Soulfinger ou le gourou du son


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arton7414

De la soul francophone qui n’a rien à envier aux productions américaines. C’est le tour de force qu’a réussi haut la main Soulfinger avec son opus Juste une pose. Auteur, compositeur et arrangeur inspiré, l’artiste belge afro-espagnol nous fait partager son univers musical et nous explique son concept artistique.

Du solide. Juste une pose, la dernière production, en réédition, de Soulfinger fait d’ores et déjà référence en matière de soul francophone. Mieux, l’orfèvre des studios fait armes égales avec les Américains à qui pourtant l’album n’est pas destiné. Discret et passionné, il aime à ciseler les sons et à donner une âme à sa musique. A 33 ans, cet auteur compositeur belge, né de mère basque espagnol et de père congolais, cultive un anonymat créatif et préfère rester un homme de l’ombre.

Afrik : Vous ne chantez pas. Quel a été votre travail sur l’album ?

Soulfinger :
J’ai réalise les sons et écrit les paroles et la musique sur 15 des 18 titres de l’album. Au départ, c’était un album de producteur sonore. C’était vraiment des instrumentaux, certes destiné à accueillir des voix, mais je n’avais pas de concept précis C’est au détour de rencontres, qu’il est devenu un album de chanson. C’est après les rencontres avec Doyel (chanteuse d’origine rwandaise, ndlr), LS du groupe Afrodiziac et une autre chanteuse africaine-américaine Onika Anderson que j’ai décidé de signer le disque sous le nom de Soulfinger experience.

Afrik : Dans quel style rangerais-tu ta musique ?

Soulfinger :
J’utiliserai trois termes pour définir ma musique : urbain, soul, francophone. Urbain parce que j’ai commencé par des influences hip-hop, soul parce que c’est ce que je kiffe (j’aime, ndlr) et parce que c’est ce que j’essaie d’insuffler au courant musical que je voudrais développer et francophone parce que c’est en français.

Afrik : Dans quel univers musical as-tu grandi ?

Soulfinger :
J’ai grandi dans un univers musical à la fois francophone et anglophone. A savoir la musique noire américaine des années 70, 80, 90 : Steevy Wonder, Earth Wind and Fire et surtout Marvin Gaye. J’ai grandi à Bruxelles. Donc je vivais dans un univers musical francophone. Et j’ai très vite été attiré par des chanteurs qui avaient dans leur musique une inspiration ou une influence black. A l’image de Michel Berger ou de Michel Jonaz.

Afrik : Quand on écoute ton album, on se rend compte que tu as quelques longueurs d’avance sur ce qui se fait en France en matière de soul. Vous travaillez aux Etats-Unis ?

Soulfinger :
Tout ce qui est pré production je le fais à Paris et à Bruxelles. Tout ce qui est finition, donc mixage et mastering, je le fais à New York. J’aime avoir du temps pour arranger et travailler le son. Nous avons mis un an pour réaliser l’album. C’est sans doute pour ça que ça sonne différemment de ce qui se fait en France.

Afrik : Quel regard jettes-tu justement sur la production soul française ?

Soulfinger :
Tout dépend des artistes. Il y en a que j’aime bien, d’autre que j’aime moins. C’est avant tout l’approche de la musique qui m’intéresse. J’aime bien ce que fait, par exemple, un groupe comme OFX (deux membres du groupe Saïan Supa Crew, ndlr) même si c’est plus rap que soul. Pour l’instant on entend pas mal de R n’B adolescent, j’aime un peu moins, mais il en faut pour tous les goûts.

Afrik : Un mot sur la production américaine ?

Soulfinger :
C’est sensiblement le même regard, si ce n’est que même lorsque les Américains font des productions dites adolescentes le résultat reste qualitativement meilleur qu’en France. Je pense qu’il y aux Etats-Unis un professionnalisme dont il faut vraiment s’inspirer.

Afrik : Comment en es-tu arrivé à produire tes propres sons ?

