Le phénomène Macron est-il possible en Côte d’Ivoire ?


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Nous avons tous été « bluffés » par ce qu’on peut appeler aujourd’hui, « le phénomène Macron », c’est-à-dire, rendre possible ce qui semblait impossible en politique. En effet, les codes, les modes opératoires, les systèmes de pensée et de compréhension des choses, la bipolarité de la vie politique de manière générale, les habitudes des électeurs etc semblaient tellement figés, que tout ceci a fini par ringardiser la vie politique et ses acteurs.

En Côte d’Ivoire, comme partout sur le continent africain, cet exploit du candidat Macron a ouvert les esprits de nos jeunes politiciens, qui se sont tous mis enfin à espérer. Cette belle victoire surprise a secrètement aiguisé les appétits politiques et suscité des ambitions présidentielles chez beaucoup de jeunes politiciens de 40 à 45 ans environ. Désormais tout « peut » devenir possible, dans un espace politique dans lequel, jusqu’à présent seuls les « dinosaures » se hissaient à la tête des Etats sur le continent africain. En Côte d’Ivoire par exemple, la dislocation possible du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix en Côte d’Ivoire (Rhdp), la division du Front populaire ivoirien (Fpi) en deux entités qui s’affrontent, l’absence de véritable front uni dans l’opposition et une véritable incertitude politique dans les différents partis politiques majeurs, créent un véritable espace politique à exploiter. Cependant, cet espace génère également des zones d’incertitudes qui empêchent nos jeunes politiciens d’oser en prenant le risque de s’engager comme l’a fait le candidat Macron, avec une audace sans nom. Lors d’un voyage dans la sous-région, je m’adressais à un jeune ministre africain talentueux et plein d’avenir en lui disant, « tu pourrais être le futur Macron de ton pays, à la prochaine élection présidentielle ». Sa réponse fut nette et brutale. Il me répondit en me disant, « pardon Macaire, ne me crée pas de problème s’il te plaît  ».

A Abidjan, lors d’une discussion entre amis au cours d’un repas, une des personnes présentes avait dit à un jeune député, issu d’un parti politique membre du Rhdp, qu’il « pouvait être le futur Macron de la Côte d’Ivoire ». La réponse de ce jeune et brillant député fut presque la même que celle de ce jeune ministre africain. Avec un ton sérieux et grave, il répondit, « tu veux que tous ces anciens me poursuivent avec des gourdins, des haches, des pilons et même des cailloux ou quoi ? ». Ces deux réponses sont édifiantes et pleines d’enseignements. En Afrique, les ambitions de nos jeunes politiciens, sont encore fortement contrariées, voire étouffées par la peur de défier l’autorité du « Chef  », avec tout ce que cela représente dans l’imaginaire collectif africain.

Prendre le risque de fâcher « les mentors  » en s’affranchissant
A travers ces deux exemples, on peut très bien comprendre que nous sommes dans nos Etats africains, dans un contexte politique et sociologique et culturel complètement différent de ce qu’on a pu voir en France avec l’élection de Macron. En Côte d’Ivoire, Peut-on imaginer un(e) candidat(e), d’un membre d’un des deux principaux partis politiques du Rhdp annoncer sa candidature à l’élection présidentielle, par exemple en 2020, et formant son équipe de campagne avec des acteurs de différentes formations politiques du Rhdp, du Fpi et de la société civile ? Qui l’osera, courageusement ?

En 2015, Kouadio Konan Bertin (KKB), avait pris le risque de se présenter à l’élection présidentielle, en candidat indépendant. C’était osé. Et même très courageux, mais c’était une candidature de positionnement pour l’avenir. C’était une candidature sans aucune stratégie de conquête présidentielle, sans stratégie de recherche de moyens financiers, logistiques, humains etc. Pour que « le phénomène Macron » soit désormais possible en Côte d’Ivoire et dans d’autres pays du continent, il faut qu’il y ait une réelle volonté de conquérir la présidence de la République avec de véritables stratégies qui permettent de se passer des habitudes conventionnelles qui semblent aujourd’hui dépassées. Il faut braver les logiques qui enferment dans des schémas classiques et oser, prendre le risque de fâcher « les mentors » en s’affranchissant.

Ce dernier acte est déterminant parce qu’il peut être capital pour la suite de la carrière politique de celui qui ose défier les conventions établies, dans un système figé, hiérarchisé avec toujours la crainte de défier le chef. Réussir en politique, c’est quelques fois, innover pour se démarquer des habitudes qui lassent et ne pas avoir peur du risque en politique. Réussir en politique, c’est aussi prendre le risque d’être libre et défier l’autorité des aînés dans une logique démocratique.

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