Cameroun : comment sortir de la crise anglophone?


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AFRIK donne aujourd’hui la parole à Robert Messi, ancien conseiller du président de la BEAC, qui propose une vision différente de la crise endémique qui dresse les deux composantes linguistiques du Cameroun, malgré l’unité de façade adoptée dans les soubresauts de la décolonisation française et britannique.

Première question : comment sortir de cette crise par le haut?

Comme tout Camerounais de bonne foi je salue la décision de courage prise par le Chef de l’Etat, à contre-courant des jusqu’au-boutistes de son camp, de libérer une cinquantaine de leaders politiques anglophones incarcérés dans le cadre de cette crise, en espérant que d’autres innocents puissent retrouver la liberté.

Mais une telle mesure ponctuelle ne suffira pas à elle seule a résoudre les problèmes de fond légitimement soulevés par les anglophones. Quelles seraient donc les solutions de long terme :

Redefinir la forme de l’Etat:

Le Cameroun ne peut pas etre considéré comme un et indivisible: cette affirmation pouvait légitimement s’appliquer à la République du Cameroun de 1960, mais il est illégitime, malhonnête et manipulateur de dire ceci en parlant de notre pays d’aujourd’hui, qui est le résultat de l’union volontaire de deux parties qui avaient accepter de se fédérer dans le cadre de la République Fédérale du Cameroun puis de s’unir au sein de la République Unie du Cameroun.

Nous ne pouvons donc pas être la République du Cameroun qui est la République francophone de 1960, sauf à accepter l’absorption de tout le Cameroun par une de ses moitiés. Dans un couple l’un des conjoints ne peut pas nier l’existence de l’autre, sauf a accepter le divorce. La partie anglophone n’acceptera jamais de se faire absorber, en d’autres termes phagocyter, par la partie francophone.

Si nous voulons écarter le spectre de la sécession la seule façon d’y arriver est d’accepter de vivre ensemble et cela passe par une réforme constitutionnelle redéfinissant la place des anglophones dans l’Etat.

Quelle place pour les anglophones?

Je propose que les régions du Nord Ouest et du Sud Ouest fusionnent en une grande région dite Grande Région Anglophone ou en plus court Région Anglophone avec un statut spécial ou statut distinct.

Changement de nom du Cameroun

Le Cameroun ne s’appellerait plus la République du Cameroun mais changerait de nom pour devenir: la République Bilingue du Cameroun.

Le drapeau de la République Bilingue du Cameroun

Nous reviendrions a l’ancien drapeau de la République Fédérale du Cameroun avec toutefois la grande différence que les deux étoiles ne symboliseraient plus deux Etats distincts mais cette fois-ci deux langues : les deux langues officielles du Cameroun, à savoir le francais et l’anglais.

Vers l’instauration d’un ticket presidentiel?

Le caractère bilingue de la république se traduirait par l’instauration d’un ticket présidentiel pour l’élection a la présidence de la république. Au lieu d’élire un président de la république on élirait plutôt un ticket présidentiel c’est-à-dire un binôme Président-Vice-président dans lequel le President et le Vice-President seraient des ressortissants de deux régions linguistiques différentes autrement dit de deux régions dont les langues officielles sont différentes. Autrement dit le candidat a la Vice-Présidence serait obligatoirement un ressortissant anglophone lorsque le candidat à la Présidence serait francophone et vice-versa. Une telle disposition inscrite dans une constitution prévoyant en outre l’accession automatique du Vice-Président à la présidence en cas de vacance du pouvoir par démission ou décès du President répondrait à la principale revendication légitime des anglophones, de voir l’un des leurs accéder un jour à la magistrature suprême au Cameroun.

Ni John Fru Ndi Vice-President? Pourquoi pas?

Ceci pourrait se faire si le Chef de l’Etat dans un souci de maintenir les anglophones dans le giron national et d’éloigner à jamais le spectre de la sécession, décidait de soumettre par voie de referendum aux Camerounais un projet de constitution prévoyant l’instauration d’un ticket présidentiel à la prochaine élection présidentielle.

Pour tenir l’élection présidentielle de 2018 à la date prévue les deux scrutins pourraient être combinés, solution qui a ma préférence car un report de l’élection présidentielle soulèverait à mon avis d’énormes problèmes dont notre pays n’a pas besoin en ce moment.

En outre la révision constitutionnelle proposée par le Président pour avoir quelque chance d’être acceptée par les Camerounais devrait impérativement comporter un rééquilibrage des pouvoirs par transfert aux partis politiques de l’essentiel du pouvoir exécutif, le Président de la République conservant toutefois des responsabilités essentielles dans les domaines de souveraineté que sont les relations et la sécurité extérieures, la defense et le budget.

Les Camerounais à notre avis ne seront plus disposés à donner à l’actuel Chef de l’Etat les pleins pouvoirs pour pouvoir continuer a gérer le pays à sa guise comme il le fait en ce moment. Il ne peut plus continuer à être à la fois maitre de tout et responsable de rien. Son pouvoir devra impérativement être encadré.

Dernière opportunité de sortie réussie pour Biya?

Oui je peux le dire sans grand risque de me tromper, comme peuvent également l’affirmer tous ceux qui par la boule de cristal ont les yeux pour voir et les oreilles pour entendre ce qui est inaccessible aux non initiés.
Donc si Paul Biya et Fru Ndi parviennent à forger une alliance politique d’ici à 2018 ils réussiront a résoudre durablement la crise anglophone et a éloigner définitivement le spectre de la sécession. Je le souhaite de tout coeur au Cameroun

Par Robert Messi

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