Haro sur le hijab


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L’ATFD (Association tunisienne des femmes démocrates) a profité de la Journée de la femme, le 13 août dernier, pour dénoncer la recrudescence du port du voile en Tunisie. Pour elle, ce phénomène est synonyme de régression. Points de vue sur le hijab.

En Tunisie, le 13 août est un jour férié : on célèbre la femme. C’est à cette occasion que l’ATFD (Association tunisienne des femmes démocrates) a dénoncé la recrudescence du port du voile, la jugeant « inquiétante ». Dans ce pays musulman où la femme est – presque – l’égale de l’homme, le mode vestimentaire est résolument occidental. Alors, pour l’ATFD, cette montée du hijab constitue « une rupture avec toutes les traditions vestimentaires du pays et une valorisation d’un modèle très répandu dans les pays où les femmes continuent de subir la polygamie, la répudiation, le divorce unilatéral, la tutelle matrimoniale et bien d’autres discriminations ».

Le voile traditionnel tunisien, le safsari, est un voile blanc, devenu quelque peu désuet, qui sert à se protéger du soleil comme de la pluie. Quant au hijab, il n’est pas culturellement très implanté. Attribut essentiellement religieux, les Tunisiennes n’ont jamais eu d’engouement particulier pour ce dernier. Toutefois, depuis quelques mois, de plus en plus de jeunes citadines se baignent à la plage avec hijab et robes longues.

Phénomène de mode

Ces jeunes filles ont un comportement paradoxal. D’une part, elles portent le voile religieux, d’autre part, elles vont à la plage et flirtent avec les garçons. « C’est un phénomène de mode, explique Souhayr Belhassen, journaliste et vice-présidente de la LTDH (Ligue Tunisienne pour la défense des droits de l’Homme), une partie de l’explication provient des vacancières d’origine tunisienne, de la 2e ou 3e génération. Ces femmes portent le voile au pays. Elles inspirent le respect et sont laissées tranquilles. De fait, elles sont plus libres, même si physiquement elles sont entravées par le hijab. Ceci influence les Tunisiennes. » L’autre éclairage du phénomène vient du contexte international. « La guerre en Irak et la situation palestinienne provoquent une révolte identitaire contre l’Occident oppresseur qui se révèle dans le port du voile », poursuit-elle.

Etendard idéologique

Il ne s’agit donc pas d’un retour à la tradition. En revanche, le hijab, en tant que signe ostensible d’une appartenance religieuse, marque-t-il un regain pour l’islam ? Pas nécessairement. Les mouvances politiques islamiques étant particulièrement réprimées par la dictature de Zine Ben Ali, certaines femmes, comme l’avocate Saïda Al Akrami, militante islamiste, le portent comme un étendard. Depuis qu’il a été interdit par le décret 108 dans les lieux publics, la répression s’est accrue. L’avocate souligne un peu plus les contradictions du système en déclarant à IslamOnline : « L’application de cette loi contredit fortement la Constitution tunisienne qui stipule que la Tunisie est un pays islamique ».

Résistance passive

Le gouvernement a commencé une croisade anti-hijab. Lors des examens de fin d’année, 37 jeunes filles voilées d’un lycée du gouvernorat de Bizerte se sont vues interdire l’accès aux salles de cours… à moins de s’engager auprès de la police à ne plus porter le voile. Devant cette persécution, la LTDH a condamné « cette atteinte à la vie privée et à la liberté religieuse ». Néanmoins, le hijab semble diviser les démocrates tunisiens. Si le port du voile est un choix individuel et librement consenti, il est aussi une forme de contestation tacite du régime. Seulement pour eux, le danger est, à long terme, de faire le jeu des islamistes.

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