Conteur Soleil modernise les contes caribéens


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En officiant en langue française, Patrick Cheval est l’artisan d’un renouveau des contes caribéens. Le Guadeloupéen, évoluant sur scène sous le nom de Conteur Soleil, décline un univers pour petits et grands dont l’authenticité fait partout l’unanimité. Interview.

Des contes caribéens en français tout en en gardant la saveur créole. C’est le tour de force qu’a réussi à réaliser Patrick Cheval, alias Conteur Soleil sur scène où il officie en one man show depuis plus de 600 représentations. L’auteur et metteur en scène guadeloupéen, ancien responsables des ateliers théâtre et création à Pointe à Pitre, sera présent au festival Variations Caraïbes à Paris (27 septembre – 2 octobre). Il revient pour Afrik sur l’esprit de son travail. Un travail résolument contemporain et fédérateur mêlant musique, chansons, théâtre et bien sûr histoires.

Afrik.com : Quelle est votre base de travail ?

Patrick Cheval :
Je pars de mes souvenirs de personnages célèbres des contes caribéens inventés par nos arrière arrière grands parents et je bâtis des histoires originales autour. Conteur soleil raconte les aventures de Compère Lapin où l’on y retrouve Comère Tortue, le Soukounyan (créature malfaisante qui se transforme en boule de feu et qui aspire l’énergie de ses victimes, ndlr), le diable et d’autres personnages comme la fée des eaux Toimoinou. Pour créer une vraie dimension à tous ces personnages de l’univers des contes je vais donner à chacun une voix et leur associer une lumière particulière. A côté de cela, la théâtralisation du conte est très importante, tout comme la musique. Je travaille d’ailleurs avec une chanteuse et un compositeur.

Afrik.com : A qui s’adressent vos contes ?

Patrick Cheval :
Aux enfant de 4 à 104 ans, car les gens vont au spectacle en famille. Au delà de la forme, il y a l’importance du fond : la morale du conte. Quand je raconte l’histoire de Compère Lapin et du Nakin (qui n’a qu’un œil, qu’une jambe et qu’une aile), c’est pour aborder le thème de la différence. Compère Lapin, au départ, n’aime pas celui que tout le monde rejette, mais c’est cette seule et même personne qui va l’aider par la suite à ce sortir d’un mauvais pas. En faisant l’expérience de la différence, Compère Lapin va comprendre qu’il faut aller au-delà des apparences. D’une manière générale, je fais en sorte de mettre mes personnages dans des contextes tels qu’on puisse les rattacher à des situations du quotidien.

Afrik.com : Le fait que vous travailliez en français et non en créole n’enlève-t-il pas toute sa saveur à vos contes caribéens ?

Patrick Cheval :
Pas du tout. C’est une adaptation où l’on retrouve la même rythmique des mots, le même chaloupé. Le français est la langue médiatrice pour toucher le plus de monde. A travers Conteur Soleil, je souhaite présenter une vision moderne des contes caribéens. Travailler uniquement en créole m’aurait enfermé dans un carcan caribéen, or c’est bel est bien dans celui du conte, au sens large, que je me place. Mais la musique, la mise en scène, la manière de jouer et d’écrire reflètent tout à fait l’esprit créole. Certaines personnes m’ont dit que ça leur rappelait leur enfance, que ce n’était pas en créole, mais que c’était pareil. Des anciens m’ont même fait ce compliment que j’aime beaucoup, ils m’ont dit que ma manière de jouer les contes était comme si « je montais les côtes sans starter ».

Afrik.com : Vous êtes seul sur scène. Est-ce à dire que vous travaillez en solo ?

Patrick Cheval :
Non, il y a beaucoup de monde autour de moi. Tout une équipe en fait. Je travaille avec Oliver Berthelot, qui est compositeur et instrumentiste. Il y a également Christiane Obydol (chanteuse du groupe Zouk Machine, ndlr) qui , travaille au niveau de la musique et des arrangements de voix (il existe un disque des airs et chansons du spectacle, ndlr). Il y a par ailleurs deux personnes pour les décors et les accessoires, Jean Claude Cabo et Franck Lagaroje, Mathilde Morhange aux costumes, Jean-François Dominges à la régie lumière. Audrey Solirenne est notre attachée de production. Nous éditons également un livre-disque pour voyants et mal voyants, dont les illustrations sont réalisés par Claire Dutat. Le tout est porté par la compagnie des Mornes Bleus dont la marraine est Jenny Alpha, doyenne des comédiens (Martinique, ndlr).

Afrik.com : Il n’y a pas beaucoup d’initiatives de l’envergure du festival Variations Caraïbes auquel vous allez participer en France métropolitaine. Quel regard portez-vous sur ce coup de projecteur sur les arts créoles ?

Patrick Cheval :
Je suis touché par l’initiative et je félicite ces jeunes organisatrices qui veulent porter haut la diversité des arts de la Caraïbe et la présenter dans un bel écrin. J’imagine que cela n’a pas été évident de convaincre tant de monde pour un première édition, mais les enjeux sont ailleurs, ils sont artistiques, sociaux et culturels. Et les artistes de la Caraïbe n’ont pas tant l’occasion que ça de participer à ce genre de rencontres. Je suis à fond avec cette équipe et je suis très content de figurer sur ce plateau.

 Contacter Patrick Cheval : conteursoleil@free.fr

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