Chez Canal, le porno n’est pas « halal »


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Canal+, qui diffuse chaque premier samedi du mois un film à caractère pornographique, est la cible depuis quelques semaines de menaces apparentées à du « terrorisme ». Leur auteur se déclare « musulman » et demande l’interruption de ce programme, sous peine de représailles physiques contre la chaîne cryptée et ses employés.

« Si vous n’arrêtez pas de diffuser vos films pornos, nous nous en prendrons physiquement à vos salariés », peut-on lire dans la missive reçue la semaine dernière par des employés de Canal +. L’auteur des menaces ne signe pas, il précise seulement qu’il est « musulman ». Ces faits ont été révélés lundi par RTL et alimentent depuis le débat dans la sphère des médias.

Les dirigeants de la chaîne cryptée ont pris l’affaire très au sérieux, même s’ils assurent qu’ils ne cèderont pas au chantage. Le parquet antiterroriste a d’ores et déjà ouvert une enquête pour « menace sous conditions ». Les investigations ont été confiées en début de semaine à la Brigade Criminelle de Paris.

Si ce courrier n’a pas été assimilé à un canular, c’est parce qu’il ne s’agit pas d’une première. Canal+ – accessible au Maghreb et au Moyen-Orient via le satellite Hotbird, dont le gestionnaire Eutelsat reçoit des mises en garde depuis 2006 – a déjà fait l’objet de menaces au sujet de la diffusion de son film X. Elles ont commencé il y a quelques semaines, et le parquet de Paris a été saisi de l’affaire une première fois fin juin. Dans les premiers courriers, fax ou e-mails, la possibilité de faire « sauter le siège » de la chaîne, situé à Issy-les-Moulineaux, en banlieue parisienne, a été évoquée.

L’enquête devra déterminer s’il s’agit d’un acte isolé ou si Canal+, qui a pour le moment refusé de s’exprimer, s’est attiré les foudres d’une organisation terroriste islamiste. Le protocole mis en branle par le Quai d’Orsay est celui réservé aux affaires terroristes.

Un scandale hypocrite ?

Le scandale que semble provoquer la diffusion de films pornographiques sur les télévisions maghrébines et moyen-orientales suscite de nombreuses critiques. En effet, pour beaucoup, il suffit aux personnes réticentes de ne pas regarder cette chaîne le premier samedi de chaque mois.

Sur un forum, certains internautes musulmans s’insurgent : « Il faut juste que le premier samedi de chaque mois aux alentours de minuit le musulman résiste à l’envie d’appuyer sur l’interrupteur de son téléviseur… Une sorte de Grand Dijhad lui permettant de lutter contre ses propres travers », commente l’un. Un autre relativise : « Si Canal+ diffuse des films pornos au Moyen-Orient, c’est qu’il y a un marché porteur, y compris dans les pays musulmans. Alors laissez les gens faire ce qu’ils ont envie. Les acteurs sont consentants, le public aussi », argumente-t-il.

Par ailleurs, certains soulignent l’hypocrisie des menaces, dans des pays où l’industrie du porno est parfois florissante. Au Maroc notamment, de nombreux tournages ou reportages-photos sont réalisés à la sauvette dans des décors « couleur locale » échappant aux autorités, indique La Gazette du Maroc. Ces séances sont présentées comme des tournages publicitaires, des shoots de mode ou encore des reportages touristiques. Les acteurs eux-mêmes sont parfois dupés, découvrant le pot-au-rose après le montage, lorsqu’ils constatent qu’à leurs scènes ont été accolés des passages plus « hot » tournés ailleurs. Certains sont également filmés à leur insu.

En définitive, cette polémique devrait retomber rapidement puisque TPS, le groupe qui a fusionné avec Canal+, ne sera plus diffusé sur Hotbird dans les mois à venir. Les abonnés capteront la chaîne grâce à Astra, un autre satellite qui ne couvre ni le Maghreb, ni le Moyen-Orient. Reste que sur Hotbird de nombreuses autres chaînes diffusent des films érotiques et pornographiques qui, eux, resteront piratables et accessibles…

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