Mayra Andrade, la petite fiancée du Cap-Vert


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Navega, de Mayra Andrade
Navega, de Mayra Andrade

Mayra Andrade a de la chance : les Dieux du Cap-Vert lui ont donné des yeux de chat et un physique de sirène mais aussi une voix aussi suave que sa peau caramel. Véritable révélation sur scène, elle sort son premier album, Navega, interprétant les rythmes traditionnels de son île de Santiago à sa manière. Irrésistible.

Mayra Andrade a 21 ans. Mais ne vous fiez pas à son jeune âge. Cela fait déjà 6 ans que la belle est connue des Capverdiens et quatre ans qu’elle a posé ses valises à Paris, construisant patiemment sa réputation en multipliant les scènes. Son premier album est arrivé avec le printemps, fleurissant dans les bacs au mois de mai et elle vient d’offrir deux magnifiques concerts au Café de la danse. Professionnelle mais spontanée, concentrée mais proche du public, Mayra est une vraie révélation. « J’ai toujours aimé chanter, jouer la comédie. Depuis que je me souviens de moi, je me revois en train de me donner en spectacle devant ma famille ! » plaisante-t-elle.

Autodidacte, elle pousse ses premières notes à 5 ans, accompagnée par son cousin à la guitare. « C’est là que j’ai découvert le plaisir physique de chanter. Les vibrations de mon corps, les nuances de la voix… Chanter, c’est comme jouer au théâtre. Vous pouvez transmettre de l’allégresse ou de la tristesse. Vous colorez les gens qui vous écoutent ! C’est aussi à ce moment-là que j’ai découvert que ma voix pouvait avoir de l’effet… » Née à Cuba, Mayra a grandi entre le Cap-Vert, le Sénégal, l’Angola et l’Allemagne mais affirme n’avoir jamais été déconnectée complètement de son île de Santiago, dans laquelle elle retourne à 15 ans. Avec une idée fixe : chanter. Sans connaître personne, sans musiciens, elle s’impose dans une salle qui fait passer des artistes. « J’avais décidé de faire de la scène », dit-elle simplement. « J’ai toujours su que j’allais chanter. C’est pour ça que j’ai eu ce culot. » A 16 ans, elle remporte la médaille d’or des Jeux de la Francophonie, au Canada. Puis passe son bac pour rassurer sa mère.

Du succès, « comme s’il en pleuvait »

Boursière de la Francophonie suite à son prix, elle vient faire un stage à Paris et, à partir de 2002, enchaîne les concerts dans la capitale. Son charme et son charisme opèrent. Peu à peu, Paname bruisse de son nom, que les initiés s’échangent comme un sésame. Elle chante avec Cesaria Evora au New Morning et, en 2005, Charles Aznavour l’invite sur son dernier disque pour un duo en français. Mais son album se fait attendre. « J’ai pris mon temps. J’aimais chanter mais je ne savais pas encore comment j’allais le faire. Les années de scène m’ont permis de déblayer le terrain. Avec cet album, j’ai clôturé une période et j’en ai ouvert une autre… »

Avec Navega, Mayra Andrade entre dans la cour des grandes. Misant sur l’acoustique, la chanteuse aime les mélanges. Elle interprète les rythmes traditionnels de Santiago comme le funana, le batuque ou la morna mais en leur donnant un je-ne-sais-quoi de différent. « Je fais une musique capverdienne qui me ressemble. J’ai toujours voulu faire de la musique, à condition d’y apporter quelque chose. C’est mon Cap-Vert ! » Aux accents jazzy répondent des échos brésiliens, souvenirs des morceaux de Caetano Veloso ou Chico Buarque qui ont bercé son enfance. Dans cet opus suave qui s’écoute en boucle, Mayra a composé trois chansons. A quelques jours d’entrer en studio, Tété lui offre un titre frais et primesautier (le seul de l’album en français), « Comme s’il en pleuvait » qui a tout du tube. Sinon, Mayra chante en créole capverdien l’émigration de ses compatriotes, la confiscation de la démocratie ou encore la femme de marin qui se languit. La plupart des morceaux sont inédits et faisaient partie de son répertoire de scène.

Le batuque sort des champs

On trouve quatre chansons d’Orlando Pantera, disparu en 2001. « Je l’adore, et je parle de lui au présent car, pour moi, il est toujours vivant. Avant de partir, à 33 ans, il a foutu une claque à tout le monde ! Il a osé moderniser la musique capverdienne. On était très amis. Sa mort m’a traumatisée et je veux continuer à le faire vivre. Ses chansons représentent une base très forte de mon répertoire. À 15 ans déjà, j’avais envie de bousculer les rythmes traditionnels et il m’a encouragée. Avant, le funana ou le batuque étaient réservés aux paysans ! Grâce à lui, d’autres personnes se sont appropriées ces rythmes qui sont devenus à la mode. Ça a donné une dynamique à l’île de Santiago, contaminé les autres îles et redynamisé la musique, au Cap-Vert et dans la diaspora. »

Mayra fait partie de cette nouvelle génération qui, à l’instar de Tcheka (chanteur lauréat du Prix RFI Musique en 2005), perpétue les innovations de Pantera tout en restant profondément attachée aux traditions. « Vivre à l’extérieur du Cap-Vert fait que je suis de plus en plus amoureuse de mon pays et de ma culture », avoue Mayra. Nul doute qu’avec elle, le monde entier tombera amoureux de son île.

Commander le disque Navega, Mayra Andrade, Sony/BMG.

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