Le Cameroun est aujourd’hui le théâtre de réactions homophobes d’un autre âge. Insupportable négation de la dignité humaine, la stigmatisation dont sont victimes les homosexuels est une menace directe pour leur santé et contribue à nourrir l’épidémie de VIH. AIDES appelle la France à une réaction publique.
Mis en place le 22 décembre dernier par des associations LGBT et antisida camerounaises, le « Projet d’assistance et d’encadrement des minorités homosexuelles » (PAEMH) a fait couler un véritable torrent de boue homophobe dans la presse. Soutenu par l’Union Européenne (UE) à hauteur de 300.000 euros, ce projet axé sur la défense des droits des minorités sexuelles a ravivé une haine et une violence inouïe dans tout le pays. A tel point que le Cameroun s’apprêterait à refuser purement et simplement ce financement de l’UE et mettre un terme à ce projet. Une telle décision serait de très mauvais augure pour l’avenir des programmes de prévention et d’assistance envers la communauté gay camerounaise, pourtant particulièrement exposée au risque VIH. De récentes études menées dans différents pays d’Afrique soulignent en effet une prévalence considérablement plus élevée au sein de la communauté gay que dans le reste de la population, en raison notamment de la stigmatisation et de la discrimination dont elle fait l’objet, qui rendent plus difficile l’accès à la prévention et aux soins.
Un projet capital face à une législation archaïque. Les relations homosexuelles au Cameroun sont encore considérées comme un délit par l’article 347 bis du Code Pénal, et passible de 6 mois à 5 ans de prison ferme. Face à cette législation particulièrement hostile, ce projet s’était donné pour objectif la réduction des interpellations et gardes à vue abusives de personnes homosexuelles, l’assistance aux détenus et un meilleur accès aux soins et aux traitements anti VIH. Le porte-voix de ce projet, Maître Alice Nkom, se bat sans relâche pour l’abrogation de l’article 347 bis. Elle est aujourd’hui menacée de mort et de viol en raison de son combat pour le respect des droits humains.
Un pas en avant, deux pas en arrière : le gouvernement camerounais s’était pourtant engagé auprès du Fonds Mondial de lutte contre le Sida à intégrer les minorités sexuelles et les populations vulnérables dans son plan de lutte contre le VIH. Or le 9 janvier dernier, le Conseiller Technique N°1 du Ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, a publiquement jugé illégales les associations impliquées dans ce projet, accusant Me Nkom de « crime contre la loi » pour ses prises de positions en faveur des homosexuels.
AIDES dénonce cette incohérence notoire et rappelle que toute forme de discrimination est incompatible avec une politique de lutte contre le sida efficace. En sa qualité d’inspiratrice de la Déclaration pour la dépénalisation de l’homosexualité, ratifiée par 66 pays le 18 décembre 2008 à l’ONU, la France doit saisir cette occasion en réaffirmant haut et fort son engagement dans le combat international pour la dépénalisation de l’homosexualité.
AIDES fait part de sa profonde indignation et demande à l’Etat français de condamner publiquement les violences dont les minorités sexuelles et leurs défenseurs font l’objet, au Cameroun comme dans le reste du monde.