7 Pensées : du rap, du vrai


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Pochette de l'album
Pochette de l'album

Le rap français n’est pas mort. L’album 7 Pensées en est une nouvelle preuve. Le groupe de Nancy (Est de la France), né au début des années 90, n’avait jamais sorti de disque. Une lacune désormais réparée. Jalil, Mohamed, Faouzi, Moussa et Youcef, les cinq membres de la bande, ont gagné en maturité mais n’ont rien perdu de leur esprit de révolte. Sur des rythmes et des lignes de basses aussi secs qu’efficaces, des samples impeccables et des textes ciselés à souhait, le tout masterisé par Tony Dawsey à Masterdisk, New York, ils nous livrent une peinture du monde et de la France sombre, corrosive.

Attention, solution explosive ! Sur la pochette du disque, dans des tubes à essai, éprouvettes et autres ballons de verre, cinq artistes mijotent à feu fort. De cette expérience unique, sont nés 11 titres. Le premier album (autoproduit) de Jalil, Mohamed, Faouzi, Moussa et Youcef. Des amis qui, entre 1992 et 2002, ont enflammé les scènes de France et participé à plusieurs compilations hip-hop. Puis, chacun a pris son bord, construit sa vie dans ou loin du domaine artistique, mais avec le sentiment que l’aventure 7 Pensées demeurait inachevée.

Avec ce premier opus, les cinq compères aujourd’hui trentenaires prouvent qu’ils en avaient encore sous la semelle, et qu’il aurait été bien dommage que leur créativité ne soit jamais immortalisée. Point question ici de tout péter ni de foutre le feu. Loin des colères adolescentes qui les animaient lorsqu’ils composaient sur les marches d’escalier des immeubles du « Petit Barbès », le vieux quartier maghrébin de Nancy, cet album est celui de la maturité.

Plus bel exemple de cette évolution, la chanson « Excuse-moi ». Le message d’un fils à son père défunt : « Excuse-moi pour les rendez-vous au parloir… Excuse-moi de ne pas t’avoir aimé à voix haute… Excuse-moi de t’avoir causé tant de tracas… » Un brin nostalgiques, les 7 Pensées regrettent les erreurs du passé, l’enfance insouciante, l’authenticité du rap des origines. Dans « Le rap, c’était mieux avant », un titre sur lequel est invité Le Fenek, ils ont compilé les lyrics des grands classiques français et américains. L’on peut reconnaître les succès de Suprême NTM, Tonton David, Raggasonic, Public Enemy et bien d’autres. Aiguisé comme une lame, pointu comme un couteau, le groupe livre un rap rugueux, sans fioriture, servi par une rythmique directe et efficace, digne des masterpieces de la grande époque.

L’esprit des origines

« Eh, rappeur, remets ton slip ! » Contre les dérives de l’industrie du disque, 7 Pensées frappe du poing sur la table et rappelle au monde du hip-hop l’esprit, la vérité profonde du rap dont trop d’artistes se sont éloignés, hypnotisés par le fric et l’œil enjôleur des caméras. Ils stigmatisent ceux qui massacrent pour engranger les profits de l’or noir, l’indifférence du monde face à l’hécatombe des Palestiniens – « 1300 morts en une semaine, mais ça n’empêche personne de fermer l’œil ; 56 morts à Londres en 2005, et le monde entier était en deuil. » –, une société française qui ne sait plus compatir ni accueillir. Ainsi, dans « Paris Express », ils racontent l’itinéraire d’un sans-papier. « Un homme, un euro en poche, une destination, une vie à embellir, une seule finalité : la carte d’identité ! » Et ils égratignent au passage, le ministre de l’Intérieur et sa politique d’exclusion : « J’ai appris à esquiver Brice, le chasseur de sans-papiers, son nom circule ici comme une légende urbaine. »

« C’est toujours la même merde derrière la couche de peinture ! » Toujours la même merde, mais heureusement toujours la même révolte. Cette révolte, indispensable, qui fait que le rap – et celui des 7 Pensées en est un bel exemple – demeure vivant.

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Journaliste, écrivain, dramaturge scénariste et réalisateur guadeloupéen. Franck SALIN fut plusieurs années le rédacteur en chef d'Afrik.com
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