Pourparlers au point mort et reprise des violences au Zimbabwe


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Le gouvernement du président zimbabwéen Robert Mugabe lance une nouvelle série d’attaques à l’encontre du Mouvement pour le changement démocratique (MDC), a indiqué à IRIN un porte-parole du parti d’opposition, à l’heure où l’accord, tant célébré, de partage des pouvoirs entre les partis semble au bord de l’échec.

L’accord du 15 septembre, négocié par l’ancien président sud-africain Thabo Mbeki, n’a jamais vraiment décollé : ayant conservé la même attitude à l’égard de Morgan Tsvangirai, leader du MDC et « larbin de l’Occident », Robert Mugabe refuse toujours de concéder les ministères zimbabwéens de la Sécurité à l’opposition.

La querelle à propos de la mise en œuvre de l’accord sur le partage des pouvoirs (et surtout à propos de l’attribution du ministère de l’Intérieur, dont dépend la police) se poursuit parallèlement à une recrudescence des violences politiques.

Ainsi, les Avocats du Zimbabwe pour les droits de l’Homme ont rapporté récemment qu’en septembre, mois de signature de l’accord, 1 300 cas de violences politiques avaient été signalés contre des rassemblements de l’opposition, soit une hausse de 39 pour cent par rapport au mois d’août. Ont été signalés, parmi ces actes de violence politique, des cas de destruction de biens, de viol et de meurtre.

Nelson Chamisa, porte-parole du MDC, a expliqué à IRIN que les miliciens de la ZANU-PF, en collaboration avec des représentants des services de sécurité publique, rouvraient des camps de torture, les utilisant comme base pour attaquer les partisans du MDC.

« La ZANU-PF se comporte comme un parti qui a déclaré la guerre au peuple », a-t-il noté.

Ces camps de torture auraient été créés dans le sillage de la défaite du président Mugabe aux élections générales du 29 mars, à l’issue desquelles M. Tsvangirai avait remporté 47,9 pour cent des voix, sans pour autant s’assurer la majorité absolue requise pour l’emporter au premier tour du scrutin présidentiel.

M. Mugabe avait quant à lui remporté 43,2 pour cent des voix, et la ZANU-PF avait également perdu sa majorité au Parlement pour la première fois depuis l’indépendance du pays, ancienne colonie britannique, en 1980.

La gravité des violences politiques avait pourtant incité M. Tsvangirai à décider de se retirer de la course à la présidence au deuxième tour, que M. Mugabe, seul candidat en lice, avait donc remporté ; le scrutin, qui n’a pas été considéré comme libre et juste, a néanmoins été condamné par la communauté régionale et internationale.

Le retour des camps de la torture

« Le 27 octobre, plus de 30 partisans du MDC ont été sauvagement agressés dans un quartier du nom d’Epworth, situé à l’est d’Harare [la capitale], et plusieurs d’entre eux, grièvement blessés, ont été hospitalisés. Plusieurs camps de torture ont été créés dans l’ensemble du pays, où des partisans du MDC ou des personnes soupçonnées de l’être sont torturés par des miliciens de la ZANU-PF », a déclaré M. Chamisa.

« Le 30 octobre, des agents des services de sécurité publique de la province du Mashonaland Occidental ont fait une descente aux domiciles des dirigeants du MDC à Banket [à environ 100 kilomètres au nord-ouest d’Harare] et ont arrêté neuf responsables du parti. Les responsables n’ont pas comparu devant les tribunaux », a expliqué M. Chamisa, ajoutant que la milice de la ZANU-PF empêchait les conseillers du MDC de s’acquitter de leurs devoirs dans l’ensemble du pays.

Un officier de l’Armée nationale du Zimbabwe, qui a refusé d’être nommé, a en outre déclaré à IRIN que depuis les élections de mars, des hauts responsables de l’armée avaient été dépêchés dans les régions rurales, où ils avaient presque pris les commandes de toutes les opérations auparavant menées par les représentants des autorités publiques locales.

