L’arbre qui cache la forêt


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Globe terrestre
Globe terrestre représentant une partie de l'Afrique

Safiya sauvée. Des dizaines d’autres femmes menacées d’être lapidées. Le revers de la médaille. Immédiatement après la joie du verdict de cassation, la tristesse d’apprendre l’autre verdict, celui qui condamne à la même mort épouvantable Amina Lawal à Bakoni.

Impossible de ne pas voir un signe tragique dans le rapprochement des deux verdicts : les tribunaux religieux des Etats du Nord du Nigeria qui ont décidé d’adopter la charia n’ont pas vu d’un très bon oeil la mobilisation internationale qui a sauvé la vie de Safiya qu’ils ont considérée comme une intolérable remise en cause de leur loi.

Comment agir alors ? Comment intervenir au nom des droits humains, dès lors que cette morale supérieure se heurte à d’inébranlables certitudes, liées au sacré, au social, mais aussi à la détention du pouvoir ? On sait depuis Saint-Thomas que la peine capitale est, au sommet de l’édifice juridique, ce qui constitue la clef du contrôle judiciaire de l’organisme social.

Le pouvoir de condamner l’un des membres de la communauté, non pas seulement à l’enfermement ou au bannissement, mais à l’effacement pur et simple du nombre des vivants, tel est le pouvoir fondamental qui donne à ceux qui le détiennent la véritable maîtrise d’un groupe humain.

C’est ce pouvoir que la loi morale refuse de plus en plus à l’arbitraire humain des tribunaux, qu’ils soient populaires, civils, militaires ou religieux. Dans chacun de ces cas pourtant, la démarche est différente. Les tribunaux militaires sont des tribunaux d’exception qui ne concernent que ceux qui ont fait, librement, le choix d’une vie de service dans une communauté particulière, l’armée, qui a ses règles propres et ses contraintes…

Les tribunaux religieux sont un cas à part : ils imposent, dans l’espace civil de la société humaine des règles dictées par la foi, donc par définition irrationnelles, intangibles, brutales. Comment le Nigeria, Etat fédéral et non confessionnel, a-t-il basculé partiellement sous l’emprise de la charia ? Parce que les règles morales inflexibles de la loi islamiques y sont apparues comme un contre-feu à la propagation de la corruption.

Mais à ce bien apparent, un mal est associé : les châtiments médiévaux, injustes et disproportionnés qui sont réservés aux femmes infidèles, l’impunité des hommes qui jouissent d’un statut perpétuellement protégé. Il faut donc lutter contre ce mal de manière intelligente, ouverte, compréhensive, tolérante. Il ne s’agit pas de jeter l’Islam et ses millions de fidèles avec l’eau du bain musulman, pas toujours aussi propre que l’on pourrait le rêver. Il s’agit d’aider l’Islam à intégrer les valeurs nouvelles du monde moderne, l’égalité des sexes, les droits humains fondamentaux…

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