu’ils l’acquittent pour « faire que Pascal Simbikangwa ne soit pas condamné à la peine perpétuelle. Ca, c’est une honte ». Un des frères de l’accusé, Bonaventure Mutangana, assis au fond de la salle, a affirmé que Simbikangwa « n’a fait que son devoir (…) Il a fait selon sa conscience ».

Les dés sont jetés. Le verdict sera rendu à la fin de cette journée.

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