Christine Salem, le maloya des origines


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Lanbousir

Christine Salem chante le maloya des origines. Un maloya à voix et à mains nues, tel que le chantaient les esclaves de La Réunion, arrachés à leur pays natal, pendant les années où ce chant était interdit sur l’île. Son quatrième album, Lanbousir (Cobalt, distrib. L’Autre Distribution, 2010), nous plonge dans cette tradition.

Dans son 4ème album, Lanbousir, (L’embouchure, qui veut aussi dire en argot réunionnais “patauger dans la semoule”), Christine Salem restitue ce chant et ces rythmes bruts, qui sont faits pour communiquer avec les morts, lors de danses au cours desquelles les musiciens se sentent parfois “traversés” par les esprits, devenant médiums, “interprètes” au sens de “traducteurs”, d’un message venu d’au-delà… Car le maloya ce n’est pas seulement de la musique, c’est une musique faite pour accompagner des danses; ce n’est pas un spectacle, mais un événement, où l’on n’est pas simple spectateur, mais acteur.

Maloya vient peut-être du malgache “Maloy”, qui veut dire parler beaucoup – car le maloya est un chant parlé – et dans certains dialectes d’Afrique de l’Est, d’où provenaient, avec Madagascar, les esclaves emmenés à La Réunion, ce mot signifie peine, douleur, ou mal-être. Le maloya, comme le gwoka de la Guadeloupe ou le bèlè de Martinique, c’est le chant des hommes et femmes qu’on avait dépossédés de tout, et qui n’avaient que quelques bouts de bois et des barils de récupération pour faire de la musique: d’où le rôle des percussions dans ces musiques. A La Réunion, ce sont des instruments comme le kayanm, cette boîte en bois recouverte de bambou, large et plate, et contenant des graines d’arbres – sorte de maracas carrés en somme; ou le tambour roulèr, tonneau coupé et recouvert d’une peau.

Christine Salem chante ici en créole, en malgache, en comorien, et en swahili, et le livret indique que la plupart des chansons sont en lien avec la communication avec les esprits des ancêtres. Et Christine Salem reconnaît que son inspiration lui vient essentiellement lors de ces séances de maloya, qui deviennent parfois extatiques, et où elle sent qu’elle ne fait qu’”accueillir” des mots qu’elle reçoit.

Le maloya a été inscrit au Patrimoine immatériel de l’UNESCO en 2009. Belle revanche pour une pratique culturelle méprisée par les Blancs pendant des siècles, et même formellement interdite par le pouvoir colonial dans les années 50, où la simple possession d’un kayanm ou d’un roulèr était passible de prison: on craignait que l’affirmation culturelle du peuple réunionnais ne leur donne des idées d’Indépendance…

Pour en savoir plus

La Réunion fait actuellement un travail remarquable de collecte, de sauvegarde et de mise en valeur de son patrimoine musical. On consultera par exemple le site du Pôle Régional des musiques actuelles, runmuzik.fr – ou educamus, un site pédagogique sur les musiques de l’île.

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