Les Marocains embrassent la langue catalane


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Drapeau de la Catalogne
Drapeau de la Catalogne

L’enseignement de la langue catalane a le vent en poupe au Royaume chérifien. Ce dernier se retrouve quatrième pays au monde à enseigner le catalan. Curiosité, espoir d’embauche, rêve d’émigration… les motivations des Marocains sont diverses. Enquête.

Les Marocains se mettent au catalan. Depuis deux mois, quelque 200 personnes ont déjà bénéficié des cours gratuits mis en place dans le Royaume par la délégation catalane. Deux cours ont été ouverts au nord, à Sidi Lyamani et Asilah, et concernent 75 jeunes paysannes qui se destinent à travailler temporairement en Catalogne pour la récolte des fruits. « Elles apprennent les basiques de la langue pour communiquer avec les villageois », explique Angel Colom, directeur de la délégation catalane au Maroc. « C’est un plus pour leur intégration. Quand les gens se rendent comptent qu’elles parlent la langue, elles sont beaucoup mieux accueillies ! ».

A Casablanca, les 75 élèves viennent d’un tout autre milieu. Ce sont des diplômés, des universitaires, des techniciens, des informaticiens qui montrent des intérêts divers pour la langue catalane. « Ils ont envie de découvrir une autre culture, d’apprendre une langue en plus. Certains souhaitent poursuivre leurs études dans l’une des onze universités de la région, d’autres espèrent obtenir des bourses. Enfin, les informaticiens et les économistes se forment pour éviter de quitter le Maroc. Ils veulent profiter du renouveau des investissements catalans au Maroc. Une quinzaine d’entreprises catalanes cherchent des chimistes ou des secrétaires sur place et c’est mieux de parler la langue. »

Démarche utile

Mettre toutes les chances de son côté pour s’intégrer dans les entreprises catalanes installées au Maroc. C’est aussi dans cette optique que Saïd Othmani a ouvert une section catalane dans son centre de formation Polifilières de Settat. Cinquante élèves prennent depuis deux semaines deux cours par semaine. « Polifilières est une école professionnelle qui forme des techniciens et des opérateurs. Il y a deux entreprises catalanes à Settat et mes élèves trouveront plus facilement des stages et des emplois s’ils parlent catalan. »

Ce passionné de culture catalane a pourtant eu du mal à faire comprendre l’utilité de sa démarche. « Au début les gens étaient réticents. Ils disaient que la Catalogne n’était qu’une petite partie de l’Espagne. Je leur ai expliqué que c’était la région la plus industrielle du pays. J’ai même dans un coin de la tête le projet d’ouvrir une école primaire où le catalan serait enseigné en deuxième ou troisième langue… ».

Doubler les effectifs

Les étudiants marocains se tournent pour le moment en priorité vers l’Andalousie mais depuis que la délégation a installé ses cours, elle reçoit chaque jour la visite de jeunes curieux et enregistre un intérêt croissant pour les cours financés par l’Institut Ramon Llull. 50 personnes sont d’ores et déjà sur liste d’attente. « En septembre, nous allons doubler nos effectifs », annonce Angel Colom. Des cours seront dispensés à Rabat, Agadir, Fès ou Meknès. Le nombre de professeurs devrait en conséquence passer de 2 à 6. Un jeune entrepreneur hôtelier de Merzouza, dans le Sud, s’est manifesté pour faire bénéficier son personnel de cours de langue en vue de mieux accueillir les touristes catalans qui se rendent nombreux dans le désert marocain.

Enfin, l’université Hassan II Aïn Chock de Casablanca sera la 86ème université à enseigner le catalan dans le monde.  » Le projet d’enseignement du catalan prend de plus en plus d’importance dans le pays « , reconnaît Angel Colom.  » Le Maroc se place dans le peloton de tête des pays qui enseignent le catalan dans le monde. Pour le moment, La France compte 500 étudiants, l’Allemagne et la Grande-Bretagne 400 … mais ils pourraient être rattrapés par le Maroc !  »

Ces cours, qui visent à préparer les futurs étudiants à s’intégrer, portent leurs fruits. « Les Marocains qui ont appris la langue ont un atout certains vis-à-vis des étudiants européens qui débarquent à Barcelone en ayant juste une base en Espagnol. Ce n’est pas suffisant car dans la plupart des université catalanes, la langue majoritaire est le catalan », assure Angel Colom. La délégation catalane compte s’appuyer sur ces cours pour mettre en place un programme novateur d’orientation et de formation des flux migratoires du Maroc vers la Catalogne.

Se tourner vers le Sud

200 000 Marocains vivent aujourd’hui en Catalogne. Ils sont arrivés pour la plupart entre 1993 et 2001 alors que le flux migratoire était très important. Or, depuis deux ans, les autorités espagnoles et catalanes tentent de le réguler. En 2003, seules 300 personnes vont migrer légalement. « Il faut former les gens à la base. Cela permettra peut-être d’attirer une partie de ceux qui partent de façon illégale. C’est une façon de leur dire : on est là pour vous aider, ne risquez pas votre vie. Nous essayons de réduire le flux migratoire dans la dignité », précise Angel Colom.

Depuis son inauguration le 25 mars dernier, la délégation catalane au Maroc a déjà initié une quarantaine de projets dans divers domaines. C’est la première délégation générale et non commerciale qu’ouvre la Catalogne à l’étranger. « Nous avons choisi le Maroc car c’est un pays stratégique majeur pour le futur. Alors que l’Europe, avec l’élargissement, a tendance à glisser vers l’Est, nous pensons qu’il faut dynamiser un nouveau centre au Sud de l’Europe. Le Maroc est l’endroit idéal. »

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