Immigration clandestine: la Mauritanie, nouvel épouvantail de l’Europe


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Les violations des droits de l’Homme envers les migrants africains se multiplient en Mauritanie, devenue en quelques années le point de transit favori des clandestins en partance pour l’Europe. Amnesty International dénonce les autorités locales et l’Union européenne. Elle exerce une pression accrue sur les pays africains dans sa lutte contre l’immigration clandestine, transformant de fait ces pays en « gendarmes de l’Europe ».

« À l’époque, quand les Blancs venaient en Afrique par la mer, on ne les traitait pas de clandestins. Pourquoi aujourd’hui, quand nous essayons d’aller par la mer en Europe, on nous traite de clandestins? ». Ce message, écrit par un migrant au centre de rétention de Nouadhibou au nord de la Mauritanie, traduit la frustration de milliers d’Africains qui, comme lui, n’ont pas pu gagner l’Europe. Baptisé « Guantanamito » (« Petit Guantanamo ») par certains détenus, c’est là qu’échouent temporairement les migrants avant d’être expulsés hors du pays. Près de 3 300 d’entre eux sont passés par le centre en 2007. Nouadhibou est aujourd’hui pointé du doigt par Amnesty International pour ses conditions de détention, « de surpopulation et d’hygiène ne répondant pas aux normes internationales relatives aux personnes privées de liberté ».

Toutes ces constats sont le résultat d’une mission effectuée par Amnesty en mars dernier. Au-delà des accusations portées envers le centre de rétention de Nouadhibou, c’est toute la politique de lutte contre l’immigration clandestine en Mauritanie qui est mise en cause. Dans un rapport rendu public mardi, l’organisation de défense des droits de l’Homme dénonce le sort réservé aux candidats à l’immigration vers le continent européen. Intitulé Mauritanie : « Personne ne veut de nous », Amnesty accuse les autorités locales de « violations de certains droits essentiels des migrants » interdits d’Europe.

L’UE est aussi responsable que la Mauritanie dans les violations commises

Amnesty estime aujourd’hui que ces manquements au droit sont dictés par les « pressions » qu’exercent l’Union européenne (UE) et ses Etats membres, et en particulier l’Espagne, sur ce pays. « Pour obtenir la collaboration de pays africains à la lutte contre l’immigration clandestine », certains d’entre eux, dont la Mauritanie, ont donc dû se transformer en « gendarmes de l’Europe ».

L’organisation dénonce ainsi les effets pervers générés par la politique européenne de l’immigration que l’UE « externalise » vers l’Afrique. L’accord de coopération signé en 2003 entre la Mauritanie et l’Espagne oblige depuis les autorités locales à réadmettre sur son sol ses citoyens mais aussi tous les ressortissants des pays tiers qui ont tenté la traversée de l’Atlantique à partir de ses côtes. Une pression qui donne lieu à des arrestations arbitraires et brutales de personnes en situation irrégulière et régulière sur simple soupçon de planifier une traversée vers les îles espagnoles des Canaries. Autre conséquence de cette politique : les expulsions collectives vers le Sénégal et le Mali, quelle que soit la nationalité et le pays d’origine des migrants. Ainsi, 7 100 personnes ont été expulsées en 2007 selon les chiffres officiels. L’absence de recours juridique ne laisse aucun choix à ces derniers qui ne peuvent contester ces décisions arbitraires.

Des migrants toujours déterminés à gagner l’Europe…

Malgré une armada de mesures dissuassives, nombreux sont les migrants qui pensent que l’Europe, n’est qu’à quelques encablures de Nouadhibou. La Mauritanie est en effet devenue, depuis quelques années, le point de départ et de transit privilégié de migrants, venus le plus souvent d’Afrique de l’Ouest et « contraints d’emprunter d’autres routes plus périlleuses car beaucoup plus longues » selon le rapport. Le renforcement des contrôles au nord du Maroc, et plus particulièrement au large du détroit de Gibraltar, ainsi que les murs de barbelés à Ceuta et Melilla (deux enclaves espagnoles en terre marocaine), en a dissuadé plus d’un.

Embarqués à bord de bateaux de fortune, ils sont des centaines à vouloir tenter l’aventure de la traversée maritime vers les Canaries. Les statistiques officielles disent qu’ils ont été 700 à le faire l’an dernier. Mais beaucoup meurent en cours de route. Pour la seule année 2007, plus de 900 migrants ont ainsi été retrouvés morts selon l’Organisation pour les droits de l’Homme d’Andalousie (ONG espagnole). Ceux qui ont la chance de s’en sortir se font vite repérés par les garde-côtes espagnols pour être expulsés quelques jours plus tard. Pourtant, quelques uns réussissent. Le rapport souligne « le rôle moteur joué par les migrants qui sont parvenus à rejoindre l’Europe et qui appellent tout de suite leurs familles pour leur annoncer » leur réussite. Ces cas restent pourtant exceptionnels.

…qui veut briser leur détermination à tout prix

Face à la pression migratoire à laquelle l’Europe fait face et aux drames liés à l’immigration clandestine, l’UE, qui présente sa politique comme une opération sécuritaire et humanitaire, serre donc la vis. L’immigration reste un dossier toujours aussi épineux pour l’UE qui souhaite mettre en place une politique commune en la matière. Nicolas Sarkozy en a d’ailleurs fait son cheval de bataille. Le chef de l’Etat français, qui assure la présidence de l’Union depuis mardi, présentera prochainement, à Cannes (sud de la France), un « pacte européen sur l’immigration et l’asile ». Après la directive retour qui fixe des normes communes au renvoi des sans-papiers, le pacte vient confirmer le durcissement de la politique européenne en matière d’immigration.

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