L’Afrique ne manque pas d’eau


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L’eau ne fait pas défaut à l’Afrique. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, le continent n’est pas en manque, mais peine plutôt à optimiser l’exloitation de la précieuse ressource. La division des eaux et des terres de la FAO revient sur les causes de cette situation et explique comment elle tente d’inverser la tendance.

L’idée selon laquelle l’Afrique manque cruellement d’eau serait erronée. C’est en tout cas le constat que fait la division des eaux et des terres de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). A l’occasion, lundi, de la Journée mondiale de l’eau, la section revient sur ce qui explique la sous-exploitation des ressources hydrauliques en matière agricole et explique quelles sont ses actions pour renverser cette tendance.

Afrik : L’Afrique manque-t-elle d’eau ?

La FAO :
Tout d’abord, il faut bien séparer le Maghreb et l’Afrique noire. Contrairement à ce que certains disent, l’Afrique sub-saharienne ne manque pas d’eau. Nous pouvons citer pour exemple le Congo, où il y a tellement d’eau et de terres cultivables qu’il pourrait nourrir tout le continent. Ce n’est pas le cas des pays du Maghreb, qui possèdent des installations hydrauliques de qualité, qui sont plus secs. Le problème de l’Afrique sub-saharienne est qu’elle ne maîtrise pas l’exploitation de l’eau.

Afrik : Comment expliquez-vous ce phénomène ?

La FAO :
L’une des raisons de cette sous-exploitation est que, depuis sept ou huit ans, les bailleurs de fonds sont réticents à investir dans les projets d’irrigation. Un retrait dû au fait que les Africains ne s’appuient pas en priorité sur les infrastructures modernes pour leurs activités agricoles (seuls 7% des terres arables sont irriguées en Afrique, d’après Jacques Diouf, directeur général de la FAO, ndlr). Cet échec s’explique notamment par le fait que les systèmes d’irrigation impliquent une organisation, une collaboration et l’établissement d’un réseau de distribution de l’eau, dont les Africains n’ont pas encore l’habitude. Ils privilégient en priorité les cultures qui poussent très bien avec l’eau de pluie, comme les céréales et les tubercules.

Afrik : Que préconise la FAO pour optimiser l’utilisation des ressources hydrauliques ?

La FAO :
Il faut travailler par étapes. La plus simple est de promouvoir davantage la culture de denrées auxquelles l’eau de pluie suffit pour pousser, de sensibiliser à la collecte des eaux de ruissellement et d’installer plus de pompes à pédale. Ensuite, il est possible d’envisager la mise en place de périmètres villageois (surface est installée un système d’irrigation), dotés de barrages. Certains périmètres existent déjà, mais ont parfois plus de trente ans. Ils ont été délaissés et se sont détérioré par manque de maintenance. Nous envisageons de les réhabiliter, avant de les laisser aux paysans que nous aurons sensibilisés à leur importance.

Afrik : A combien revient un périmètre villageois ?

La FAO :
Un petit aménagement comportant uniquement une pompe à pédale peut revenir à 400 euros l’hectare. Si le système d’irrigation voulu est plus sophistiqué et qu’il nécessite, par exemple, l’installation d’un barrage et d’un réservoir, le prix peut grimper jusqu’à 10 000 euros. Ce qui constitue un autre frein à l’utilisation de méthodes plus modernes. Les autorités ont d’autres priorités, comme la lutte contre le sida ou les guerres. Mais en Afrique tout est beaucoup plus cher. En Asie, un périmètre simple peut coûter 2 000 euros.

Afrik : Comment s’explique cette différence de prix ?

La FAO:
La principale raison est que la plupart des matériaux nécessaires aux travaux d’irrigations ne sont pas fabriqués en Afrique. Il faut donc les importer, ce qui gonfle le prix. Par ailleurs, très peu de compagnies produisent ces matériaux. Du coup, il y a très peu de fournisseurs, donc peu de concurrence, ce qui participe aussi à faire grimper les coûts.

Afrik : Où en est le recyclage de l’eau pour les cultures ?

La FAO :
Certains pays utilisent des ressources d’eau non-conventionnelles comme les eaux de drainage (opération consistant à faciliter l’écoulement de l’eau retenue en excès dans les terres trop humides, ndlr) pour irriguer leurs cultures. Dans d’autres Etats, comme la Namibie et l’Afrique du Sud, les eaux usées sont de plus en plus recyclées puis réutilisées pour les cultures. Au Zimbabwe, on irrigue les arbres avec les eaux usées, mais pas pour les cultures agricoles. Par contre, de plus en plus dans les zones périurbaines, comme à Nairobi (Kenya) et à Accra (Ghana), certains paysans pauvres utilisent les eaux usées dans les champs.

Afrik : Les pays du Maghreb disposent d’installations plus performantes que les Africains vivant au sud du Sahara. Comment l’expliquez-vous ?

La FAO :
Les pays du Maghreb ont dû trouver des alternatives pour palier le déficit de pluie. Ils n’avaient pas d’autre choix que d’irriguer s’ils voulaient avoir une activité agricole. Certains pays développent des méthodes coûteuses pour irriguer leurs cultures. Comme la Libye, qui utilise ses eaux souterraines fossiles. Une opération qui nécessite de profonds forages et de lourds moyens techniques.

Afrik : Certains pays africains risquent-ils de connaître une pénurie d’eau ?

La FAO :
Les pays les plus exposés sont ceux qui sont le plus industrialisés. Ils utilisent tous les moyens d’exploiter leurs ressources d’eaux, au risque de les épuiser. A l’image de l’Afrique du Sud, qui irrigue énormément.

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