Sénégal : négociations sur l’application de l’accord de paix de Casamance


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Les négociations officielles de paix entre le gouvernement sénégalais et les anciens rebelles du Mouvement des forces démocratiques de Casamance commencent ce mardi. La dernière ligne droite pour sceller, dans la pratique, l’accord de paix signé le 30 décembre dernier.

« Le saltigué a prédit une paix durable ». C’est ce que Vincent Iatta, médiateur entre le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) et l’Etat sénégalais, rapporte d’une cérémonie d’initiés à laquelle il a participé. Selon le prédicateur, les relations entre la Casamance et le reste du Sénégal devraient donc être pacifiées. Pour de bon. Le processus de négociations d’application de l’accord de paix, signé le 30 décembre 2004 a commencé le week-end dernier. Ce mardi, l’ancien mouvement indépendantiste rebelle rencontre les autorités étatiques pour sceller, dans la pratique, les quelque 20 années de guerre qui les ont opposés.

Les discussions ont commencé samedi à Foundiougne (région de Fatick, Centre-Ouest). Un choix qui n’est pas dû au hasard. C’est la ville qui symbolise « le cousinage à plaisanterie » entre les Sérères et les Diolas, les deux ethnies « qui ont entrepris les démarches de la paix en Casamance », explique Vincent Iatta. Les négociations entre le gouvernement et les ex-rebelles devaient initialement débuter samedi. Mais l’échéance a été repoussée pour permettre au MFDC d’« harmoniser [ses] positions ». Samedi et dimanche, ce sont donc les différentes factions du MFDC qui se sont réunies pour discuter : les branches intérieur, extérieur, du Nord, du Sud et l’Atika, le bras armé du mouvement.

Résolution des tensions inter-MFDC

Toutes les factions donc, mais pas tous les membres. Quelques représentants étaient absents. « Une dizaine de personnes du mouvement ne nous ont pas rejoints. Comme dans toutes les sociétés, il y a des paresseux, des malfaiteurs, des bienfaiteurs… Peut-être que certains tiraient avantage de la guerre », précise Bertrand Diamacoune Senghor, secrétaire du MFDC et frère cadet du leader de l’ex-rebellion, l’abbé Augustin Diamacoune Senghor. Vincent Iatta ajoute que « des discussions sont en cours pour remédier à cette situation ». Cette dissidence est anodine, selon Bertrand Diamacoune Senghor et Vincent Iatta. Il n’y aurait donc aucun risque que l’embryon de rébellion fasse parler les armes de nouveau.

D’autant plus que, si c’était le cas, elle se heurterait à l’Etat, mais aussi aux Casamançais, qui, d’après les deux membres du MFDC, suivent le mouvement dans son action pacifique. « Pour assister à ce processus, des membres du MFDC basés à l’étranger et même des Casamançais venus d’Europe se sont déplacés », rapporte Vincent Iatta. Le bon déroulement de la rencontre inter-casamançaise de lundi pourrait être un gage du soutien du peuple de cette région du Sud. Cette réunion a rapproché des responsables du MFDC, la société civile, différents élus locaux, coutumiers et religieux, toujours dans le but d’une harmonisation des points de vue avant le lancement des négociations avec le gouvernement. « Il a fallu arrondir certains angles, mais il n’y a pas eu de mots désagréables », assure Vincent Iatta.

Latif Aïdara, chargé de mission à la présidence sénégalaise et médiateur dans ce dossier, a expliqué à l’Agence France Presse qu’un « bureau de travail » était responsable de « définir les axes de négociations ». Mais, au jour des pourparlers avec les autorités étatiques, difficile de savoir quels sont les points qui vont être négociés, confidentialité oblige. Toutefois, Bertrand Diamacoune Senghor concède que l’un des points qui tient à cœur du MFDC est « le rattachement de la Casamance au Sénégal ». Les discussions pourraient prendre plusieurs jours et se dérouler ailleurs qu’à Foudiougne. L’abbé Augustin Diamacoune Senghor a en effet indiqué à l’AFP que « le reste des négociations pourra se tenir en Casamance, dans des pays limitrophes ou hors du continent ».

Contrôle de l’application de l’accord

Une fois les discussions achevées, il faudra mettre en œuvre, comme le stipule l’accord de paix, le « ‘renoncement définitif à la lutte armée’, le déminage de la Casamance, le retour des réfugiés et l’intégration des anciens combattants du MFDC dans les ‘corps paramilitaires’ sénégalais suivant le principe du volontariat », précise l’AFP.

Le contrôle de l’application des accords sera effectué par « l’Agence nationale pour la relance des activités économiques en Casamance (Anrac, ndlr), créée en juillet 2004 et dotée d’un fonds de 80 millions de FCFA », rapporte Vincent Iatta. La Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l’Homme (Raddho), le Comité international de la Croix-Rouge et une association de jeunes Casamnçais vont également participer aux activités de surveillance.

« Notre mission sera de veiller au respect des droits humains, économiques et politiques. Nous devrons aussi vérifier que la démobilisation, le désarmement et la réinsertion des anciens combattants sont bien effectifs », confie Aboubacry Mbodj, secrétaire chargé des relations extérieures de la Raddho. La machine semble bien huilée. L’avenir dira si les efforts suffiront pour que la prédiction du saltigué se réalise.

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