La France s’achemine vers une interdiction générale de la burqa


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Le gouvernement français envisage de faire adopter un texte visant l’interdiction générale de la burqa en dépit des éticences du Conseil d’Etat. Le projet de loi sera présenté devant le Conseil des ministres en mois de mai et soumis aux députés en juillet.

La France s’achemine vers l’interdiction totale de la burqa. Malgré les réserves émises par le Conseil d’Etat, le gouvernement français a décidé de présenter un projet de loi devant le Conseil des ministres à la mi-mai. Le texte vise l’interdiction du voile intégral dans tout l’espace public et pas seulement dans les services publics, selon le porte-parole du gouvernement, Luc Chatel. Le projet devrait ensuite être soumis aux députés au mois de juillet. La décision a été prise mercredi lors d’une réunion à l’Elysée, réunissant autour du chef de l’Etat, le premier ministre François Fillon, les responsables de la majorité et les présidents des groupes parlementaires. Réunion au cours de laquelle le président français a affirmé que la burqa était une « atteinte à la dignité des femmes » et le signe « d’un repli communautaire et d’un rejet de nos valeurs».

François Fillon prêt à prendre « des risques juridiques »

Sollicités par le gouvernement, les Sages du Conseil d’État se sont prononcés fin mars contre une interdiction générale de la burqa, arguant qu’une telle mesure ne « pourrait trouver aucun fondement juridique incontestable ». Le gouvernement a finalement décidé de passer outre ses recommandations. Le Premier ministre, François Fillon, s’est en effet dit prêt à prendre « des risques juridiques ». Cette mesure, qui ne concerne pas plus de 2 000 femmes, est loi de faire l’unanimité. Elle sera certainement censurée par le Conseil constitutionnel, a déclaré jeudi à l’AFP, Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel à l’université de Montpellier. « Il n’y a aucun principe qui puisse servir de fondement juridique à une interdiction générale : ni le principe de laïcité ni ceux d’égalité, de sécurité ou de dignité». Dans l’opposition, beaucoup estiment que cette loi « sera inapplicable ». « Je connais un certain nombre des policiers lyonnais qui me disent aujourd’hui : « Nous, on va aller dire aux gens sur tel ou tel marché, par exemple à Vénissieux, vous allez enlever votre burqa. Difficile à faire appliquer ! « », argue Gérard Collomb, sénateur-maire PS de Lyon.

Un projet « contraire à la Constitution »

Les associations de défense des droits de l’homme sont également nombreuses à critiquer la démarche. Judith Sunderland, chercheuse à Human Rights Watch, estime qu’une interdiction totale du voile serait « incompatible avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme ». Même son de cloche à SOS Racisme qui affirme dans un communiqué qu’une telle décision serait « contraire à la Constitution et à la convention européenne des Droits de l’Homme ». L’association estime en outre que les responsables politiques seraient « plus crédibles » s’ils «évitaient de ne traiter certaines populations qu’à travers le prisme de leur appartenance ethnique ou religieuse ».

La présidente du mouvement Ni Putes ni Soumises, Sihem Habchi, s’est en revanche réjouie de la nouvelle. « C’est la victoire des femmes, c’est le début d’une nouvelle page pour l’émancipation des femmes des quartiers populaires à qui on va proposer autre chose que l’enfermement ou la mort sociale » a-t-elle confiée à l’AFP. Sihem Habchi souhaite toutefois que cette interdiction soit accompagnée d’un effort de pédagogie. « J’invite le législateur avec mon bonnet phrygien, ar je préfère ce bonnet à la burqa, à venir sur le terrain, à faire des réunions d’appartement avec nous, car je sais que c’est comme ça, en faisant de la pédagogie qu’on pourra lutter contrer tous ceux qui instrumentalisent la religion musulmane et qui enferment les femmes », affirme-t-elle.

Alors que la question continue de diviser en France, même au sein de la majorité, la Belgique devrait d’ores et déjà trancher en faveur d’une interdiction générale du port de la burqa. Le députent votent, ce jeudi, en séance plénière, un projet de loi dans ce sens. Si le texte est validé, la Belgique deviendra le premier pays d’Europe à interdire le port de la burqa dans l’espace public.

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