12 000 réfugiés Bantou aux Etats-Unis


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Près de 12 000 réfugiés Somali Bantous se préparent à être réinstallés aux Etats-Unis à partir de l’été 2003, avec l’aide de l’UNHCR. Un exode qui constitue l’ultime solution pour cette communauté victime de discrimination et de violences en Somalie.

Les 11 800 réfugiés Somali Bantous du camp de Kakuma, au Kenya, se soumettent aux dernières formalités avant d’entamer leur exode vers le continent américain. Les Etats-Unis les ont reconnus en 1999 comme un groupe persécuté nécessitant une réinstallation. Un déracinement terrible pour ces descendants d’esclaves aujourd’hui citoyens de seconde zone, mais préférable à la discrimination et à la persécution dont ils sont victimes.  » Les Américains s’intéressent à la paix, alors j’aime les Américains. Nous aurons la paix, une vie et l’éducation « , affirme Hawiya Abdi Aden, un Bantou candidat à l’exode, au Haut commissariat aux réfugiés des Nations unies (UNHCR). Les premiers départs sont attendus pour mai ou juin, selon Millicent Mutuli, porte-parole de l’UNHCR à Genève.

Un peuple perdu

Les Somali Bantous sont les descendants de peuplades arrachées à leurs terres au Malawi, en Tanzanie et au Mozambique à la fin du 18è siècle, pour être revendues en Somalie en tant qu’esclaves. Lorsque l’esclavage est aboli, au début du vingtième siècle, ils s’adonnent à l’agriculture dans le sud du pays mais demeurent marginalisés. Interdiction leur est faite de posséder des terres et de se marier autrement qu’entre eux.

En 1991, la Somalie entre en guerre civile et les Bantous deviennent la cible de milices hostiles. Massacrés, violés, ils se retrouvent isolés et sans protection dans une société qui fonctionne par le clan. Ils sont entre 15 à 16 000 à fuir vers le camp de Dadaab, au nord du Kenya, en compagnie de 130 000 autres Somaliens. Mais  » même dans le camp de Dadaab, les Bantous étaient considérés comme des citoyens de seconde zone et furent l’objet de multiples persécutions « , se désole Millicent Mutuli.

En finir avec les camps

 » Que faire si les Bantous ne peuvent pas rentrer en Somalie et s’ils ne peuvent être réinstallés dans un autre pays africain ? », poursuit la porte-parole de l’UNHCR. « Il nous fallait trouver une solution durable « . Dès 1993, l’UNHCR tente de trouver à la communauté bantou une terre d’accueil en Afrique. Afin d’éviter un déracinement trop violent. L’organisation internationale fait une demande auprès du Mozambique et de la Tanzanie. Le Mozambique répond d’abord favorablement, mais  » le pays sort d’une guerre civile (1992, ndlr) et se trouve affaiblit. La réinstallation des Bantous aurait pu causer des tensions encore plus grandes « , explique Emmanuel Nyabera, délégué de l’UNHCR au Kenya. Sur les 15 à 16 000 Somali Bantou du camp de Dadaab, 11 800 avaient accepté à l’origine d’être réinstallés au Mozambique.

Ce sont ces même 11 800 individus que les Etats-Unis ont invité sur leur territoire, en 1999. Et aucun autre. Les Etats-Unis estiment qu’il n’y a aucune raison pour que les 3 à 4 000 personnes qui avaient refusé d’être réinstallées au Mozambique, pour des raisons de sécurité, souhaitent aujourd’hui l’être sur le sol américain. Mais,  » dans le soucis de ne pas séparer les familles, certains éléments absents du premier recensement pourront venir gonfler la liste américaine », précise Millicent Mutuli.

Avant de partir

En juin 2002, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a procédé au transfert des Somali Bantou du camp de Dadaab à celui de Kakuma, dans le nord-ouest du Kenya. Le camp de Dadaab, proche de la Somalie et donc des réseaux terroristes censés y opérer, était jugé trop dangereux pour les inspecteurs de l’immigration américaine, explique l’OIM. Les Etats-Unis souhaitent également éviter la rancoeur des réfugiés somaliens non-bantou et les tentatives d’infiltrations de familles sous la menace.

A Kakuma, chaque réfugié accepté en principe (sur la liste originale) est interviewé individuellement par les inspecteurs américains.  » Nous espérons qu’un important pourcentage sera accepté « , confie Charles Fillinger, du service américain de l’immigration et de la naturalisation. Un travail de mise en condition à la vie aux Etats-Unis est également entrepris. « Les Bantous apprennent les bases de l’anglais et découvrent l’utilisation de lave-linges et autres réfrigérateurs, explique la porte-parole de l’UNHCR à Genève. La plupart n’en n’ont jamais vu ».

Déracinement

Et le déracinement ?  » Je crois que les Bantous n’ont pas beaucoup de regrets, confie Millicent Mutuli. Ils ne font qu’attendre, dans les camps. Ils n’ont pas de travail, pas de liberté… et ont beaucoup d’espoirs quant à leur nouvelle vie « .  » Sans doute auraient-ils préféré trouver un pays d’accueil en Afrique, complète Emmanuel Nyabera, mais ils n’ont plus le choix, aujourd’hui « .  » Nous sommes un peuple perdu, mais nous espérons que nos enfants vont se cultiver et faire quelque chose de leur vie « , tranche Abdi Mohamed Direy, candidat à l’exil.

L’exode outre Atlantique n’est peut-être plus l’unique solution. 3 300 Somali Bantous sont actuellement réfugiés en Tanzanie. Officiellement de façon temporaire. Mais le 13 mars 2003, l’UNHCR a entamé leur transfert du camp de Mkuyu, qu’ils occupent depuis plus de dix ans, dans les nouvelles installations de Chogo, 80 km plus au nord. Peut-être les prémices de l’intégration d’une communauté Bantou dans une nation africaine.

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