France : la loi sur l’immigration « choisie » approuvée


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Le parlement français a approuvé, ce mercredi 16 mai, le projet de loi « immigration et intégration » et son principe d’immigration « choisie ». Le texte facilite la venue et le travail des étudiants étrangers les plus diplômés, avec la carte « Compétences et talents », en durcissant les conditions d’entrée de tous les autres.

Par Vitraulle Mboungou

Le projet de loi sur l’immigration « choisie » a été approuvé par l’Assemblée nationale française, ce mercredi 16 mai. Proposée par le ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire, Nicolas Sarkozy, il a été adopté, sans surprise, à 367 voix contre 164. Juste avant son départ pour l’Afrique, le ministre est revenu, dans l’hémicycle, sur son texte qu’il estime « conforme à l’idéal républicain ». Il a une fois de plus expliqué le point le plus important et le plus contesté de ce projet : le principe de l’immigration « choisie ». Il ne s’agit aucunement, selon lui, d’«un système élitiste qui n’accepterait en France que des étrangers extrêmement qualifiés», comme beaucoup semble le penser. Répondant aux critiques qui l’accusent d’encourager « la fuite des cerveaux » des pays en développement, telles celles du Président sénégalais Abdoulaye Wade, il rappelle que son principal objectif est de contribuer à former des élites de ces pays dans la perspective d’un retour. « Je vous propose donc de faciliter la venue d’étudiants et de personnalités (artistes, intellectuels, sportifs de haut niveau, créateurs d’emplois…) qui pourront apporter à notre pays leurs talents et acquérir en retour une expérience utile à leur pays d’origine », a-t-il conclu.

Dans cette optique, la loi propose d’abord la création d’une carte de séjour « compétences et talents » d’une durée de trois ans. Elle sera délivrée aux personnes « dont la présence est une chance pour la France mais n’est pas vitale pour leur pays d’origine », a expliqué M. Sarkozy. Cette carte pourrait ainsi être accordée à des informaticiens indiens, mais pas des médecins béninois. Elle offre ensuite de faciliter l’accueil des meilleurs étudiants étrangers sortant des grandes écoles ou ceux qui ont choisi « une voie universitaire où on a besoin d’étudiants ». Ces derniers pourront bénéficier d’une autorisation de séjour pour chercher un travail. Enfin, le texte de loi propose d’assouplir les conditions de recrutement à l’étranger, dans les secteurs d’emploi victimes de pénurie de main d’œuvre, comme l’hôtellerie, la restauration ou le bâtiment. Le ministre invite ainsi les organisations professionnelles et les syndicats à s’associer à la définition et la mise en œuvre de ce dispositif.

Une des lois la plus restrictive depuis la Seconde guerre mondiale

Autre point important de ce projet de loi : le durcissement du regroupement familial. « L’étranger qui demandera à être rejoint par sa famille devra prouver qu’il peut la faire vivre à partir des revenus de son travail », a expliqué le ministre. Concrètement, il devra être en France de manière régulière depuis au moins 18 mois et justifier d’un revenu au moins égal au SMIC, sans les allocations. En outre, un mariage entre un étranger et une Française ne pourra se faire qu’au bout de trois ans de vie commune. Et le conjoint étranger devra prouver qu’il a respecté le « contrat d’accueil et d’intégration » institué en 2003 et qui comprend notamment une formation linguistique et civique. Enfin, dernier point également très décrié, la fin de la régularisation automatique des sans-papiers au bout de 10 ans sur le sol français. Ce sera aux préfets de décider au cas par cas. « Les étrangers qui travaillent illégalement en France ont vocation à être expulsé », a indiqué Nicolas Sarkozy.

Dès la présentation de cette loi sur l’immigration « choisie », en février dernier, le monde associatif s’est réuni dans un collectif «uni(e)s contre l’immigration jetable ». Différentes associations de défense de droits de l’Homme entendent ainsi dénoncer cette loi qu’elles considèrent comme la plus restrictive qu’ait connue la France depuis la Seconde guerre mondiale. Ainsi, Didier Fassin, président du Comede (Comité médical pour les exilés), Nathalie Ferré, présidente du Gisti (Groupe de soutien et d’information aux immigrés), Françoise Jeanson, présidente de Médecins du monde et Patrick Peugeot, président de la Cimade (Service œcuménique d’entraide) ont accusé, dans une tribune publiée dans le quotidien français Libération, le gouvernement de faire preuve d’irresponsabilité, « sacrifiant l’avenir du vivre ensemble et en donnant des mauvaises solutions à des faux problèmes pour des mauvaises raisons ». Ils font référence aux propos de Nicolas Sarkozy : « les Français savent que les violences qui ont éclaté dans nos banlieues à l’automne dernier ne sont pas sans rapport avec l’échec de la politique d’immigration et d’intégration ». Pour eux, l’immigration a servi, une fois de plus, de prétexte pour justifier les problèmes de la société française, au risque de nourrir la xénophobie. Ces associations considèrent que ce projet de loi va aggraver une situation déjà intolérable.

Pour ce qui est de la fameuse immigration « choisie » et non « subie », le collectif parle d’une immigration de classe, symbolisée par la carte « Compétences et Talents ». Ainsi, le titre de séjour « étudiant » voit ses conditions d’obtention orientées vers une sélection renforcée des « meilleurs éléments ». Pour lui, cette réforme est une attaque générale contre les classes populaires. Ce tri peut, selon un représentant du Gisti, générer des dérapages. Certains pourraient être tenté de fournir de faux diplômes, ce qui amènerait les consulats à renforcer leurs méthodes de contrôles déjà très rigoureuses. Une honnête personne pourrait, par exemple, se voir refuser le visa à cause d’une rature sur son diplôme. Cette loi, tant décriée mais votée à la majorité à l’Assemblée, devrait être réétudiée très prochainement par une commission mixte paritaire réunissant des sénateurs et des députés, afin de mettre au point un texte commun qui sera soumis ensuite aux deux assemblées pour son adoption définitive.

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