« De nombreuses régions rurales sont sous le contrôle de colonels ou de lieutenants-colonels, qui dirigent les autorités locales et sont responsables des distributions de vivres et de semences, et il est impossible que les soldats travaillent avec des responsables du MDC », a-t-il noté.

En octobre, le général Constantine Chiwenga, commandant des forces de défense du Zimbabwe, aidé par de hauts responsables de l’armée, a été chargé de déterminer qui bénéficierait des distributions d’intrants agricoles, notamment de graines de maïs et d’engrais. La distribution de ces intrants agricoles serait fonction de la fidélité des bénéficiaires à la ZANU-PF.

Lors d’un sommet extraordinaire de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), à Johannesbourg le 9 novembre, l’organisme régional a décidé que le MDC et la ZANU-PF devraient se partager les portefeuilles ministériels de l’Intérieur, et dès lors la direction des forces de police, bien que la ZANU-PF conserve les commandes exclusives de l’armée et des services de renseignement.

Le MDC a rejeté la proposition de la SADC.

Les médias étatiques diabolisent Morgan Tsvangirai

« Il y a une chance infime que l’UA [Union africaine] puisse faire annuler la décision de la SADC. La SADC, en ce qui la concerne, a finalisé la question. Malheureusement, Tsvangirai n’a d’autre choix que de jouer le jeu, car s’il refuse d’intégrer le gouvernement, il risque d’être perçu comme un nouveau Jonas Savimbi en devenir et il va avoir beaucoup de difficultés ».

Ces dernières semaines, les médias zimbabwéens sous autorité étatique ont assimilé Morgan Tsvangirai à l’ancien chef rebelle angolais Jonas Savimbi, dont l’alliance avec l’Afrique du Sud de l’apartheid avait fait de lui un des personnages les plus haïs de sa génération en Afrique ; de même, M. Tsvangirai a également été qualifié par ces mêmes médias de Laurent Nkunda (un chef rebelle de la République démocratique du Congo) zimbabwéen.

Le Botswana, le plus virulent critique de M. Mugabe dans la région, est accusé de mettre des camps d’entraînement à la disposition des miliciens du MDC, de façon à déstabiliser le Zimbabwe, qui pâtit déjà d’un taux d’inflation annuel de plusieurs centaines de millions pour cent, et dont près de la moitié de la population dépendra de l’aide alimentaire au cours du premier trimestre de 2009.

Le gouvernement botswanais dément cette allégation.

« Les miliciens sont censés se livrer à des actes de banditisme pour forcer l’Etat à réagir manu militari, et sitôt fait, les lionnes de Washington et de Londres se précipiteront pour défendre leurs lionceaux, en prétendant que le Zimbabwe menace la sécurité et la paix dans la région », a déclaré Caesar Zvay, rédacteur adjoint de The Herald, dans un article paru récemment dans la rubrique opinion du quotidien étatique.

« À partir de là, il [Morgan Tsvangirai] prétendra que l’UA a échoué et qu’elle devrait soumettre la question aux Nations Unies, en espérant ainsi que ses dresseurs [la Grande-Bretagne et les Etats-Unis] mènent la barque pour mettre à exécution le changement de régime illégal qu’ils n’ont pas réussi à provoquer au cours des huit dernières années ».

M. Zvayi, expulsé du Botswana cette année après avoir été inscrit sur la liste des « sanctions ciblées » de l’Union européenne, a également averti dans son article que « M. Tsvangirai ferait mieux de tirer des leçons du sort qu’a connu Jonas Savimbi après qu’il s’est retiré du deuxième tour des élections présidentielles qui l’opposaient à José Eduardo dos Santos, le président en exercice, en 1992 ».

Jonas Savimbi a été tué en 2002 au cours d’une échauffourée avec l’armée angolaise. « On dit que l’histoire se répète », a noté M. Zvayi. « Morgan [Tsvangirai] devrait se méfier de la malédiction de l’histoire ».

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