Kady Diarra forge sa musique métisse


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Kady Diarra
Kady Diarra

Noumou, le deuxième album de la chanteuse Kady Diarra est sorti en septembre. Toujours enraciné dans les traditions musicales de son pays, le Burkina Faso, il innove par sa coloration finement métissée, croisant influences africaines et occidentales. Un mélange sciemment recherché par la chanteuse qui vit en France depuis dix ans.

« Noumou » signifie « forgeron » en bambara (langue parlée au Mali, en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso). En Afrique, le forgeron est bien plus qu’un artisan. « C’est grâce à lui que les femmes peuvent couper les oignons et préparer le repas, c’est aussi grâce à lui que les femmes sont parées de bijoux et attirent les hommes », explique Kady Diarra. Un rôle social prépondérant auquel la chanteuse burkinabé issue d’une famille de griots souhaitait rendre hommage dans son deuxième album. Un vœu exaucé, la chanson-titre Noumou possède deux versions sur les 13 titres que comporte l’album. « Quand j’ai proposé Noumou à mon guitariste Franck Mercier, il a composé une autre version que la mienne, moins traditionnelle. Une version qui m’a plue et au final, je n’ai pas pu choisir entre les deux versions. J’ai donc gardé les deux ».

Des choix, Kady Diarra en a pourtant fait dans ce nouvel opus. Noumou, bien que profondément ancré dans les traditions burkinabés de l’artiste, mélange finement les cultures musicales occidentales et ouest-africaines. Les compositions de Kady Diarra et Franck Mercier empruntent ainsi leurs instruments et leurs rythmes aux deux identités musicales. Balafon et percussions des villages Bobo (de la région de Bobodioulasso d’où est originaire Kady), y croisent donc des lignes de guitare, des sections afrobeat, voire un accordéon.

Dans les titres Wariko et Djougouyaba, les cuivres font leur apparition, mêlés tantôt à la kora, à la batterie, au kamele ngoni (petite harpe luth). Des mélanges qui contrastent avec Dianako, le premier album de Kady paru en 2004, au travers duquel la chanteuse entendait avant tout présenter au monde un pan de la musique traditionnelle acoustique de son pays. « A force de travailler avec beaucoup de groupes musicaux issus de plusieurs pays d’Europe et d’Afrique de l’Ouest, j’ai eu envie de mélanger un peu les styles, en regroupant mes amis musiciens des deux continents».

Mélanger les gens, les styles et les cultures, Kady aime ça. Dans sa vie professionnelle, elle ne fait pas autre chose, elle multiplie les aventures et ajoute des cordes à son arc d’artiste. Digne descendante d’une mère et d’une grand-mère griotes, elle chante à 12 ans dans la chorale d’enfants « Sidoya » créée par Thomas Sankara, avant de s’envoler pour l’Europe en tant qu’actrice et danseuse au sein de la troupe d’Adama Dramé qui la propulsera au devant de la scène. Actrice, chanteuse, danseuse ? Kady Diarra est tout simplement une artiste accomplie.

Afrik.com : Comment vous est venue l’idée de cet album plus métissé que le précédent ?

Kady Diarra : Ca faisait longtemps que je voulais faire quelque chose en dehors de la musique traditionnelle. Je vis en France depuis dix ans maintenant. Je travaille donc souvent avec des artistes français, mais aussi burkinabès, ivoiriens, et béninois, qui vivent en France ou dans leurs pays. J’ai donc décidé de les réunir sur cet album. Au final, c’est plus d’une vingtaine de musiciens de plusieurs nationalités qui ont collaboré à cet album, ce qui apporte une couleur toute particulière à la base burkinabè de ma musique.

Afrik.com : Vous louez le forgeron, « Noumou », dans la chanson-titre de l’album. Quels sont les messages que vous souhaitez faire passer à travers vos chansons ?

Kady Diarra : Je chante le quotidien des gens, ce qu’ils vivent ou ont vécu, comme le forgeron, qui est quelqu’un de très important dans nos sociétés ouest-africaines. Pour cela, je chante en bambara, en français, en bwamu (langue burkinabée, ndlr). La chanson Baobab par exemple parle des gens qui sont partis. Wariko évoque l’argent qui détruit les relations entre les personnes. Je m’adresse aussi à mes parents dans cet album, notamment dans Nana qui parle de ma mère.

Afrik.com : Votre mère justement était une griote. C’est avec elle que vous avez appris à chanter ?

Kady Diarra : Oui, avec ma mère et ma grand-mère. C’était un bonheur pour moi de les suivre chez les gens pour les écouter chanter. Parfois, ma grand-mère entrait même en transe tellement l’émotion qu’elle dégageait était forte. C’est mon héritage artistique tout ça. Ce sont ces deux femmes qui m’ont permis de m’exprimer dans le chant.

Afrik.com : En dehors d’elles, quels sont les artistes qui vous inspirent ?

Kady Diarra : Tous les artistes m’inspirent, j’écoute beaucoup de styles différents. Mais c’est vrai qu’il y a un artiste qui a eu une grande influence sur moi : c’est Adama Dramé et son groupe Foliba. Un jour, il est venu dans la cour de ma maison et a demandé à mon père si je pouvais partir en tournée avec lui. C’était en 1994. Depuis lors, il m’a toujours considérée comme sa fille. C’est grâce à lui que j’ai développé mes aptitudes de danseuse et d’actrice. Il ne m’a pas limitée à la danse. Il m’a au contraire ouvert des portes.

Afrik.com : Danseuse, chanteuse, actrice, vos talents sont multiples. Comment vous définissez-vous ?

Kady Diarra : J’ai ma place dans tous ces arts. C’est quelque chose que je respire, avec lequel je vis. Le chant, la danse, la comédie, la coiffure, le rôle de femme au foyer aussi, je ne peux pas choisir. Quand je danse, je veux que le public danse avec moi. Quand je chante, je veux qu’il chante avec moi. C’est plus fort que moi, c’est ma manière de m’exprimer, de communiquer…

Afrik.com : Vous paraissez avoir du caractère. Il en faut pour être une artiste femme qui dirige un groupe d’hommes?

Kady Diarra : Peut-être… (rires). En tout cas, je suis heureuse d’être une femme qui dirige un groupe de musiciens qui sont majoritairement des hommes, oui. Je remercie pour cela l’éducation ouverte que m’a donné mon père, un ancien combattant. Il a fait en sorte que je puisse m’exprimer devant les hommes sans gêne. C’est important.

Afrik.com : Qu’est ce qui vous attend dans les prochains mois ?

Kady Diarra : Une belle tournée en France jusqu’en décembre… Sinon, je souhaite approfondir mes rencontres musicales, multiplier les échanges, comme ce que j’ai fait dans Noumou. J’aimerais continuer dans cette voie… Peut-être pour le prochain album, nous verrons…

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