Une éternité à Tanger, une bande-dessinée prometteuse


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Une éternité à Tanger
Une éternité à Tanger

Une éternité à Tanger, bande-dessinée de Faustin Titi (Côte d’Ivoire) et Eyoum Nganguè (Cameroun), inaugure la prometteuse Collection Africa Comics lancée par l’association italienne Africa e Mediterraneo. Un album d’une très belle tenue graphique qui raconte le périple d’un jeune Africain vers l’Europe.

« Tanger ! À l’horizon, Tarifa, l’Espagne, l’Europe ! Ces trente-trois petits kilomètres qui bloquent Gawa. » Gawa est un jeune Africain originaire de Gnasville, une ville imaginaire du continent noir, sur sa côte atlantique. Il est à Tanger, dernière ville marocaine avant l’Europe. Face à la mer, surplombant la ville, il a le regard sombre et l’air soucieux. Pourra-t-il traverser le détroit de Gibraltar, ce bras de mer sans que celui-ci se referme sur son corps et le broie ? Gawa sait que ces 14 km de mer sont plus durs à traverser que les 3 000 km de désert qu’il a parcouru pour arriver jusqu’ici…

Comment fera-t-il pour rejoindre Mbengué (l’Occident) ? La bande-dessinée ne le dit pas, laissant ouverte la porte de tous les possibles. Passera-t-il « une éternité à Tanger » ? Finira-t-il dans la misère « en face de la forteresse européenne » ? Retournera-t-il au pays ? Pour le moment, Gawa ne pense même pas à cette éventualité, racontant au cours de la bande dessinée les difficultés qu’il a rencontré pour faire des études, les brutalités policières, la course au visa légal qui se termine toujours dans la poussière. Il se souvient comment Mopao, le chef de famille, a récolté les économies de tous pour lui permettre de quitter le pays. « Béni » par le guérisseur, il était parti après avoir payé son passeur et dit au revoir à sa fiancée.

Le périple du clandestin

L’histoire du jeune homme est celle que vivent tous les candidats à l’émigration clandestine. Son périple est celui qu’ils effectuent avec plus ou moins de peine. Traversée du fleuve, de la brousse, de la ville, des postes frontières et, enfin, du désert… Les passeurs véreux et cruels, la police des frontières, les arnaques, la faim, la peur… Mêmes espoirs, mêmes désillusions.

L’histoire, si elle n’est pas originale, touche pourtant le lecteur par bien des aspects. Et d’abord parce-que Gawa est attachant, notamment grâce au dessin de Faustin Titi, diplômé de l’Ecole des Beaux-Arts d’Abengourou, en Côte d’ivoire. Son trait réaliste colle parfaitement au thème de la BD. Cet auteur de BD de 34 ans a travaillé à Abidjan puis en Europe et a été nommé au Festival de BD d’Angoulême (France) en 2000. Il a choisi de dessiner les scènes de flash-back en noir et blanc. Elles contrastent avec les tons pastel utilisés pour évoquer Tanger et les ruelles de sa Casbah.

Bravo aussi à Eyoum Nganguè, son scénariste attitré. Ce journaliste camerounais de 37 ans a notamment écrit le scénario de la BD Le flic de Gnasville qui a remporté le Premier Prix du concours Africa e Mediteranneo, édition 2003-2004 dans la catégorie Droits de l’Homme. L’album Une éternité à Tanger inaugure d’ailleurs la Collection Africa Comics, publication des meilleures productions sélectionnées par le « Prix panafricain Africa e Mediterraneo pour la meilleure BD inédite d’auteur africain ».

L’association italienne Africa e Mediterraneo explique dans la préface : « Cette histoire nous rappelle les liens qui unissent l’Europe au continent africain. Des liens qui nous sont racontés de l’intérieur, à partir d’une histoire particulière et concrète, emblématique du drame de tant de personnes qui frappent aux portes de l’Europe ».

Une éternité à Tanger de Faustin Titi et Eyoum Nganguè. Collection Africa Comics, édition Lai-Momo.

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