Cameroun : « 15 otages français détenus en Afrique : du jamais vu »


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Drapeau du Cameroun
Drapeau du Cameroun

Sept citoyens français ont été enlevés mardi 19 février par des groupes encore inconnus dans le nord du Cameroun. Ce nouveau rapt porte désormais au nombre de 15 les otages français détenus en Afrique. Contacté par Afrik.com, Louis Keumayou, journaliste et président de l’association de presse panafricaine, nous éclaire sur les tenants et aboutissants de cet enlèvement. Interview.

Louis Keumayou
Afrik.com : Pour commencer, expliquez-nous un peu qu’est-ce qui s’est passé ?

Louis Keumayou : Il y a eu une prise d’otages de sept Français, trois adultes et quatre enfants. Je pense qu’il s’agit d’un braquage qui a dégénéré en prise d’otages. Cet enlèvement s’est passé dans le Nord du Cameroun, une zone très touristique qui, généralement, est sécurisée. Les gens se connaissent très bien là-bas, donc je ne pense pas que Boko Haram peut s’y infiltrer.

Afrik.com : Si ce n’est pas Boko Haram, quel groupe terroriste est derrière cet enlèvement ?

Louis Keumayou : Il se peut que ce soient des bandes issues des conflits au Nigeria, Tchad, ou de Centrafrique. Des pays où les armes circulent facilement. N’oublions pas que le Darfour n’est pas loin. Ce sont, peut-être, des bandits de grand chemin, de coupeurs de route qui cherchent à se faire un peu d’argent. Rappelons-nous que début février, il y a eu une tentative d’enlèvement d’un enfant camerounais au Nord du pays, mais la population s’est interposé et a brûlé le ravisseur. Dans cette zone, les habitants assurent eux-mêmes leur défense.

Afrik.com : Est-ce que ce rapt de sept ressortissants français a un lien quelconque avec la guerre au Mali ?

Louis Keumayou : Cette prise d’otages n’a pas de lien immédiat avec la guerre au Mali. Je reste convaincu qu’il s’agit d’un braquage qui a dégénéré en prise d’otages. Ce qui explique pourquoi les ravisseurs se dirigent vers le Nigeria, dans une zone qui est le fief de Boko Haram, pour ainsi trouver un mec intéressé de racheter les otages français. Dans quelques jours, il se peut qu’un communiqué soit diffusé provenant d’un groupe. Il se pourrait que ce soit Ansarou. Parce que, s’il s’agissait de Boko Haram, il y aurait eu beaucoup de dégats : ils ne prennent pas en otage. Ce n’est pas leur mode opératoire. En revanche, ils tuent, notamment les chrétiens.

Afrik.com : Comment expliquez-vous cet enlèvement ? Est-ce que c’est la France qui est visée ?

Louis Keumayou : Non. La France dit qu’elle est visée. Or, ces groupes utilisent les armes pour avoir un peu d’argent. Ce rapt a ciblé, cette fois-ci, les Français. Mais, les Camerounais auraient pu être enlevés ou même les Sud-Américains. Cependant, quand il s’agit d’un Français, il y a une grande médiatisation. Ce qui fait augmenter la valeur marchande de l’otage. Et, lorsqu’on paye une rançon, c’est une grosse somme. Le problème est que la France ne fait rien pour que ça se passe autrement.

Afrik.com : Quelle est la bonne stratégie à adopter par la France en vue de la libération des otages ?

Louis Keumayou : Il n’y a pas de bonne ou mauvaise stratégie. En Mauritanie, par exemple, la France est intervenue unilatéralement et tous les otages ont été tués. En Algérie, les Français n’ont pas refait la même erreur. Ils ont appelé à respecter les droits de l’Homme, c’est-à-dire : ne pas employer la force pour libérer les otages. Or, il faut parler le langage de la violence aux ravisseurs pour qu’ils comprennent le message. Toute autre démarche c’est une façon de mettre les otages en danger.

Afrik.com : S’il s’agit d’Ansarou ou Boko Haram, deux groupes terroristes nigérians, quelle devrait être la réaction des autorités du Nigeria ?

Louis Keumayou : Frapper un grand coup. Les autorités nigérianes doivent rétablir leur autorité. Elles doivent anéantir Boko Haram, comme l’Algérie l’a fait lors de la prise d’otages d’In Amenas en lançant un assaut contre les terroristes. Comme cela, ils ne recommenceront plus.

Afrik.com : Pour finir, est-ce que la guerre au Mali accroît la menace terroriste sur les ressortissants français vivant en Afrique ?

Louis Keumayou : Pas plus qu’avant. Par contre, le danger augmente. Il y a désormais 15 otages français détenus en Afrique : du jamais vu. La médiatisation augmente le risque de prise d’otage, car ça peut donner des idées. La France doit réfléchir à assurer la sécurité de ses ressortissants avec les pays d’accueil de ces derniers.

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