Claudy Siar le griot de la radio


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Incontournable dans le monde de la musique afro-caraïbéenne, Claudy Siar, animateur vedette de Radio France internationale, est l’un des premiers défenseurs de la culture et de l’identité noire. Idéaliste mais les pieds bien sur terre, l’initiateur de la  » génération consciente  » explique son militantisme. Interview.

Il n’est pas un artiste africain qui n’adresse une petite dédicace à Claudy Siar dans l’un de ses textes. A 37 ans, l’animateur de RFI jouit d’un grand prestige sur l’ensemble du continent. Son émission, Couleurs Tropicales, fait partout autorité et s’impose comme l’un des plus puissants prescripteurs en matière de musiques afro-caraïbéennes. Militant de la cause noire, il en appelle depuis dix ans à la  » génération consciente » pour que les communautés prennent leur destin en main. Lui-même issu de la diaspora, il ne tolère pas qu’on lui reproche le droit de se battre auprès de ses frères africains. Homme de convictions animé d’idéaux, Claudy Siar reste humble devant sa notoriété et entend juste apporter sa pierre à l’édifice.

Afrik : Vous jouissez d’une énorme notoriété en Afrique. Etes-vous conscient de votre rôle de prescripteur en matière de musiques africaines ?

Claudy Siar : C’est mon rôle d’être un prescripteur. On a la chance d’écouter les choses avant tout le monde et il s’agit simplement de permettre à des gens qui ont du talent d’émerger. Je ne fais aucun triomphalisme sur ma notoriété personnelle : ce n’est pas ce qui est important. Mais mon engagement n’est pas uniquement pour la musique, je milite surtout pour une véritable africanité. J’espère que les personnes perçoivent aussi ça dans l’émission (Couleurs Tropicales entre dans sa huitième année d’existence, ndlr).

Afrik : Dans quelle mesure Couleurs Tropicales est-elle une émission militante ?

Claudy Siar : A côté de l’aspect culturel évident dans la musique, il y a aussi un aspect politique. Dans l’émission, nous expliquons les chansons pour les replacer dans leur contexte. Si tu souffres, tu n’écris pas pareil que  » si tu es au sirop « , comme on dit chez nous (aux Antilles, ndlr). Ça permet de regarder le continent différemment. Nous avons un peu une logique de griot.

Afrik : Vous êtes antillais et certains Africains déplorent le fait que ce ne soit pas un véritable africain qui défende la musique afro. Qu’en pensez-vous ?

Claudy Siar : Il est triste que certaines personnes préfèrent quelqu’un d’autre à leur propre frère. En tant qu’Africain de la Caraïbe, je dénie à qui que ce soit le droit de m’empêcher de défendre la culture afro. La tragédie de l’Histoire n’a pas le droit de me couper de mes racines. Je sais qui je suis. Quand c’était Gilles Obringer (un Blanc, ndlr) qui animait l’émission, il n’y avait aucune critique de la sorte. Il agissait en vertu de sa passion pour les musiques afro-caraïbéennes et je trouve que c’est encore plus légitime pour moi.

Afrik : Vous parlez sans cesse de  » génération consciente « . Vous ne trouvez pas que l’expression est un peu éculée ?

Claudy Siar : La  » génération consciente  » est un mouvement qui est né en 1991 suite à la contre manifestation que nous avions organisés à l’occasion du 500ème anniversaire de la découverte des Amériques. Le mouvement se voulait éphémère, mais il a survécu à l’événement. La  » génération consciente  » est une notion fédératrice. Elle participe à faire évoluer les mentalités sur la prise de conscience des enjeux et la destinée de l’Afrique.

Afrik : Et vous trouvez que l’Afrique est plus consciente ?

Claudy Siar : Evidement. Mais les gens conscients ne sont pas au pouvoir. La prise de conscience avance : c’est déjà un premier pas.

Afrik : Pour en revenir à la musique, quel regard portez-vous sur le monde de la musique en Afrique ?

Claudy Siar : L’Afrique n’a pas encore le sens du professionnalisme. Il y a une large incompétence des producteurs et des maisons de disques. Ils ne pensent pas à la carrière de l’artiste, mais pensent uniquement à leur profit immédiat. Ils n’ont même pas le réflexe ne serait-ce que d’envoyer une copie de leurs productions aux radios étrangères.

Couleurs Tropicales tous les jours sur RFI du lundi au vendredi à 23h10 (heure de Paris), 21h10 (temps universel).

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