Kamerun, l’autre guerre d’Algérie…


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Alors que la France et l’Algérie se souviennent aujourd’hui des accords d’Evian signés il y a 50 ans, un autre conflit colonial, mené dans l’ombre de la guerre d’Algérie, reste taboue : la guerre du Cameroun (1955-1971).

Cette petite « guerre d’Algérie » en Afrique centrale, est passée largement inaperçue à l’époque et soigneusement masquée depuis. Cette guerre coloniale puis néocoloniale menée contre les indépendantistes de l’Union des populations du Cameroun (UPC) a pourtant causé la mort de plusieurs dizaines de milliers de Camerounais, selon les estimations les plus prudentes.

Menée par les mêmes hommes, et en parallèle, la guerre française au Cameroun a utilisé les mêmes méthodes que la guerre d’Algérie : torture systématique, bombardements aveugles des villages, déportation forcée des paysans, levée de milices sanguinaires, exécutions publiques ou extra-judiciaires, etc. Avec d’autant plus d’acharnement que ces opérations se déroulaient dans le plus grand silence…

A la différence de la guerre d’Algérie, la guerre du Cameroun a été gagnée, militairement et politiquement, par la France, qui a ainsi pu installer un régime dictatorial toujours en place aujourd’hui, incarné successivement par les présidents Ahmadou Ahidjo (1958-1982) et Paul Biya (1982 -…).

Premier champ d’intervention militaire de la France en Afrique décolonisée, le Cameroun est ainsi devenu le laboratoire de la Françafrique. Alors que les autorités politiques et militaires françaises l’emportaient sur l’UPC, elles « exportèrent » leurs méthodes de répression et d’assujettissement dans le reste du « pré carré » français en Afrique subsaharienne.

Pourtant, encore aujourd’hui, les autorités françaises nient envers et contre tout. En visite à Yaoundé le 22 mai 2009, François Fillon, interrogé sur cette guerre, avait même osé affirmer : « Je dénie absolument que des forces françaises aient participé en quoi que ce soit à des assassinats au Cameroun, tout cela c’est de la pure invention » (source).

Plus récemment, le 13 décembre 2011, le ministre de la Défense Gérard Longuet, interpellé par un député français, a fait preuve d’un insupportable cynisme en prétendant que la France avait « protégé la vie de la population », avant de qualifier de « détails » les exactions commises par l’armée française.

Il a fallu quatre décennies à la France pour admettre qu’elle a mené une « guerre » en Algérie. Combien lui en faudra-t-elle pour reconnaître la guerre du Cameroun ? A l’inverse, le Royaume-Uni mène un travail de mémoire sur la répression des Mau-Mau au Kenya, tout comme les Pays-Bas à propos de la colonisation de l’Indonésie…

Avec la parution, en janvier 2011, de Kamerun ! Une guerre cachée aux origines de la Françafrique (La Découverte), cette guerre fondatrice de la Françafrique ne peut plus être occultée.

Pour en savoir plus, le site du livre met en ligne les documents d’archives inédits, des extraits d’interviews de témoins et de responsables, politiques et militaires, camerounais et français, de cette guerre sale :

Présentation du livre sur le site des éditions La Découverte (introduction en ligne)

Par Manuel Domergue

Contacts :

Association Remember Kamerun : association@kamerun-lesite.org.

Editions La Découverte : Pascale Iltis : +33 1.44.08.84.21

Lire aussi : Cameroun : la guerre d’indépendance oubliée

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