Pleins feux sur Perpignan


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Guerre en Irak, mort de Jean-Paul II, Tchétchénie, évacuation des colonies à Gaza… Ce sont quelques-uns des sujets traités au Festival international de photojournalisme de Perpignan (France, 27 août-11 septembre). L’Afrique n’y est pas en reste, à cause de son quotidien souvent tragique. Pour autant, les photoreporters qui ont choisi de poser leur regard sur le continent ne se sont pas forcément penchés sur son actualité immédiate mais sur des tragédies au long cours. Comme ces deux expositions qui explorent le pillage des richesses de certains pays.

De Perpignan

Au fond d’une cour calme et paisible, l’ancienne université de Perpignan est un lieu d’exposition du Visa pour l’image, le Festival international de photojournalisme de la ville (27 août-11 septembre). Cette année, c’est Marcus Bleasdale qui s’y est installé avec son travail puissant en noir et blanc, « Le viol d’un pays ». Il montre comment les ressources naturelles de la République démocratique du Congo (RDC) sont au cœur du conflit qui sévit au Nord-Est du pays depuis 1998 et comment elles ont dicté les stratégies militaires. Parmi les matières premières convoitées par les rebelles ougandais, rwandais et congolais : l’or, les diamants mais aussi le coltan, utilisé dans la fabrication des ordinateurs et téléphones portables, et la cassitérite, qui entre dans la fabrication de l’étain.

Marcus Bleasdale est allé à Mongbwalu, ville minière à quelque 160 km au Nord-Est de Bunia, près de la frontière ougandaise. Une ville fantôme qui a été le lieu d’atrocités, qui n’a ni routes ni hôpitaux, mais où s’entasse quand même une importante population qui travaille dans les mines. C’est aujourd’hui une ville de non-droit, qui ne reçoit de l’aide que d’une seule ONG. Elle est complètement abandonnée par les Nations Unies, à l’image de ce jeune mineur qui n’a plus que la peau sur les os, tuberculeux et livré à lui-même faute de soins, alors que le quartier général de l’Onu n’est qu’à 100 km.

Mais personne n’ose s’aventurer dans la région. Les enfants n’y sont pas scolarisés, Marcus Bleasdale les photographie en pleine baignade. Dans les clichés du photographe, on voit défiler toutes les horreurs de ce conflit, qui aurait fait plus de 4 millions de morts depuis 1998 : enfants-soldats, massacres inter-ethniques entre les Lendus et les Hemas, amputations sauvages, exécutions sommaires, séances de torture indescriptibles, cannibalisme… Marcus Bleasdale est au cœur de la barbarie, certains de ses portraits font froid dans le dos, mais le photographe préfère souvent suggérer plutôt que de montrer de façon trop crue. Ce travail a le mérite de révéler au public un conflit oublié par la communauté internationale et une tragédie très peu traitée par les grands médias occidentaux.

Les diamants du sang

Quant à Kadir Van Lohuizen, photographe de l’agence Vu, il avait réalisé plusieurs reportages, dans les années 90, pendant les combats en RDC, en Sierra Leone et en Angola, issus des luttes pour s’approprier les matières premières. Déjà, il s’était intéressé à l’une de ces richesses en particulier : le diamant. Ceux que l’on avait appelé à juste titre les « diamants du sang ». Il y a un an, il a voulu refaire le voyage. « J’ai décidé de retourner dans ces pays africains et de suivre la filière de l’extraction des diamants jusqu’au consommateur final », explique-t-il. Son reportage commence donc à la source : dans les mines, paysages lunaires sur lesquels grouillent des hommes dont la vie ne vaut rien par rapport aux pierres qu’ils cherchent. De toute façon, ils n’ont pas le choix : que ce soit en RDC ou en Angola, les compagnies minières achètent de plus en plus de terrains et il n’existe quasiment plus de terres à cultiver.

Ensuite, le photographe s’attache à saisir le quotidien des orpailleurs. Tous travaillent gratis contre un peu de nourriture… Il y a ceux qui creusent jusqu’à 9 mètres, ceux qui plongent dans la rivière Cuango, en Angola… Et les enterrements de ceux qui ont péri noyés ou ensevelis par des murs de sable rythment les semaines. Leurs lieux de vie sont des endroits de désolation. Cyniquement, les « grandes » villes minières sont les plus pauvres et ressemblent à de misérables villages désolés. Puis vient le moment de vendre. Le marché aux diamants à Mbuji-Mayi, en RDC, est le lieu de toutes les transactions. Depuis l’entrée en vigueur du processus de Kimberley en 2002, qui tente de mettre fin aux diamants de la guerre, le poids et la valeur de ce qui s’achète et se vend au marché doivent être enregistrés officiellement. Mais il arrive que des pierres se perdent… Kadir Van Lohuizen photographie aussi les profiteurs. Comme le pasteur Mbaya Kafui qui achète des diamants à ses fidèles, « avant ou après l’office »… Ou Selyo, 35 ans, costard impeccable et chaussures zébrées, portable à la main, qui possède aussi un 4×4 flambant neuf et un garde du corps…

A l’arrivée des diamants à Anvers, en Belgique, impossible de vérifier s’ils ont tous été déclarés. Une petite quantité, les plus chers, sera polie sur place. Les autres partiront pour la Chine ou l’Inde, où la main d’œuvre est beaucoup moins chère et plus docile. Les diamants façonnés atterriront ensuite à Paris, New-York ou Amsterdam pour être portés par des jet-setters insouciants. Que de sueur et de sang pour ce diamant ! C’est ce que s’applique à démontrer le photographe tout au long de son reportage.

-17e Visa pour l’image, du 27 août au 11 septembre, Perpignan.

 Le viol d’un pays, Marcus Bleasdale, Ancienne Université.

 Affaires de diamants, Kadir Van Lohuizen, Couvent des Minimes.

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