Cameroun : quand le Net abrite le trafic d’animaux


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Afin de contourner la loi qui interdit de vendre les espèces fauniques protégées, des trafiquants se sont repliés sur Internet au Cameroun, où ils proposent des animaux exotiques à leurs clients occidentaux. Laga-Cameroun, une ONG qui craint que ce trafic ne s’étende à l’être humain mène le combat, avec l’appui de la police. Quelques trafiquants ont été arrêtés, et leurs réseaux démantelés.

« Impossible n’est pas camerounais », disait dans les années 70 feu Ahmadou Ahidjo, le premier président du Cameroun, très au fait de la capacité de débrouillardise de ses compatriotes. Dans ce pays d’Afrique frappé de plein fouet par la crise économique, de nombreuses personnes ont fait du contournement de la loi, leur sport favori.

La dernière trouvaille en date ? La vente sur Internet de tous les animaux dont la loi prohibe le commerce. En menant une lutte sans merci dans les rues de Douala et Yaoundé aux braconniers qui venaient y écouler le gibier pris vivant ou abattu dans les forêts, les autorités camerounaises croyaient être jugées irréprochables, au moins dans la protection des animaux en voie de disparition.

Mais, voici que le trafic s’est installé sur la toile. Connaissant l’intérêt des occidentaux pour les animaux de compagnie exotiques, les trafiquants sont allés proposer leurs services, directement sur les sites animaliers. Et comme ils savent que leurs clients redoutent les maladies d’origine animale, ils les rassurent du mieux qu’ils peuvent. L’annonce pour la vente de Kiki, un chimpanzé, est très explicite. L’animal « vient avec des documents de santé vétérinaire, d’immatriculation, de son permis de CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvage menacées d’extinction, ndlr) et un de garantie sanitaire ».

La traque de Laga-Cameroun

Depuis quelques années, les commerçants virtuels sont dans le collimateur des défenseurs des animaux. The Last Great Ape Organization (Laga-Cameroun), une ONG engagée dans la protection de la faune, a décidé de jouer les troubles fêtes. « Nous avons commencé à enquêter discrètement en 2005, ce n’était pas facile, vu que les vendeurs utilisent les cybercafés », explique Ofir Drori, le directeur de l’ONG. Lui et ses collègues ont même cru un certain temps, qu’il ne s’agissait que de l’une de ces arnaques, dont les Camerounais ont le secret : aucun animal ou reste d’animal ne sortait du pays après réception de l’argent de la transaction.

Cependant, comme dit un proverbe qui au Cameroun a valeur de mantra, « Quatre-vingt-dix-neuf jours pour le voleur, un jour pour le patron ». La traque organisée sur Internet par Laga-Cameroun, avec l’appui des autorités américaines, permet de détecter des échanges suspects entre un Camerounais de 27 ans, et un correspondant basé aux Etats-Unis. Le trafiquant lui propose un crâne de singe. Plutôt que de gagner un peu d’argent, il risque désormais de faire beaucoup de prison. La police l’a arrêté. Même s’il a avoué avoir effectué vingt deux transactions, portant pour la plupart sur des crânes de primates, il risque jusqu’à vingt ans de prison. La loi camerounaise en la matière étant particulièrement sévère.

Le risque de l’extension du trafic aux êtres humains

Depuis, d’autres trafiquants sont tombés. Aidé par un complice camerounais installé en Chine, l’un d’entre eux tentait de monter une filière de trafic de tortures, avec un importateur malaisien. Il a été arrêté. Huit groupes de cyber-fraudeurs ont été identifiés, et partiellement démantelés. Leurs membres traitaient principalement avec les Etats-Unis, la Malaisie, les Pays-Bas et l’Afrique du Sud.

Laga-Cameroun continue son combat. Cependant l’ONG craint que ce commerce illicite ne s’étende à l’être humain. « Il y a deux sortes d’acteurs dans la filière. Il y a les escrocs qui n’ont pas d’animal à vendre et tentent seulement d’arnaquer leurs clients et l’autre catégorie, c’est celle des vrais trafiquants. Récemment, on a vu des annonces traitant d’adoption d’enfants. Ce qui nous fait redoubler de vigilance », confie Ofir Drori. L’annonce en question réclamait 2 000 euros pour faciliter une procédure d’adoption. Or, « si ces gens considèrent qu’ils peuvent gagner cinq à dix fois plus, ils pourraient tenter de trafiquer des enfants ». Au gouvernement camerounais de prendre maintenant ses responsabilités.

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