Soulfinger :
J’ai toujours aimé la musique. J’ai commencé à concrétiser cette passion en animant des émissions de radio à Bruxelles. J’ai également été DJ (disc jockey, ndlr) pendant huit ans. J’étais résidant dans une boîte à Bruxelles. De fil en aiguille je sentis que j’avais envie de continuer à faire danser les gens ou de continuer à donner des émotions à un public mais en faisant mes propres productions. J’ai commencé par du hip-hop. Puis j’ai fait des choses plus acoustique-soul. Et toute la somme de cela a donné Soulfinger experience, mon troisième album.

Afrik : A quel public est destiné l’album ? Belge, français ou américain ?

Soulfinger :
Surtout pas au marché américain. Le fait qu’on chante en Français signifie que l’on s’adresse forcément au marché francophone. Très curieusement, on a vendu des disques de Soulfinger experience à l’export, en Allemagne, en Italie et en Espagne où nous avons eu de bonnes critiques. Mais ma volonté principale est surtout faire découvrir la culture musicale soul, qui n’est pas très connue auprès du grand public en France, par le biais de la musique francophone. C’est peut être un peu utopique de ma part mais, indépendamment du fait de gagner de l’argent et de pouvoir continuer à faire mon métier, c’est naïvement ce qui me motive.

Afrik : Le marché français est-il assez mûr pour la soul ?

Soulfinger :
Je ne sais pas. Je ne me suis pas posé ce genre de questions, sinon je n’aurais jamais fait de disque. Je fonctionne avant tout par passion. Ce n’est pas gagné d’avance parce que mon album n’est pas formaté pour le marché français mais je me lance et après on verra. Il y a peut être des gens curieux d’écouter autre chose.

Afrik : C’est le R’n B qui marche partout en ce moment. Quelle différence fais-tu entre le R’n B est la soul ?

Soulfinger :
Il y en a beaucoup, mais la première c’est que la soul utilise de vrais instruments – basse, guitare, violon, piano – tandis qu’en R’n B pur, style Missy Elliolt ou Aalliyah, ce ne sont rien que des machines. C’est un synthétiseur qui fait tout. C’est une approche différente basée sur les nouvelles technologies.

Afrik : Il y a trois artistes qui officient au micro sur tes sons. Pourquoi trois ?

Soulfinger :
Il y a effectivement deux chanteuses et un chanteur dans l’album. C’est un parti pris. Comme c’est un album de producteur. Ce sont des chanteuses que j’ai contactées et qui sont venues poser sur la musique. Elles se sont mises à son service. Ce qui est génial parce que, et je peux le comprendre, les chanteurs ont beaucoup d’ego. Même quelqu’un comme LS d’Afrodiziac, qui est quelqu’un d’assez connu en France (son album a été distribué en Major, ndlr), a eu cette attitude extraordinaire. Il a joué le jeu. Je leur tire à tous mon chapeau.

Afrik : En tant que concepteur musical, vous préférez le live ou le studio ?

Soulfinger :
Je préfère le studio. Je suis un créateur de son. Je ne suis pas un artiste qui se met en avant. Je prends mon pied en live, mais le kiff ultime pour moi est quand je crée en studio. Je suis le géniteur de quelque chose amenée à prendre vie. Après ce que j’écris ne m’appartient plus, ça passe dans les mains d’autres personnes.

Afrik : On verrait bien des artistes comme Les Nubians poser sur vos sons. Avec quels artistes aimeriez-vous travailler ?

Soulfinger :
Il y en a beaucoup. J’ai été en contact avec le manager des Nubians mais avec leur emploi du temps nous n’avons pas encore pu nous capter. Parce qu’avant d’enregistrer et de travailler il faut quand même qu’il y ait une relation humaine. Il y a aussi des chanteuses comme China ou Wallen. Dans une autre catégorie, il y de grandes chanteuses francophones comme Mauranne (artiste belge, ndlr). C’est une artiste qui, au début de sa carrière, avait un répertoire proche de celui d’Al Jarrau.

 Soulfinger experience, Juste une pause…, 2004, Soulfood prod, Atoll distrib

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