Congo : Kolélas, le premier psaume de la Démocratie du Printemps Congolais tant psalmodié ?


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Guy Brice Parfait Kolélas
Guy Brice Parfait Kolélas

Congo. Retour de la dépouille de Kolélas, ou résurrection de la démocratie congolaise ? En tout cas, la magie s’est retournée. Comme Saint-Lazare sur son lit de mort, la dernière réplique du candidat Kolélas est-il le 1er psaume de la Démocratie du Printemps Congolais tant psalmodié ?

Ce dimanche 21 mars 2021, la Mort est venue voter au Congo. A la place des électeurs, si peu nombreux. A la place d’une démocratie, si peu vivante. La Mort a voté. Ici, à Brazzaville, Congo. Terre d’Afrique, où tout le monde le sait : « ici, on ne meurt pas », ou plutôt : on ne meurt jamais vraiment. Demandez-le à Guy-Brice Parfait Kolélas ou même à la Démocratie, c’est ce qu’elle vous répondra : on ne meurt jamais vraiment en Afrique.

Plus fort qu’un Karachika

Non. On ne meurt jamais. Surtout si on est devenu un symbole puissant, un poème médiatique, ou un psaume contemporain — une histoire qu’on racontera à nos enfants en parlant de sacrifice à la démocratie. Sérieusement, il n’y a qu’au Congo où on peut être candidat d’opposition, et mourir le jour des élections. C’est une fable, une pièce de théâtre, un film de cinéma ? Sérieusement. C’est une blague. Plus fort qu’un karachika produit à Nollywood ? La politique congolaise. Envoûtée de 1979 à 2021.

Une illusion, des histoires… On retiendra de la légende de Molière qu’il est mort sur scène en jouant une dernière fois Le Malade Imaginaire. On retiendra de la légende de Kolélas qu’il est devenu plus vivant que jamais, en mourant sur la scène politique d’un Congo qui reste à imaginer. Mais l’élection présidentielle, elle, est morte d’une maladie bien réelle : la tyrannie de la peur, une pièce qui s’est jouée à Internet fermé.

Mort de Kolélas, Acte 1

Les rideaux sont tirés. On attend. Mais quelque chose va revenir, quelque chose va s’ouvrir. On attend. On lève les yeux. Notre pièce de théâtre attend son prochain acte, ses anciens spectateurs et ses nouveaux acteurs, comme on attend un signal. Ou comme on suit dans le ciel le retour d’un avion transportant un cadavre qui en appelait à un réveil, à une révolte, une révolte qui s’était envolée il y a bien longtemps — avec toujours cette peur, bien réelle, au cas où, pour couper les ailes du renouveau démocratique.

De retour sur Terre, la parole devient prophétie. Comme le dernier souhait du condamné, le cadavre avait prévenu, le cadavre avait parlé : « Levez-vous ». C’est trop beau pour être vrai. « Levez-vous ! ». Dans une ultime vidéo. Comme Saint-Lazare sur son lit de mort, la dernière réplique du candidat Kolélas est-il le 1er psaume de la Démocratie du Printemps Congolais tant psalmodié ?

Un testament inattendu

Oui, c’est une introduction. En suivant ce cortège, comme un enchantement qui s’opère, une bible nouvelle s’écrit sous nos yeux : peu à peu, la peur s’évapore. Il y avait la résignation hier, il y a de la poésie aujourd’hui. Il y avait la mort de Kolélas hier, il y a de l’espoir qui renait aujourd’hui. Comme un testament. Comme un sortilège. Comme un message d’outre-tombe.

Et qu’est-ce qu’il dit ce message mystique au fond ? Il dit que tous les faux fabulateurs et les vrais maîtres-chanteurs, tous les scénaristes malhonnêtes et les plus grands comédiens, et tous les magiciens clairs obscurs et les sorciers les plus hideux, ne peuvent être plus qualifiés que le diable lui-même. Enseignez-le aux enfants qui veulent devenir présidente ou président un jour : la magie peut se retourner. Car il ne faut pas demander au diable une goutte d’eau, il s’empressera de te donner une belle inondation. Car il ne faut pas demander au diable une allumette, il s’empressera de te donner un bel incendie. Car il ne faut pas demander au diable la mort de ses opposants, il s’empressera de te donner la belle résurrection d’un peuple.

Mais quel coup de théâtre !

Ici, à Brazzaville, au Congo, sur la Terre des Premiers Mysticismes, le diable a fait une dernière blague. Et cette blague ne fait pas rire ni les Congolais du Sud, ni les Congolais du Nord. Mourir le jour des élections, ça ne se raconte pas dans les livres d’Histoire, ça se raconte comme une blague qui ne fait plus rire personne. Ni aucun congolais. Ni même le diable qui sait lui aussi que les blagues les plus courtes n’ont jamais duré plus de 36 ans.

La dépouille de Guy-Parfait Kolélas, ce n’est pas un corps qu’on enterre, c’est un symbole qu’on déterre. Celui d’un Peuple, celui de la Révolte, celui de la Démocratie. La peur a changé de camp : la magie s’est retournée. Le candidat Kolélas est mort, la Démocratie est en train de ressusciter, en criant : « Dites-le à l’Empereur Sassou qui le sait déjà : magie na yo è sili ! ». Car il ne faut pas demander au diable une blague, il s’empressera de te donner une belle chute.

Une chronique de Basil-Charles Guidobert, observateur de la vie politique en Afrique centrale.

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