La France tend-elle un piège aux vieux immigrés ?


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Le ministre français de la Cohésion Sociale a annoncé, mercredi, qu’un projet de loi prévoit que les vieux immigrés puissent rentrer plus longtemps dans leur pays d’origine en continuant à percevoir certaines aides sociales. La nouvelle aurait dû réjouir, mais elle soulève la réserve de l’Association des travailleurs maghrébins de France et une vive inquiétude au sein du Groupe d’information et de soutien des immigrés.

La déclaration a fait l’effet d’une petite bombe. Invité ce mercredi matin sur les ondes de France Info, le ministre français de la Cohésion Sociale a déclaré qu’un projet de loi prévoyait une allocation pour que les vieux migrants puissent retourner vivre plus longtemps dans leur pays d’origine sans pour autant perdre certaines aides. Cela fait longtemps que des associations demandent qu’ils puissent bénéficier de telles conditions. Une cyber-pétition, disponible également dans une version papier, avait par ailleurs circulé pour défendre leurs intérêts. Car bien des immigrés qui ont travaillé pendant des années sur le sol français restent dans l’Hexagone à contrecœur à leur retraite pour ne pas perdre leurs droits.

Beaucoup de vieux migrants non concernés

La déclaration de Jean-Louis Borloo aurait donc pu satisfaire les militants associatifs, mais ce n’est pas le cas. Le texte prévoit la signature d’un contrat qui donne droit à une allocation spéciale pour les immigrés qui s’engagent à vivre jusqu’à neuf mois dans leur pays d’origine et le reste en France. Son montant correspondra, en théorie, à celui de l’aide personnalisée au logement que le signataire perdra, de même que le minimum vieillesse (environ 600 euros), en paraphant le document.

La mesure serait destinée à désengorger les foyers Sonacotra sans que l’Etat n’ait à débourser un centime. Très sélective, elle ne s’appliquerait qu’aux célibataires, aux bénéficiaires de l’aide au logement et à ceux qui résident en France de façon régulière et ininterrompue depuis 15 ans. Aussi, elle exclut les ressortissants de l’union européenne ou les naturalisés français. Un dispositif qui laisse beaucoup de gens sur le carreau.

La santé hypothéquée

Si le projet de loi était voté en l’état, certains estiment qu’il hypothèquerait la santé des quelque 71 000 personnes âgées de plus de 65 ans concernées. Dans le cas où les vieux immigrés sont présents de six à neuf mois par an hors de France, en ce qui concerne l’assurance vieillesse, « ils peuvent faire la demande auprès de leur caisse de retraite pour le versement de leur retraite contributive (percevable de partout dans le monde, ndlr) dans une banque locale », explique-t-on au ministère de la Santé. Pour ce qui est de l’assurance maladie, « ils restent affiliés à la caisse française et peuvent se faire soigner en France ».

La proposition peut sembler idéale, mais Antoine Math, militant au Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), parle d’un « gros piège ». « Il faut vivre au minimum six mois en France par an pour bénéficier de l’assurance sociale. Alors ceux qui resteront plus longtemps ne seront plus considérés comme des résidents et n’auront plus droit à la sécurité sociale. Il y a eu une concertation et les associations avaient déjà soulevé ce problème auprès des autorités. Le texte a donc été rédigé en pleine connaissance de ce problème », dénonce-t-il, faisant part de ses vives inquiétudes.

Retraite et pension, même combat ?

Il ajoute : « Des gestionnaires de Sonacotra pourraient forcer la main aux vieux migrants, en leur disant qu’ils doivent signer le contrat qui leur permet de partir au pays plus longtemps, comme ils le souhaitaient. Certains partiront, parce qu’au bout du compte ils s’y retrouveront financièrement, mais un jour ils vont recevoir une lettre de l’assurance maladie leur expliquant qu’ils ne peuvent être soignés pour leur diabète ou leur cancer parce qu’ils sont absent plus de six mois dans l’année ». Les malades seront alors complètement coincés.

L’Association des travailleurs maghrébins de France se déclare « prudente » quant à l’annonce de Jean-Louis Borloo car, souligne-t-elle, elle s’est « faite avoir plusieurs fois ». « Tout le monde a annoncé que le président Chirac avait décrystallisé les pensions des anciens combattants. En réalité, ils ont obtenu l’égalité sur la retraite du combattant et sur la pension d’invalidité, mais pas sur la pension militaire de retraite, qui concerne la majorité d’entre eux : ceux qui ont servi 15 ans dans l’armée », commente Ali Elbaz, coordinateur de l’association.

Jean-Louis Borloo devrait présenter plus officiellement ce mercredi, lors de la visite d’un Sonacotra de la région parisienne, le texte décrié. Les vieux immigrés, qui n’ont pas vraiment pu être sensibilisés sur le sujet, pourraient avoir une fausse joie, rentrer au pays et perdre les droits qu’ils ont gagné à la sueur de leur front.

 Crédit photo : Chibanis.com

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