Les Accords de Marcoussis sont une réussite


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Secrétaire générale du Rassemblement des républicains (RDR), le parti d’opposition d’Alassane Ouattara, Henriette Diabaté est une figure incontournable du paysage politique ivoirien. Alors que les Accords de Marcoussis piétinent et qu’un militant du RDR a été trouvé mort il y a quelques jours à peine, cette militante en exil commente à sa façon la crise qui secoue son pays.

Henriette Diabaté est une figure incontournable du paysage politique ivoirien. Entrée tard en politique, cet ancien professeur d’histoire est aujourd’hui secrétaire générale du Rassemblement des Républicains (RDR), le principal parti d’opposition en Côte d’Ivoire. Deux fois ministre de la culture, elle avait créé l’événement en claquant la porte du gouvernement d’Union nationale de Laurent Gbagbo en 1999. Condamnée à deux ans de prison, elle a été incarcérée deux mois, provoquant une mobilisation nationale et internationale pour sa libération. Aujourd’hui, en exil à Paris par crainte des  » escadrons de la mort  » qui sévissent à Abidjan, cette femme dont on a murmuré le nom à Marcoussis pour le poste de Premier ministre du gouvernement de transition prend la parole pour évoquer  » la situation de terreur  » qui règne dans son pays. Alors que le corps d’un des membres éminents du RDR,  » H  » Camara, vient d’être retrouvé criblé de balles il y a deux jours dans les rues de la capitale ivoirienne, une certaine émotion perce dans sa voix.

Afrik : Les Accords de Marcoussis sont au point mort. Qu’envisage de faire le RDR face à cette situation ?

Henriette Diabaté : Les Accords de Marcoussis sont une véritable réussite. C’est le seul moyen de faire revenir la paix en Côte d’Ivoire. Si Laurent Gbagbo ne voulait pas signer ces Accords, il fallait qu’il le dise ! Pour le moment, nous attendons. Nous ne pouvons pas demander à nos militants d’entreprendre une action alors que nous, nous sommes là, à l’abri. Les gens qui militent à nos côtés, ceux qui nous ont accueillis et même certaines personnes qui n’ont aucun rapport avec notre mouvement mais qui portent des noms originaires du Nord sont actuellement en danger.

Afrik : Que pensez-vous des manifestations de soutien au président Gbagbo qui ont lieu quotidiennement ces derniers jours à Abidjan ?

Henriette Diabaté : Pour moi, elles sont complètement organisées. Les gens sont manipulés. Les hommes de la Direction de la surveillance du territoire (DST) ont tout pouvoir et ils terrorisent la population. Ils savent qu’ils seront impunis, ils sont très près du bon dieu. Si vous n’êtes pas de leur côté, vous prenez le risque d’être assassiné. On sait très bien qui va aux manifestations et qui n’y va pas.

Afrik : Pensez-vous que la situation est meilleure pour les habitants du nord du pays ?

Henriette Diabaté : Bien sur. Il n’y a pas de couvre-feu là-bas, ou s’il y en a un, il n’est pas appliqué. A Noël, les gens ont pu aller à la messe de minuit. Ils peuvent aussi célébrer la tabaski (ou Aïd el Kébir, ndlr). Paradoxalement, c’est dans ces zones occupées qu’ils sont le plus libre !

Afrik : Quels sont vos rapports avec le Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire ?

Henriette Diabaté : On soupçonne toujours le MPCI d’être le bras armé du RDR ! Ce n’est pas le cas. Nous nous connaissons tous et nous nous superposons parce que nous jugeons que le programme du MPCI est un programme acceptable. Lorsque je me suis présentée aux législatives, j’avais mis Guillaume Soro dans ma liste parce que j’avais jugé que c’était un jeune homme brillant aux idées intéressantes. La lutte contre la xénophobie et l’exclusion fait que nous sommes en phase. Mais nous n’avons pas les mêmes façons de vouloir prendre le pouvoir. Nous voulons une transition par les urnes, eux par les armes.

Afrik : Quel regard portez-vous sur la tentative de coup d’Etat du 19 septembre 2002 ?

Henriette Diabaté : Le RDR condamne cette tentative depuis le premier jour, comme toute tentative de prise de pouvoir par les armes. Nous sommes pour l’exercice du pouvoir par des forces démocratiques. Si le MPCI devient un adversaire sur la scène politique ivoirienne, nous sommes prêt à les affronter par la voix des urnes et à nous battre démocratiquement pour conserver nos militants.

Afrik : Quels sont vos rapports avec les deux autres mouvements rebelles de l’Ouest ?

Henriette Diabaté : Nous ne les connaissons pas. Nous n’avons pas rapports avec ces deux mouvements.

Afrik : Comment s’est passé pour vous la journée du 19 septembre?

Henriette Diabaté : Je suis sortie de chez moi au matin… Je suis allée me réfugier chez des amis. Je suis passée par beaucoup de maisons avant de pouvoir prendre la route de la frontière. Finalement, j’ai rejoint Alassane Ouattara à Libreville et de là je suis partie au Sénégal.

Afrik : Envisagez-vous de revenir en Côte d’Ivoire ?

Henriette Diabaté : Pas pour le moment. Je sais que des gens viennent visiter ma maison tous les jours là-bas. Cela fait quatre mois maintenant que je suis ici…

Voir aussi :

Côte d’Ivoire : le fils d’Henriette Diabaté libéré.

Henriette Diabaté, Jeanne d’Arc à l’ivoirienne.

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