La mouche tsé-tsé coûte des milliards de dollars aux agriculteurs africains


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Chaque année, en Afrique, la mouche tsé-tsé inflige au secteur agricole plus de quatre milliards de dollars de pertes de revenus, tue trois millions de têtes de bétail et transmet la trypanosomiase à 75 000 personnes, selon les Nations Unies. Si la stérilisation de ces mouches peut permettre d’éliminer le parasite incriminé, ce processus est long et coûteux et de plus en plus d’experts de ce domaine préfèrent s’intéresser à d’autres domaines de recherche mieux financés, selon les scientifiques.

Joseph Ndung’u, directeur du programme de lutte contre la trypanosomiase humaine africaine (« maladie du sommeil ») de la Foundation for Innovative New Diagnostics (FIND), un organisme genevois, a expliqué à IRIN qu’il avait quitté son poste de directeur du Kenyan Trypanosomiasis Research Institute pour élargir son champ d’action au-delà des frontières kényanes.

« Mais il est vrai que de nombreux scientifiques [d’Afrique] cessent de s’intéresser à la mouche tsé-tsé pour se tourner vers d’autres maladies, considérées comme plus attrayantes », a-t-il expliqué.

Selon M. Ndung’u, la diminution significative du nombre d’êtres humains touchés par la trypanosomiase (passés d’environ un demi-million, il y a 10 ans, à 75 000 en 2007, selon l’Organisation mondiale de la santé – OMS) s’est traduite par une réduction des financements accordés à la recherche, à la surveillance et au contrôle des maladies, dans le cadre de la lutte contre la mouche tsé-tsé.

« Mais la maladie est toujours aussi mortelle chez les animaux », a ajouté M. Ndung’u. Le parasite entraîne en effet la « maladie du dépérissement », ou nagana, qui provoque de la fièvre, une anémie et peut entraîner la mort.

Sans ces animaux, les populations d’Afrique subsaharienne gagnent, mangent et produisent beaucoup moins qu’elles ne le pourraient, selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

La mouche de la pauvreté

« C’est une mouche de la pauvreté », selon Jorge Hendrichs, directeur du service de lutte contre les insectes et les nuisibles au sein d’un projet mené de concert par la FAO et l’Agence internationale de l’énergie atomique (IAEA).

« Pourquoi trouve-t-on des populations extrêmement pauvres et affamées dans des régions vertes et luxuriantes ? », a-t-il demandé. « Observez-les de plus près et vous allez constater que les femmes travaillent la terre à mains nues. Il n’y a simplement pas d’animaux dans les régions rurales les plus pauvres d’Afrique. La ?mouche? tsé-tsé a tué le bétail qui aurait pu tirer les charrues dans les champs ou transporter les fruits et légumes au marché ».

Ainsi, 90 pour cent des cultures d’Afrique subsaharienne sont produites sans traction animale, ce qui vaut au continent plus de quatre milliards de dollars de pertes annuelles, d’après la FAO.

Méthode nucléaire

En stérilisant les mouches mâles par radiation, avant de les relâcher dans des zones où la maladie est endémique, les scientifiques ont pu éliminer un certain nombre d’espèces ces 50 dernières années.

Mais d’après M. Hendrichs, de l’IAEA, bien que cette technique se soit avérée efficace sur la mouche méditerranéenne du fruit, au Mexique, et sur la mouche du melon, au Japon, seule la Tanzanie a déclaré que la mouche tsé-tsé avait entièrement disparu sur l’île de Zanzibar, après que les bailleurs eurent participé au financement d’un projet de stérilisation de six millions de dollars, à la fin des années 1980.

Les pays les plus touchés sont l’Ouganda, la République démocratique du Congo et l’Angola.

Un manque d’experts et une mauvaise gestion freinent l’élimination de la mouche tsé-tsé en Afrique, selon M. Hendrichs, le directeur de l’IAEA. « La mouche tsé-tsé est en partie un problème d’insectes, mais c’est aussi une question de gestion des ressources humaines. Ces programmes ne sont pas simples. Il faut une volonté politique forte. On ne peut pas les diriger par l’intermédiaire de la bureaucratie publique. Il faut former des équipes de gestion fiables qui ne soient pas corrompues ou [qui n’aient pas] d’autres intérêts ».

Or, les scientifiques qualifiés et les fonctionnaires formés par l’IAEA quittent souvent l’Afrique en quête d’emplois mieux rémunérés, a ajouté M. Hendrichs. « Un certain nombre de membres [de l’IAEA] disparaissent dans le secteur privé, ou simplement au cours de la formation ».

Chaque année, l’IAEA forme jusque 20 scientifiques à la lutte contre la mouche tsé-tsé.

M. Ndung’u, scientifique membre de la FIND, a expliqué à IRIN qu’il continuerait de lutter contre la mouche tsé-tsé. « Si les répercussions [de notre travail] sur les êtres humains ne sont peut-être pas si évidentes, l’importance de la mouche tsé-tsé repose sur son lien avec l’agriculture africaine. Quand on a des bœufs pour tirer les charrues, on peut produire 10 fois plus, se nourrir, nourrir ses enfants et avoir assez de fruits et légumes pour en vendre au marché ».

« Si nous voulons faire changer les choses en Afrique, il faut commencer, avant tout, par la mouche tsé-tsé », a-t-il ajouté.

De notre partenaire Irin

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