Kadhafi déploie le faste libyen en Ouganda


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Le drapeau libyen et des portraits de Mouammar Kadhafi pavoisaient, mercredi, dans tout Kampala, la capitale ougandaise. Le dirigeant libyen y a célébré la naissance du prophète Mohamed et inauguré une immense mosquée dont il a financé la construction. Reportage.

Notre envoyé spécial à Kampala

queueentree.jpgPlusieurs dizaines de milliers de personnes sont massées dans les rues de Kampala et à l’intérieur d’un stade de football quadrillés par les forces de sécurité ougandaises et libyennes. Ils veulent entendre et voir le Guide de la révolution, Mouammar Kadhafi, qui a financé la construction de la mosquée nationale qui porte son nom, sur une colline surplombant la capitale.

L’édifice, visible depuis le stade, est immense : 35 0000 mètres carrés sur deux niveaux, cinq dômes, un minaret de 57 mètres de haut. Parmi les musulmans ougandais présents lors de l’inauguration officielle, divers chiffres circulent quant à la somme qu’il aurait coûté. 20 millions, 40 millions, 50 millions de dollars US… Difficile de connaître le montant exact de la facture. Les autorités ne communiquent pas sur le sujet.

Quoiqu’il en soit, la Libye ne regarde guère à la dépense lorsqu’il s’agit d’aider des musulmans africains et de propager l’islam à travers le continent. « Nous sommes solidaires de tous les peuples musulmans, nous explique Jiuma Abulkher, le directeur général de l’information extérieure libyen. Nous formons chacun une partie de la même religion et, par conséquent, nous devons nous soutenir. »

Des musulmans du monde entier

Philippins.jpgChaque année, pour célébrer l’anniversaire de la naissance du prophète Mohamed, Mouammar Kadhafi se rend dans une ville qui a bénéficié de ses largesses. Ainsi, l’an dernier, il était à Agadez, au Niger, et l’année précédente, à Tombouctou, au Mali. Lors de ces célébrations, il invite aux frais de la Libye des milliers de croyants du monde entier. Aussi, dans le stade de Kampala, ce mercredi après-midi, cohabitent keffiehs bédouins, turbans touaregs, toques philippines, des dizaines de coiffes et de costumes représentatifs des musulmans de chaque continent.

Priere.jpgParmi eux, deux Maliens, Hamo Zouda Salim et Cherif Abidine Konuta, qui avaient assisté aux célébrations de Tombouctou en 2006. Ravis que la rencontre de Kampala se déroule avec faste et sans heurts, ils estiment qu’elle permettra de combattre les préjugés dont sont victimes les musulmans, en Occident en particulier : « Les gens critiquent l’islam sans arrêt. Ils nous voient avec la barbe, et ils ont peur. Nous, on est venus montrer qu’on n’a de problèmes avec personne, et tout s’est bien passé, inch allah. » Mamadu Mustafa Diallo, secrétaire du Conseil islamique de Guinée Bissau, ajoute que, de son point de vue, la qualité majeure de la manifestation est de « rapprocher des Africains de tous les pays », et même au-delà surenchérit Syed Mir Shamiul Mahfooz. Ce responsable d’un institut d’étude coranique au Bengladesh ne résiste pas à la tentation du prosélytisme et m’explique, en se défendant de vouloir me rallier à la confession musulmane, que « l’islam est la religion la plus moderne, alors pourquoi continuer de se servir d’un cheval quand on peut prendre la voiture et l’avion ? »

Kadhafi encensé

KadhafiMusevene.jpgDes propos qui rejoignent ceux que le dirigeant libyen a tenus quelques minutes plus tôt, après avoir dirigé la prière dans le stade archi comble de Kampala : « Mahomet est le prophète de tout le monde, il a été envoyé pour toute l’humanité, à la différence des autres prophètes avant lui. » Une demi-douzaine de chefs d’Etats africains, dont le président ougandais Yoweri Museveni, le Kenyan Mwai Kibaki et le Malien Amadou Toumani Touré se sont joints à lui sur l’estrade. Et à chacune des pauses que prend le Guide au cours de son discours d’une heure, traduit de l’arabe en anglais, sur la place de la religion musulmane dans le monde, la foule s’exclame : « Allah est grand ! » et « longue vie à Kadhafi ! »

Kadhafimosquee.jpgPrésent au stade puis parmi les invités sélectionnés pour assister à la cérémonie qui suit à la Mosquée nationale Kadhafi, Muhammad Nsereko, un jeune avocat ougandais. Il salue le geste du dirigeant libyen à l’égard des musulmans ougandais et se félicite que, dans son pays où environ 20% de la population[[L’Ouganda compte 30 millions d’habitants]] pratique l’islam – les 80% restants sont chrétiens et animistes –, les différentes confessions cohabitent harmonieusement. « Notre président, Yoweri Museveni, a assisté à la prière, et il est chrétien, souligne-t-il. Dans les familles ougandaises comme dans ma propre famille, d’ailleurs, différentes religions cohabitent. Mon grand-père a choisi l’islam, et ses deux frères, le catholicisme et le protestantisme. »

AffichesKadhafiMusevene.jpgEn fin de journée, alors que le soleil commence à décliner au dessus de Kampala et que les immenses oiseaux kaloli se posent au faîte des arbres pour passer la nuit, Mouammar Kadhafi suivi du cortège des officiels quitte la mosquée. La foule se disperse lentement. A l’extérieur de l’édifice, de petits groupes se forment çà et là pour prolonger cet après-midi où la ville a vécu à l’heure libyenne.

Photos : Enrique Rubio Ezquieta

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Journaliste, écrivain, dramaturge scénariste et réalisateur guadeloupéen. Franck SALIN fut plusieurs années le rédacteur en chef d'Afrik.com
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