Sagbohan Danialou : L’authentique


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Sagbohan Danialou sur scène
Sagbohan Danialou

Sagbohan Danialou est un trésor de la musique béninoise. Chanteur à textes, il évolue essentiellement dans son Bénin natal, un gâchis pour certains de ses fans pour qui l’artiste aurait dû s’exporter. Afrik.com a rencontré pour vous, chez lui à Porto-Novo, un artiste exceptionnel.

Jeans et lunettes de soleil à la main, Sagbohan Danialou m’attend, juché sur une table, à la terrasse de son domicile porto-novien. Ce modèle de décontraction est une star au Bénin. Une étoile qui n’a nullement usurpé le Prix de l’Artiste 2000. Il est également titulaire, depuis 1995, de l’Ordre du mérite béninois. Chanteur à textes, dont le fon (langue officieuse du Bénin) est la langue de prédilection et les rythmes du Sud du pays constituent le vivier musical, Sagbohan Danialou est écouté dans la quasi-totalité des foyers béninois. Pourtant, ces fans lui reprochent souvent de ne pas avoir essayé de mener une carrière internationale compte tenu de ses potentialités. « C’est dommage que les gens pensent cela, je suis très fier de ce que j’ai fait. Cependant j’ai choisi d’avoir une famille et de vivre avec elle ». L’artiste est en effet père de six enfants dont l’aîné a 28 ans.

L’importance du message de Sagbohan Danialou

Sagbohan Danialou est né vers 1951 à Epkê, une banlieue de Porto-Novo, de parents originaires d’Abomey. Il quitte son village à l’âge de 16 ans pour aller apprendre un métier : la céramique. Mais la musique, un art auquel son père l’a initié, ne lui laisse pas de répit. Sagbohan Danialou débute comme percussionniste – il fait ses premières gammes sur les morceaux de James Brown – dans une formation de six musiciens dont certains sont des camarades de classe. Percussionniste moderne mais aussi traditionnel, Sagbohan Danialou, est un amoureux du tam tam notamment du Kpahlouè et du Kpezi dont il joue. Son rêve est d’ailleurs de créer un centre de formation à la percussion traditionnelle. « J’ai déjà acheté la parcelle », affirme-t-il. L’artiste entend également récolter des fonds à travers sa fondation dénommée Fondahagbé pour donner corps à son projet. La jeunesse et l’éducation font aussi partie des sujets chers au musicien.

Une préoccupation que l’on retrouve dans les paroles de ses chansons. Des compositions où le message est très important. « Je ne veux pas être seulement un chanteur qui chante. Je veux également être utile à la société. Le thème que je choisis doit être bien perçu et éducatif ». Des messages qui peuvent parfois étonner, à l’instar de l’une de ses dernières compositions, une chanson hommage aux militaires béninois. Explications : « Bien avant la Conférence nationale (qui aurait pu faire basculer le Bénin dans la guerre civile, ndlr) tout le monde avait peur des militaires. Ce sont des fous mais qui respectent leur chef hiérarchique. Pendant la Conférence, les gens ne mangeaient plus et moi je ne dormais plus. », explique l’artiste. Selon lui, c’est le respect des conclusions de cette dernière par le président béninois actuel, Mathieu Kérékou, ancien chef de la junte militaire qui avait pris le pouvoir en 1972, qui a permis au Bénin de prendre un nouveau départ. « Pour cela, j’ai estimé qu’il fallait leur dédier une chanson », conclut-il.

A l’écoute de ses racines

Une chanson qui retrace également l’histoire du Bénin et qui aura permis à beaucoup d’enfants d’en apprendre un peu plus sur leur pays. Des jeunes que Sagbohan Danialou souhaite, par-dessus tout, fiers de leurs racines. « Il est difficile d’imposer sa culture à d’autres peuples. Mais artistiquement parlant, si nous perdons nos racines, c’est un crime. Je dis souvent aux jeunes Béninois qu’il y a de nombreux styles musicaux chez nous. On retrouve, par exemple, dans les rites Vaudou beaucoup de musique et de percussions. Je n’aime pas les acculturés, ceux qui ne peuvent même pas parler leur langue maternelle notamment le fon. Je leur dis (aux jeunes artistes, ndlr) de faire de la recherche – quand c’est le cas, ils commencent avec leur musique mais avec le succès, ils l’abandonnent – mais ils recherchent la facilité. Ils veulent chanter ! ».

L’authenticité est en définitive une marque de fabrique chez le musicien béninois. De confession musulmane, Sagbohan Danialou croit aussi aux valeurs de la religion de ses ancêtres. Un authentique qui répond : « Je ne fais pas de bilan », quand on lui en demande un. Et qui poursuit avec sagesse : « La vieillesse, c’est le temps que l’on a devant soi. Je suis heureux de voir certains jeunes emboîter mes pas. Je ne suis pas encore satisfait du travail que j’ai accompli. Je veux aller plus loin et faire mieux. Je suis un perfectionniste. Néanmoins, je suis heureux de la vie que je mène. Il faut vivre en ayant soin de laisser derrière soi une trace sinon l’histoire n’existerait pas. » Pour l’instant, Sagbohan Danialou est bien présent dans nos têtes, mais surtout dans nos piles de disques.

Fondation FONDAHAGBE

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