Tunisie : un mois sans Ben Ali


Lecture 5 min.
Voyage_Tunis_20_21_fevrier_2011_335.jpg

Le départ du dictateur Zine el Abidine Ben Ali, le 14 janvier 2011, a provoqué une explosion de joie dans l’ensemble du pays. Depuis, une multitude de manifestations se déroulent sur l’ensemble du territoire, principalement à Tunis sur l’avenue Habib Bourguiba, notamment pour réclamer le départ du Premier ministre, Mohammed Ghannouchi. Entre colère, crainte et espoir, la Tunisie se cherche un nouveau chemin.

« Ghanouchi dégage ! », entend-on dans les rues de Tunis. Malgré la saisie par l’Etat de tous les biens mobiliers et immobiliers du RCD (ancien parti au pouvoir), et la création du nouveau gouvernement d’union nationale le 17 janvier 2011, le peuple tunisien continue de demander le départ de Mohamed Ghannouchi ainsi que la dissolution du nouveau gouvernement dont certains postes clés sont occupés par d’anciens membres du RCD.

Les Tunisiens veulent que le milieu politique soit réorganisé de fond en comble. Mais il semble clair que les militants qui ont conduit la révolution veuillent garder le contrôle de la suite des événements. « Sous Ben Ali, les Tunisiens ne se mêlaient pas de politique, désormais c’est tout le contraire qui se passe : des groupes de discussion s’improvisent dans les rues, des orateurs exposent leurs vues, d’autres leur apportent la contradiction… », nous confie samedi un Tunisien qui s’était arrêté pour écouter un orateur sur l’avenue Bourguiba. On a en permanence l’impression, à Tunis, d’assister à une grande discussion publique sur tous les sujets du moment.

L’Etat d’urgence

Le samedi 19 février, l’heure était à la fête. Ce soir-là, l’équipe de football nationale s’est qualifiée pour les demi-finales de la CHAN 2011 en battant la RD Congo, avec un score final de 1-0. C’est l’effervescence ! Drapeaux sortis, chants nationaux psalmodiés, rassemblements avenue Bourguiba, klaxons … Mais les chars de l’armée, les soldats et les barrages, encore très présents dans la capitale, rappellent que la Tunisie est toujours en état d’urgence.

Le pays, qui vit actuellement un tournant politique important, est placé en alerte rouge depuis le départ de l’ancien dictateur. C’est sous haute surveillance que tous les points stratégiques de la ville, tels que les ministères ou encore l’ancienne résidence des Ben Ali, sont gardés par l’armée. Un Tunisien venu fêter la victoire de l’équipe nationale, sur l’avenue Bourguiba, nous confie que « l’ambiance reste tout de même très tendue, on se croirait dans un pays en guerre ». L’avenue Bourguiba est devenue le point de rassemblement principal des contestations. C’est d’ailleurs l’un des rares endroits encore animés après 20h.

Un militant rencontré à Tunis déclare que « le couvre-feu était là pour rappeler qu’aucune sortie n’était tolérée après une certaine heure. Aujourd’hui, malgré la levée totale du couvre-feu, très peu de Tunisiens s’aventurent dans les rues une fois la nuit tombée, et tout particulièrement après minuit ». En cause : un climat d’insécurité perçu partout.

Les hôtels affichent : «incomplet !». Les touristes ont déserté la Tunisie et ne semblent pas encore prêts à revenir… Les tour-opérateurs tentent de relancer le tourisme en proposant des prix attractifs, sans succès jusque là.

Mais que fait la police ?

La police qui avait fait l’objet de vives critiques après la chute de Ben Ali, pour avoir été l’organe principal du régime, et s’être opposée de manière brutale aux militants, refait son apparition petit à petit… Cependant elle n’est pas forcément respectée, comme nous l’affirme un Tunisien présent samedi pendant la manifestation réclamant le départ de l’ambassadeur de France Boris Boillon : « pendant les manifestations contre Ben Ali, la police était sans pitié. Elle tirait volontiers sur nous. Avant on la respectait, maintenant elle fait profil bas ! »

Pendant le régime Ben Ali, les automobilistes étaient assez respectueux du code de la route. « Maintenant on se permet de griller les feux rouges, les priorités, sans parler des excès de vitesse… », déclare un chauffeur de taxi. « La police ne fait pas grand chose mis à part la circulation ou intervenir en cas de problème grave. Ils n’ont pas vraiment leur mot à dire pour le moment ». Il semble clair que les forces de police auront beaucoup de mal à retrouver leur autorité !

Voyage_Tunis_20_21_fevrier_2011_335.jpg

Des moments de joie avec l’armée !

Des jeunes s’amusent à se prendre en photo avec des militaires, qui pendant les révoltes ont été du côté de la population. D’ailleurs ils se prêtent volontiers au jeu, tout souriants… « Avant l’armée, c’était l’armée. Ils faisaient leur boulot et puis c’est tout ! on y prêtait pas forcément attention. Maintenant ils sont très respectés et on les aime beaucoup », nous confie l’un de ces jeunes qui se prenait en photo avec eux.

Les médias de l’heure ne sont ni la presse écrite, ni même la télévision, malgré les efforts de la chaîne NESSMA pour rendre compte des débats politiques 24h/24… Ce sont les groupes Facebook qui servent de source d’information prioritaire aux citoyens tunisiens, et qui organisent les mobilisations successives et les rassemblements publics… Beaucoup de Tunisiens souhaitent une stabilisation du paysage politique, qui permettrait le retour des touristes, la reprise économique, sans que leur pays ne perde son statut d’Etat laïque.

Suivez Afrik.com sur Google News Newsletter