Appels à la délation, pressions sur les préfets, les maires : le ministère de l’Immigration sort les crocs


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Le ministère de l’Immigration dirigé par Brice Hortefeux exerce des pressions de toutes sortes sur les fonctionnaires pour qu’ils traquent les clandestins et aident à grossir le nombre de reconduites à la frontière. Ainsi, la semaine dernière, 850 directeurs d’écoles du Haut-Rhin recevaient un courrier les encourageant à dénoncer des enfants en situation irrégulière scolarisés dans leurs établissements…

Au-delà du projet de loi sur l’immigration qui fait l’actualité de ces derniers jours, différentes mesures confirment le durcissement de la politique gouvernementale concernant les étrangers et plus largement, l’immigration en France. Depuis le mois de juillet, les opérations de reconduites à la frontière se sont multipliées. La 12 septembre, le ministre de l’Immigration, Brice Hortefeux, sommait les préfets d’agiter la menace de poursuites judiciaires envers les maires qui parrainent des sans-papiers. La semaine dernière, 850 directeurs d’écoles élémentaires ont reçu dans leur boîte mail un courrier électronique signé par l’inspection académique du Haut-Rhin. Il encourage les directeurs à se manifester s’ils comptent dans leurs classes des enfants en situation irrégulière. Autant de signes qui interviennent peu après que Brice Hortefeux a rappelé ses objectifs en matière de reconduite d’étrangers à la frontière, à savoir 25 000 pour l’année 2007.

Une « maladresse » qui rappelle de mauvais souvenirs

Une « maladresse » ? C’est ainsi qu’a qualifié Xavier Darcos, Ministre de l’Education, le mail envoyé par l’Inspection académique du Haut Rhin aux 850 directeurs d’écoles du département. L’erreur est humaine mais on a du mal à croire qu’un tel courrier a été envoyé par erreur… De plus, il soulève un certain nombre de questions éthiques. Depuis quand le personnel éducatif doit-il se substituer à la police ? Les établissements scolaires seraient-ils devenus une annexe du commissariat de police ou du Ministère de l’Intérieur ?

Face aux vives réactions qui ont suivi l’envoi du mail, un second courrier électronique leur a été expédié, précisant qu’il ne fallait pas tenir compte du premier, qu’il s’agissait d’une « erreur ». Xavier Darcos a convoqué, ce jeudi, l’Inspecteur d’Académie pour qu’il s’explique. Dans un communiqué, l’académie de Strasbourg a indiqué que ce courriel a été « malencontreusement » envoyé par « la division de la vie scolaire de l’inspection académique » afin de « répondre à une demande d’information émanant de la Fédération du conseil des parents d’élèves (FCPE) ». Démenti immédiat d’Isabelle Klem, présidente de la FCPE Haut-Rhin, qui a souligné que l’association était « membre du Réseau éducation sans frontières (RESF) ».

Un ministre de l’Immigration friand de menaces

Il n’y a pas que les chefs d’établissements qui ont été sollicités. Il y a deux semaines, Brice Hortefeux convoquait une vingtaine de « mauvais » préfets, à savoir ceux qui se situent en dessous des attentes ministérielles en matière d’expulsions de sans-papiers, afin de leurs rappeler les objectifs fixés. A leur tour, certains préfets, soucieux de satisfaire leur chef, ou ayant cédé à la pression gouvernementale, ont menacé de poursuites judiciaires les maires qui se hasarderaient à défendre les sans-papiers. Comme le prouve l’extrait de cette lettre adressée au maire de Clamart, Philippe Kaltenbach, que nous nous sommes procurée : « Il m’appartient de vous rappeler de façon solennelle qu’en distribuant ce type de documents ( attestation de parrainage ) vous contrevenez directement à la loi sur l’entrée et le séjour d’étrangers en France et que vous devenez pénalement responsable de ce délit comme le précise l’article L-622-1 », a écrit le préfet Pierre de Bousquet, avant de poursuivre « vous comprendrez donc que l’éventuelle réitération de la distribution de ce type de document me conduira à appliquer les dispositions du code de procédure pénale, à savoir à saisir le procureur de la République. ». Les sans-papiers deviendraient-ils une obsession pour un ministère qui n’a qu’une politique, celle du chiffre ?

Face à ces menaces, huit maires des Hauts-de-Seine ont adressé une lettre ouverte à Brice Hortefeux. Dans cette dernière, ils s’indignent des menaces proférées à leur encontre et rappellent qu’au delà d’une question de quotas, il s’agit bien d’êtres humains, chacun ayant son histoire et ses douleurs. « On pense que ce n’est pas une bonne chose de montrer du doigt les travailleurs immigrés », nous a expliqué le cabinet du maire de Bagneux, « les préfets n’ont pas à rappeler à l’ordre les maires, c’est inadmissible » a-t-il ajouté, précisant que la municipalité avait reçu de nombreux soutiens des habitants de la ville mais, par contre, aucun retour du Ministère de Brice Hortefeux.

La pression policière source de drames humains

Autant de faits qui mettent en lumière le durcissement de la politique française en matière d’immigration. Autant de signes qui montrent que « la France, Terre d’accueil » est en passe de devenir un slogan creux, à l’image de la situation d’Alfoussène, 9 ans. Ce petit malien risque d’être expulsé incessamment sous peu vers le Mali alors que personne ne pourra s’occuper de lui sur place. Il est arrivé mercredi dernier afin de retrouver ses parents, ses frères et sœurs, en situation régulière et qui vivent en France depuis 1998. Mais aujourd’hui il est en transit dans la zone d’attente internationale à Orly. Jeudi, une femme chinoise de 51 ans chutait du premier étage d’un immeuble parisien. Cette dernière, sans-papiers, ayant pris peur, suite à l’arrivée de la police, s’est volontairement défenestré. Elle est décédée lundi.

L’augmentation de la pression sur les services préfectoraux et policiers pour atteindre les quotas d’expulsion est source de dérives. Selon SOS Racisme, « le fait que se mette en place en France un climat délétère pousse malheureusement à de telles extrémités des personnes dont la précarité de vie les rend particulièrement sensibles à la pression ». Quels drames la France devra-t-elle encore vivre pour se rendre compte de la politique d’Immigration menée par le gouvernement n’est pas défendable ?

Voir aussi : La politique Hortefeux fait des vagues dans le Gard

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