Côte d’Ivoire, réconciliation : doit-on libérer Laurent Gbagbo?


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L’ancien chef d’Etat ivoirien Laurent Gbagbo, arrêté le lundi 11 avril 2011, suite à la crise postélectorale qui a suivi l’élection présidentielle de 2010, est détenu depuis le 30 novembre 2011 à La Haye aux Pays Bas, par la Cour pénale internationale (Cpi), dont le procès est toujours en cours.

Pour ses adversaires politiques, il est à l’origine de cette crise postélectorale qui a fait officiellement 3000 morts et de milliers blessés physiques et psychologiques. Pour ses partisans, bien au contraire, il est injustement emprisonné et demande toujours sa libération afin de réconcilier les ivoiriens et recréer une véritable cohésion sociale.

Au nom de la réconciliation nationale

A 72 ans, le président Laurent Gbagbo reste toujours, en dépit de son absence dans le pays, un acteur politique majeur, dont la voix a encore un écho pertinent au sein d’une partie importante de la population ivoirienne. L’initiative du « Grand pardon » entamée par Guillaume Soro, ancien porte-parole de la rébellion ivoirienne, aux populations ivoiriennes peut être une occasion pour redynamiser le processus de « dialogue, vérité et réconciliation » mis en place par le président Alassane Ouattara à travers cette commission du même nom.

Au sein de la population et dans les chancelleries en Côte d’Ivoire, plusieurs voix s’élèvent pour plaider en faveur d’une libération de l’ancien chef d’Etat ivoirien, au nom de la réconciliation nationale. Que fera la Cour pénale internationale, seule détentrice du pouvoir de libération de l’ex président ivoirien ? A 72 ans, selon certaines indiscrétions, la santé du président Laurent Gbagbo serait « déclinante », mais « pas alarmante ». Selon ces mêmes sources, « sa santé serait relativement bonne », mais avec le poids de l’âge, la détention et le facteur psychologique de cette dernière, « sa santé pourrait être meilleure hors de la Cour pénale internationale ».

Autrement dit, il serait préférable que sa santé ne se dégrade pas pendant sa détention à La Haye. Cette option de libération permettrait d’éviter le pire et surtout d’éviter d’en faire un nouveau martyr qui risquerait de provoquer une crise politique et sociale difficile à gérer, dans ce processus de réconciliation nationale dans lequel beaucoup de non-dits peuvent encore couver « des interrogations et des surprises à venir ». La balle est désormais dans le camp de la Cour pénale internationale qui est seule en mesure d’apprécier cette option au regard du droit et des charges qui pèsent sur l’ancien président ivoirien, avec un regard humanitaire.

Être un modèle pour les jeunes générations

Politiquement, cette option peut aussi s’avérer très intéressante, voire même productive dans le processus de réconciliation nationale dans lequel la Côte d’Ivoire est engagée depuis 2012. A 72 ans, le président Laurent Gbagbo, affaibli physiquement ne représente plus la même menace politique pour ses adversaires.

Cet animal politique très doué pour les manœuvres stratégiques et les tactiques politiciennes peut encore jouer un grand rôle dans le développement de notre démocratie en construction. Il peut aussi par son charisme, son aura et sa très forte intelligence politique contribuer à apaiser les tensions sociales et redonner un second souffle de vie à son parti, le Front populaire ivoirien (Fpi), en le réunissant.

Notre démocratie a besoin d’une opposition forte et constructive pour exister. Certes, certains acteurs dans le système politique ivoirien, y compris au sein du Fpi, préféreraient le voir encore très longtemps emprisonné à la Cpi pour pouvoir exploiter politiquement l’espace politique laissé vide par son absence. A 72 ans, fatigué par tant d’années de combats politiques, par la maladie et l’usure de l’emprisonnement, tant physique que psychologique, a-t-il encore l’énergie de se lancer dans des rudes et harassants affrontements politiques, dans lesquels tous les coups sont permis ?

A-t-il encore envie de cette vie politique dans laquelle la violence, la méchanceté, l’immoralité et la haine de l’autre vous déshumanise complètement ? Avec le recul, l’expérience du pouvoir, les luttes politiques âpres, la maladie, l’affrontement avec la communauté internationale pendant de longues années pour se maintenir au pouvoir, la prison à maintes reprises, n’a-t-il pas envie désormais de se poser en « homme sage » dans son pays et être un modèle pour les jeunes générations d’acteurs politiques ivoiriens et africains ?

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